Leçon 32.   Logique et progrès des sciences    english flag     pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Dans l’idée du grand public, la science est un savoir qui progresse par un processus d’accumulation sans fin. (texte) "On peut-être fier mon bon monsieur, on en sait aujourd’hui plus qu’on en savait autrefois !" On empile le savoir et les théories nouvelles, comme on empile des briques pour faire une construction et c’est ainsi que la cathédrale de la science s’édifie. De là une représentation du savoir scientifique pleine des certitudes accumulées par des générations de savants ; la fierté vis-à-vis des découvertes de la science qui permet de congédier le besoin de certitudes religieuses et de nous enorgueillir de nos avancées actuelles, que les générations passées ne pouvaient pas connaître. A nous, hommes actuels, les certitudes définitives, au passé les doutes et les superstitions !

    Mais le devenir de la science est-il un progrès linéaire ? Le savoir scientifique résulte-t-il d’une accumulation ? L'avancée du savoir amène-t-elle réellement des certitudes? N’y a-t-il pas dans les sciences des remises en question théoriques ? Pouvons-nous parler dans ce cas de cumulation du savoir ? La science ne consiste pas à mettre au goût du jour des découvertes anciennes. Elle est bien plutôt une refonte radicale, qui peut altérer jusqu’aux principes dans lesquels on a cru jusque là. Mais d’un autre côté, l’expansion du champ du connu nous ouvre aussi les frontières de plus en plus larges de notre ignorance. Dès lors que devient l’idée du progrès scientifique ? Plus radicalement, il faut s’interroger sur le processus de développement de la science. En une phrase, la question est : y a-t-il une logique du développement scientifique ?

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A. L’idée de progrès appliquée à la science

    Progrès signifie plus que changement. Un changement est une modification neutre, tandis qu’un progrès est une modification qui constitue par rapport à l’état précédent un véritable « plus », un « mieux », une amélioration. Il ne suffit pas qu’une tendance soit continue pour qu’elle marque un progrès, c'est-à-dire que toute progression n’est pas pour autant un progrès. La progression de la rage en Europe, ou de l'épidémie du SRAS n’est pas un progrès. L’idée de progrès prend tout son sens, quand elle enveloppe à la fois la constance d’une tendance répondant à une logique et une amélioration indiscutable. Le modèle du progrès en fait ce n’est pas dans la science que nous le trouvons, mais dans la technique. Entre nos moyens actuels de locomotion ou de télécommunication et ceux de nos ancêtres, il y a une telle différence, une succession d’améliorations si indiscutables que personne ne peut nier l’existence même du progrès technique, au sens du perfectionnement indéfini de ses réalisations. Appliqué à la science, ces prérequis soulèvent plusieurs questions :

    Peut-on dégager une logique constante de la découverte scientifique ? La science progresse-t-elle par un effet d’accumulation du savoir sur lui-même ? Si cela n’était pas le cas, ne faudrait-il pas dire plutôt que la science se trouve dans une révolution constante plutôt que de prétendre qu’elle est en progrès ? (texte)

    ---------------1) Il est exact qu’à la Renaissance, l’Occident a investi dans la science des espoirs extraordinaires. La philosophie de l’Histoire s’est appropriée l’argument que constitue l’aventure de l’histoire des sciences pour justifier la promesse d’un monde meilleur, préparé et bâti par la science nouvelle. Ainsi se départageaient parmi les esprits les « anciens », tenant de la culture antique, et les « modernes », nouveaux philosophes formés au contact de la méthode et des découvertes scientifiques. La science moderne a soulevé un immense enthousiasme pour le progrès, qui s’est prolongé jusqu’au début du XXème siècle. Elle permettait de s’approprier une idée du progrès d’origine religieuse, celle de l’avènement dans un temps linéaire, d’une sorte de paradis, tout en ne lui donnant pour contenu que les résultats pragmatiques de ce que la science devait apporter. On garde donc l’idée que le Temps file en ligne droite et à la place des étapes de la Création biblique, de l’apparition du Christ, du Martyr qui sauvera l’humanité, de la venue de la Jérusalem céleste, on met, comme Auguste Comte, des « états» du devenir de la société. Il y a d’abord eu un « âge théologique », le temps d’Homère et des dieux grecs. Puis vient un « état métaphysique », celui des philosophes grecs, de Platon et d’Aristote. Enfin, l’humanité se délivre de toute superstition et entre dans « l’état positif », celui du règne sans partage de la science, cet état qui est sensé délivrer un progrès sans commune mesure avec les états précédents. (texte) Cette théorie de l’Histoire, quand on l’explique à des élèves aujourd’hui suscite encore une sorte de fascination. Elle justifie une croyance et un espoir que l’on place dans la science. Elle donne substance à un immense besoin, celui de croire à une évolution. Et comme nous ne savons pas comment l’évolution peut-être conduite, nous en plaçons ... (texte).

   Tel est le mythe du progrès qui résonne dans la conscience de l’Occident jusqu’à nos jours. Nous avons eu longtemps besoin de voir l’Histoire comme un chemin royal d’accomplissement humain et de Rédemption et c’est pourquoi les plus vieux mythes de progrès se réincarnent sous des formes si diverses. Stephan Zweig l'a dit dans Le Monde d'hier : « Le dix-neuvième siècle, avec son idéalisme libéral, était sincèrement convaincu qu’il se trouvait sur la route droite qui mène infailliblement au ‘meilleur des mondes possibles’. On ne considérait qu’avec dédain les époques révolues, avec leurs guerres, leurs famines et leurs révoltes, on jugeait que l’humanité, faute d’être suffisamment éclairée, n’y avait pas atteint la majorité... cette foi en un « Progrès » fatal et continu avait en ce temps là toute la force d’une religion. Déjà l’on croyait en ce « Progrès » plus qu’en la Bible et cet évangile semblait irréfutablement démontré par les merveilles sans cesse renouvelées de la science et de la technique ».

    2) Que s’est il donc passé entre-temps, pour que nous parlions ainsi de la foi dans le progrès au passé ? Nous avons, dans la postmodernité, perdu la foi dans le mythe du progrès scientifique. Les guerres, les violences humaines se sont poursuivies de plus en plus violentes, l’inculture, les injustices, les inégalités sont toujours là et nous avons récolté en plus des problèmes écologiques liés à l’application de la science, la technique. (texte) La science a complètement changé le monde, elle a rendu possible des transformations considérables, mais au fond il semble que l’homme est resté le même ! Il n’y a pas eu de progrès de l’homme intérieur. (texte) Le seul changement important, celui dans lequel on croyait aux siècles des Lumières, le changement de la conscience de l’homme, nous ne l’avons pas vu. Nous savons maintenant qu’il est vain d’attendre de la science ce qu’elle ne saurait donner. La science n’est pas une religion, elle n’est pas une idéologie, elle n’est pas une sagesse, ni même une philosophie. La science est un savoir objectivé, l’espérance d’un progrès est tout à fait autre chose. Il n’est pas contradictoire de concevoir une techno-science surdéveloppée dans un monde moralement barbare et incu

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Vos commentaires

Questions:

1. Quels sont les différents sens que nous pouvons donner à l’idée de progrès ?

2. Pourquoi  la science n’est-elle pas une sagesse?

3. Pourquoi l’induction  n’a-t-elle pas de rigueur logique ?

4. Connaissez-vous des exemples de falsification théorique dans les sciences ?

5. En date d’aujourd’hui, la théorie des cordes est dites non-falsifiable. Dit autrement, cela implique quoi ?

6. Comment expliquer la résistance à l’apparition d’un nouveau paradigme?

7. Pourquoi le mouvement du savoir est-il révolutionnaire et non pas cumulatif ?

    © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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