Textes philosophiquesCondorcet Le progrès de l'humanité"Peut-on étendre ces même espérance jusque sur les facultés intellectuelles et morales? Et nos parents, qui nous transmettent les avantages et ou les vices de leur conformation, de qui nous tenons, et les traits distinctif de la figure, et les dispositions à certaines affections physiques, ne peuvent-ils pas nous transmettre aussi cette partie de l'organisation physique d'où dépendent l'intelligence, la force de tête, l'énergie de l'âme ou la sensibilité morale? N'est-il pas vraisemblable que l'éducation, en perfectionnant ces qualités, influe sur cette même organisation, la modifie et la perfectionne? L'analogie, l'analyse du développement des facultés humaines, et même quelques faits semblent prouver la réalité de ces conjectures, qui reculeraient encore les limites de nos espérances. Telles sont les questions dont l'examen doit terminer cette dernière époque; et combien ce tableau de l'espèce humaine, affranchie de toutes ses chaînes, soustraites à l'empire du hasard, comme à celui des ennemis de ses progrès, et marchant d'un pas ferme et sûr dans la route de la vérité, de la vertu et du bonheur, présente au philosophe, un spectacle qui le console des erreurs, des crimes des injustices dont la terre est encore souillée, et dont il est souvent la victime? C'est dans la contemplation de ce tableau qu'il reçoit le prix de ses efforts pour le progrès de la raison, pour la défense de la liberté. Il ose alors les lier à la chaîne éternelle des destinées humaines; c'est là qu'il trouve la vraie récompense de la vertu, le plaisir d'avoir fait un bien durable, que la fatalité ne détruira plus par une compensation funeste, en ramenant les préjugés et l'esclavage. cette contemplation est pour lui un asile, où le souvenir de ses persécuteurs ne peut le poursuivre; où, vivant par la pensée avec l'homme rétabli dans les droits comme dans la dignité de sa nature, il oublie celui que l'avidité, la crainte ou l'envie tourmentent et corrompent; c'est là qu'il existe véritablement avec ses semblables dans un Élysée que sa raison a su se créer, et que son amour pour l'humanité embellit des plus pures jouissances" Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain p. 295-296.Indications de lecture:Une thèse abondamment critiquée. Le "mythe du progrès". Voir Logique et progrès des sciences, part A, Temps cyclique et temps linéaire, part A, la déconstruction du monde, le sens de l'histoire.
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