D’après une étude scientifique… les
couches-culottes sont toxiques pour les bébés, … les gens qui se parlent à
eux-mêmes seraient des génies… le vin serait très bon pour la santé » etc.
Avez-vous un jour été agacé par ce recours à l’argument
d’autorité scientifique?
Il revient constamment dans la presse écrite et
dans les médias en général. L’exercice est simple chez les journalistes, lire
(en vitesse) en article d’une revue dont
l’autorité est reconnue, en sortir un titre
ronflant, plutôt
provoquant,
et
faire un rapide résumé donné comme une vérité qui a été « prouvée ». Dans
l’esprit du public l’argument marche très bien : « ça a été prouvé m’sieur ! ».
Sauf qu’on ignore le fait que depuis
Propaganda
d’Edward Bernays, les multinationales commanditent
auprès des scientifiques des études grassement payées afin de valider leurs
produits dans l’opinion. Bernays est célèbre pour
avoir inventé les campagnes de pub et la première chose qu’il a faite a été de
mettre en avant l’autorité des scientifiques pour appuyer la propagande. C’est
désormais chose banale que de voir des blouses blanches, dans des locaux
high tech pour vanter
un dentifrice ou une lessive. C’est prouvé !… C’est la science qui le dit.
Bernay avait ainsi lancé une campagne pour
l’American tobacco pour inviter les femmes à
fumer et au premier plan en image, la recommandation des médecins. Argument
d’autorité : si c’est recommandé par les scientifiques, vous pouvez avoir
confiance. Pendant des années les cigarettiers ont bidonné des études
scientifiques pour prouver que le tabac n’était pas dangereux pour la santé. Et
ils on pu recommencer la même chose avec le glyphosate, les OGM etc. Il faut
donc rester critique.
D'où la question de l’usage de la science comme argument d’autorité. Mais pas seulement. Le problème ne s’arrête pas là, car il se pose aussi en interne. Nous pourrions en penser qu’au moins la science, elle, se dispense de l’argument d’autorité, mais ce n’est vrai que dans l’idéal. En pratique, c’est beaucoup moins clair. Est-ce qu’un thésard peut se dispenser de l’argument d’autorité ? Il cite des autorités, il a pour directeur de thèse une autorité. Il soumet ses publications à des autorités. Il doit s’aligner sur les paradigmes admis qui font autorité. D’où la question : La science peut-elle se passer de l’argument d’autorité ? C’est une interrogation extrêmement dérangeante, car si c’était le cas, la science ne serait pas loin des religions qui usent constamment de l’argument d’autorité (Augustin a dit que…Selon la Bible, Selon le Coran…). Or tout l’effort des sciences depuis le siècle des Lumières a été de combattre l’argument d’autorité. On cite toujours le propos de Galilée « et pourtant elle tourne » qui lui valu de croupir en prison à vie pour s’être opposé à l’autorité de l’Eglise
*
*
*
Les traditions anciennes exprimaient la vérité dans le langage du mythe. Les Grecs l’exprimaient dans le langage de la philosophie, le Moyen-Age dans le langage de la religion. Depuis la Modernité, nous exprimons la vérité dans le langage de la science. Mais bien plus qu’un langage, il est indiscutable qu’en Occident la science assume un rôle en matière d’autorité sur la vérité que l’Eglise possédait autrefois. L’Eglise apportait à l’homme du Moyen-Age sa caution et définissait ce qu’il pouvait croire. Mais il ne faut pas se le dissimuler, le processus par lequel l’opinion valide telle ou telle idée au moyen de la science n’est pas si différent. Psychologiquement c’est exactement le même. Pour la plupart des gens qui ne disposent pas des connaissances nécessaires, c’est une question d’autorité dans laquelle ils placent leur confiance.
L’argument d’autorité a deux aspects :
-
Il consiste à admettre
qu’une idée est vraie, parce qu’elle a été soutenue par une sommité respectable,
parmi les spécialistes d’un
domaine donné, parmi des experts.
-
Qu’une idée est vraie, parce qu’elle émane
d’un texte sacré et ses commentaires érudits, attitrés et autorisés.
1) Dans le premier cas, nous pouvons repérer un
procédé rhétorique clairement
identifiable et tout à fait commun. On trouvera alors une mention du genre :
« Selon Einstein… Pour Hegel… Selon Machiavel…, d’après ce que nous dit André
Gide… » suit alors une idée plus ou moins alignée sur l’auteur en question, mais
le rédacteur compte sur l’effet produit par le
nom, effet qui est censé
impressionner et donner du poids à ce qui est affirmé. Plus de poids que ce qui
est dit d’ailleurs. Pour que cela marche, il est indispensable de fournir un nom
qui fasse autorité, sinon l’argument est totalement inefficace et peut même se
retourner contre celui qui s’exprime. On ne va pas dire « selon Pétain, le
travail est… ». Mais il est possible que l’on trouve une autre autorité (dans un
dictionnaire de citations) plus en vue pour soutenir la
même
idée : « Selon Adam Smith …le travail est ». Nous voyons donc très clairement
que dans ce mode d’argumentation, implicitement, le charisme de l’autorité est
censé se communiquer à l’idée pour lui donner sa force… de vérité ! Si c’est
Einstein qui l’a dit, alors… cela doit être vrai.
A la limite, il n’est même pas nécessaire de déployer les raisons qui
soutiennent un point de vue, l’autorité suffit !
Ici scientifiques et philosophes ne pourront contenir une minute de plus leur irritation devant un tour de passe-passe littéraire complètement irrationnel. Le fait d’accoler un nom à une idée ne prouve rien du tout. On peut toujours trouver dans l’histoire des autorités célèbres pour soutenir à peu près n’importe quelle sottise. Inversement, si une idée est vraie, elle est nécessairement soutenue par des raisons qu’il est possible d’exposer logiquement et de manière démonstrative. A la limite le nom importe peu, ce qui compte c’est la solidité du raisonnement. Dans une dissertation de philosophie, le traitement précis, rigoureux, complet d’une question, mais où on ne trouve nulle part mention d’une autorité, vaut bien plus que le catalogue ....
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© Philosophie et spiritualité, 2020, Serge Carfantan,
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