Textes philosophiquesBernard Manin l'oubli du tirage au sort et de la nature de l'élection"Il est remarquable, d'autre part, que des écrivains politiques d'aussi grand renom que Harrington, Montesquieu et Rousseau aient, chacun selon son point de vue et son tour d'esprit particulier, répété la même thèse : l'élection est de nature aristocratique, alors que le tirage au sort est la procédure de sélection démocratique. Non seulement le tirage au sort n'avait pas disparu de l'horizon théorique lorsque le gouvernement représentatif fut inventé, mais il y avait aussi une doctrine communément reçue parmi les autorités intellectuelles sur les propriétés comparées du sort et de l'élection. L'expérience des républiques antérieures confirmait en outre cette doctrine, même si ses fondements demeuraient obscurs. Or une génération à peine après la publication de l'Esprit des lois et du Contrat social, la désignation des gouvernants par le sort s'était comme évanouie. Il n'en fut jamais question pendant les révolutions américaine et française. Les Pères Fondateurs proclamèrent en outre solennellement leur attachement à l'égalité des droits publiques entre les citoyens. L'extension du droit de suffrage fit l'objet de débats, mais on décida sans la moindre hésitation, de ce côté-ci de l'Atlantique comme de l'autre, d'établir au sein du corps des citoyens dotés de droits politiques le règne sans partage d'un mode de sélection réputé aristocratique. Principes du Gouvernement représentatif, p. 61. Indications de lecture:Cf. Leçon De la démocratie directe. Voir aussi : Sur le gouvernement représentatif.
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