La pensée enveloppe un champ d’activité varié, depuis la pensée rationnelle qui se déploie dans la réflexion et le raisonnement, à la perception, aux sensations de plaisirs, aux souvenirs, aux associations d’idées, à l'expérience esthétique et l’imagination. Il semble bien, à première vue, que la pensée ne puisse pas se réduire à une opération logique de calcul que la raison effectuerait au moyen des idées.
Et pourtant, dès qu’il y a un but à atteindre, une prévision à faire, un problème à résoudre, notre pensée se rapproche beaucoup d’un calcul. Il serait donc tentant de dire que d’un côté, il y a la pensée rationnelle, qui est en fait une forme de calcul et de l’autre, une pensée irrationnelle de moindre importance qui est la pensée immédiate.
Dès que l’esprit se reprend lui-même, prend conscience de quelque chose par le biais des idées, peut-on dire qu’il se met à calculer ? Penser, est-ce calculer ?
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Un calcul est la mise en œuvre d'une aptitude caractéristique du mental, celle d'effectuer une opération au moyen de concepts. Le calcul se rencontre dans plusieurs domaines.
1) C’est en premier lieu une opération mathématique effectuée avec des variables, des nombres ou constantes et qui suppose l’application d’une règle. Une addition, une soustraction, une multiplication, l’extraction d’une racine carrée sont des calculs. Les nombres en sont les éléments. L’addition est une règle opératoire pour le calcul qui met en relations les variables utilisées.Le calcul est une opération que l'on fait pour trouver un résultat conforme à l’application d’une règle. Une équation est une formule qui combine des variables, des constantes et des règles opératoires sous une égalité de rapport située dans l’identité. (texte)
2) Un calcul peut aussi être seulement logique. Si on attribue à la proposition A la valeur de vérité V (vrai), si B = F (faux), C = V, nous disposerons d’éléments dont les combinaisons à l’intérieure d’une raisonnement sont susceptibles d’être étudiées. Le résultat du calcul peut-être discuté d’un point de vue purement logique. La logique est capable de déterminer si une forme de raisonnement est ou non valide, une conclusion est ou non correcte. La logique propositionnelle et le calcul des prédicats sont des formes de calcul logique fondés sur les valeurs binaires V/F, présentes dans la pensée duelle de l'attitude naturelle.
3) Mais la notion de calcul peut-être étendue. Le calcul peut-être économique. L’économie veut être la science des échanges dans lesquels prennent place des évaluations quantifiables. L’opérateur en bourse calcule ses placements pour qu’ils lui rapportent le plus possible. Le PDG d’entreprise gère ses marges pour augmenter le profit de son entreprise.
4) Le calcul peut-être politique. Machiavel enseigne que le fin politique est d’abord un habile calculateur capable de prendre des décisions opportunes en prévoyant leurs conséquences (choisir la date d’une élection, de la date de discussion d’une loi à l’Assemblée etc.)
5) Le calcul peut-être militaire ,on appelle stratégie la manière de calculer avec des forces en présence pour faire plier la volonté de l’adversaire. La guerre est affaire de stratégie et donc de calcul en vue d’une victoire. La pensée qui se déploie dans le jeu d’échec est encore de cette nature, pensée qui calcule en vue d’un but, mettre mat le roi de l’adversaire pour remporter la partie. Cf. Clausewitz.
6) Il y a calcul dans tout domaine où doit être effectuée une mesure. L’arpenteur mesure le terrain, le vendeur du marché pèse les fruits. Le résultat de la mesure entre dans un calcul. On peut avoir affaire à une combinaison de mesures comme dans le calcul statistique.
7) Plus généralement, il y a calcul, là où se constitue un agencement rigoureux des moyens à des fins, là où s’élabore un projet. Calculer, c’est arranger correctement des moyens en vue d’une fin. Le commentateur sportif dira que c’était un « mauvais calcul » que de ...
---------------L’esprit calculateur n’est donc pas l’apanage des mathématiciens. C’est une caractéristique du mental raisonneur. Un esprit calculateur est un esprit dont les opérations semblent se cantonner étroitement dans le calcul pour l’obtention d’un résultat. Ce qui l’intéresse c’est la production du résultat, quels qu’en soient d’ailleurs les conséquences. C’est pourquoi on dit que l’esprit calculateur est froid, rusé, cynique et implacable. Il y a un cynisme économique qui résulte de la recherche du seul profit qui finit pas broyer la condition humaine du travail. (texte) Le décideur économique qui ne fait entrer en compte que des mesures économiques sera tout prêt à liquider ce qu’il considère comme des charges, en particulier le salaire pour remplacer les hommes par des machines. Il ne tiendra pas compte des catastrophes engendrées par la pollution industrielle (encore des charges). Il pourra aussi détourner les valeurs morales, si cela lui profite. Le requin de la finance n’a que faire des valeurs qui ne sont autres que celle de l’argent. Le cynisme politique est lui aussi l’expression de l’esprit calculateur. Il fait du politique un manipulateur dont la seule visée est de se maintenir au pouvoir. Décider de la date d’une élection, de la promotion d’un personnage public, d’une dissolution de l’Assemblée : tout peut-être affaire de calcul. Le mot qu’il faut alors employer, c’est ici celui de stratégie pour obtenir une victoire en conservant le pouvoir. C’est ce qui nous montre que de la politique à la force militaire il n’y a qu’un pas. Clausewitz disait
-... fin calculateur qui doit savoir gérer avec opportunisme les situations qui se présentent à lui pour en tirer le meilleur parti.
Ce qui paraît étrange, c'est que la pensée puisse alors se ramener à une sorte de jeu de stratégie, qui semble une mécanique sans âme. Un esprit calculateur est comme une machine bien rodée pour combiner des moyens en vue d’une fin, une machine mentale qui s’abstient de toute réflexion sur ses propres buts pour n’avoir de finalité que ses résultats. Est-ce là une utilisation mal intentionnée du mental, ou bien le mental est-il calculateur par nature? Le mental est-il par nature mécanique?
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Questions:
1. Psychologiquement, qu’est-ce qu’un esprit calculateur ?
2. Qu’est-ce qui distingue l’imagination d’un romancier de la pensée du gestionnaire de fond spéculatif?
3. Qu’est-ce qui distinguerait l’intuition du raisonnement ?
4. Qu’est ce que le raisonnement mathématique partage avec le calcul stratégique du militaire ?
5. Ne nous arrive-il pas d’agir sans calcul sans que cela soit pour autant de la précipitation ?
6. Dans quels domaines précis a-t-on besoin d’une approche par le calcul?
7. Peut-on comprendre l’esprit avec la spécialisation d’un pensée calculatrice?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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