Le pouvoir politique, ou pouvoir souverain, s’exerce par l’entremise d’un homme ou d’une assemblée d’hommes. Nous admettons communément que sa mission est d’assurer la cohésion sociale, le développement et la prospérité de l’État. Cela n’est possible que sous la condition que son autorité soit établie et maintenue. Si l’État n’avait pas d’autorité reconnue, il n’aurait pas de pouvoir et ne pourrait pas assurer sa mission, il ne pourrait pas s’élever au-dessus des autres formes de pouvoir. Il n’existerait pas.
Si tout pouvoir politique suppose une autorité, il n’est pas évident par contre de déterminer ce qui peut en garantir l’autorité et donc par là fonder le pouvoir politique lui-même. Nous voyons qu’un état comporte toujours beaucoup de rivalités. Et qui dit rivalité, dit conflit à résoudre devant une instance supérieure. Le pouvoir n’est-il pas là pour résoudre les conflits ? N’existe-il pas de part sa seule capacité à exercer une contrainte ? Notre première ligne d’analyse partira donc de la considération de fait du pouvoir dans son exercice.
A quoi tient donc le pouvoir ? A une transmission de l’autorité? A des raisons psychologiques ? A sa force de domination vis-à-vis des autres formes de pouvoir? En définitive,
faut-il parler du pouvoir ou bien des pouvoirs ? * *
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Le pouvoir est un terme qui a un sens qui excède la politique. Il désigne une capacité qui est en puissance (R) et peut passer en acte. L’eau a le pouvoir de se transformer en glace sous l’action du refroidissement en dessous de 0°. Un regard langoureux a le pouvoir de faire naître le désir, on parle de pouvoirs pour désigner les prodiges des yogis des Himalaya, comme pour tout ce qui relève de la magie etc. Le pouvoir politique a une place particulièrement importante, parce qu’il est un symbole de puissance en ce monde, - la puissance temporelle - parce qu’il est celui qui est le plus convoité, celui dans lequel les hommes peuvent exprimer une volonté de puissance - celle de dominer d'autres hommes -, et un désir de reconnaissance - celui de l’égomaniaque et du tyran. (texte)
Le pouvoir politique se forme historiquement à travers un processus par lequel il se dote d’une autorité devant le peuple vis-à-vis duquel il s'exerce. Cependant, suivant la caution d’autorité qu’il reçoit, il prend une signification différente. En d’autres termes, il faut comprendre comment le pouvoir se légitime. On peut, avec Max Weber, dans Le Savant et le politique, distinguer historiquement (texte) trois facteurs de légitimation du pouvoir :
1) La tradition était autrefois, et reste encore dans certains pays, la garantie suffisante de l’autorité du pouvoir. ... Ce n’est pas tant une question de personne, qu'une sanctification du pouvoir qui vient de l’inertie propre aux us et coutumes. C’est la coutume qui veut que le chef transmette le pouvoir à son fils. C'est la coutume qui veut que le dauphin soit roi, parce que cela s’est toujours fait ainsi. C'est la coutume qui dit qu'il est juste qu'il en soit ainsi. Un peuple qui a un grand respect des traditions ne modifie pas le pouvoir de la coutume, il le perpétue. La force des habitudes fait passer pour une loi ce qui a toujours été pratiqué jusque là. Le pouvoir traditionnel est issu des coutumes. C’est ainsi que l’on on sacre l’enfant roi, par simple filiation, sans autre légitimation du pouvoir que l’autorité de l’éternel hier, de l’ancienneté de la coutume et des traditions. La tradition a son autorité propre, elle est une référence dans la mémoire des hommes, car elle transporte des valeurs dignes d’être respectées. La tradition donne au temps une continuité. Le passage du temps instaure la pérennité les usages et leur donne une validité immémoriale. (texte)
... la religion, loin de s’opposer à cette conservation de l’hier, vient ajouter son poids d’autorité à la tradition. Elle donne au pouvoir une valeur sacrée : elle enseigne que tout pouvoir vient de Dieu et non des hommes. Attenter à la tradition, c'est attenter à un ordre sacré, attenter à la personne du souverain est un blasphème. Le souverain traditionnel concentre sur sa personne le pouvoir politique auréolé du prestige du culte. Aux yeux des individus en société, il est beaucoup plus qu’un homme. Il incarne un pouvoir divin et c’est cette aura de pouvoir sacré qui le rend respectable. Et non pas la seule contrainte qu'il exerce. Le rapport du sujet au souverain est teinté d’une crainte superstitieuse, mais aussi d'un respect du sacré. On attribue au souverain des « pouvoirs » magiques, comme on les attribue aux prophètes religieux. La religion rassure les peuples, elle conforte les hiérarchies établies, elle le fait si bien qu'elle tend à faire de l’ordre établi un ordre sacré, qui ne saurait être changé sous peine de profanation. Comme dans les sociétés traditionnelles, la distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel (texte) n’est pas faite, le souverain cumule en lui-même les deux pouvoirs. Il est regardé comme un chef et le représentant de Dieu sur terre. La tradition est le facteur social de légitimation du pouvoir. Notons que la tradition n’implique pas en fait tel ou tel régime en particulier, mais avant tout la confiance et l’attachement d’un peuple à un système traditionnel. A notre époque, en occident, cette forme de pouvoir ne semble plus au premier plan, comme c’est le cas dans d’autres continents. Il n’en reste pas moins que la puissance de la tradition est considérable. Elle est tout à la fois la préservation d'un passé et une continuité au sein du changement, tout en ayant aussi le caractère de maintenir un carcan rigide qui fait perdurer des pratiques parfois moralement discutables. ... des révolutions.
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charismatique vient de la reconnaissance, par la conscience collective d’un peuple, du charisme d’un homme politique, et fait accepter l’idée que la volonté personnelle d'un homme peut s’identifier avec la volonté de l’État, comme s’il incarnait l’esprit de la nation. Dans l’esprit du peuple le pouvoir d'un homme devient légitime quand il devient, à la suite d’une révolution, celui d'un "sauveur", d'un "chef", d'un "guide suprême" d'un conductor, d'un führer, d'un grand leader etc. Le peuple voit en lui un personnage qui a une vocation, celle de prendre en main les rênes du pouvoir pour le conduire vers un avenir meilleur. Le leader charismatique est appelé à jouer un rôle sur la scène de l’Histoire. A travers lui le peuple sent comme un appel de son destin. Si le pouvoir acquiert alors une légitimité, ce n’est plus en fonction de la coutume, ou du fonctionnement normal des institutions, mais pour des raisons psychologiques, parce qu’il est perçu comme ...
Il est indéniable que cette forme de pouvoir a toujours existé. Il y a eu à toutes les époques des chefs charismatiques. César, Pompée, Lénine et Staline, Mussolini et Hitler, Churchill, Mao Tse Toug, Che Guevara, Fidel Castro, ou encore De Gaule ou François Mitterrand ont en commun un charisme indéniable. Nous pourrions suivre Hannah Arendt qui veut montrer que dans un système totalitaire, le charisme joue moins de rôle que l'emprise policière. Cependant, on ne voit pas comment un homme politique pourrait s’imposer, sans une certaine force de personnalité. Et le mot charisme dit avant tout cela. C’est aussi un fait que bien souvent l’électeur vote davantage pour un homme que pour des idées ! Si le charisme est le facteur psychologique important de légitimation du pouvoir, il reste cependant à discuter dans quelle mesure ce genre de fondement peut se suffire à lui-même. S'il est indéniable que beaucoup d’électeurs votent plus pour une personne que pour ses idées, cela n’a pourtant rien de rationnel. Cela ne pourrait l'être que si le charisme était celui d'un sage. Dans la pratique, le charisme est irrationnel. Un pouvoir excessivement personnalisé peut-être abusif, justement parce qu'il est personnalisé alors qu'en réalité, il ne fait que réaliser en lui ...
---------------3) Le pouvoir légal repose sur une légitimation du pouvoir qui résulte de l’autorité des lois. C'est le seul facteur de légitimation qui puisse être admis de manière rationnelle. Le pouvoir, au sens moderne de nos démocraties, est réglé par un fonctionnement reconnu, qu’assure le jeu des institutions. C’est le seul qui corresponde à l’État démocratique dans ses idéaux, dans la mesure où le citoyen peut rationnellement admettre un pouvoir qu’il a lui-même délégué. Le citoyen se soumet rationnellement à des lois qu’il estime valides pour tous. La légalité repose sur des règles établies de telle manière qu’il est possible d’en rendre raison. Elle
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Questions:
1. D’où vient le fait que dans une culture traditionnelle le sorcier puisse être plus respecté encore que le chef ?
2. Quelles relations historiques unissent religion et pouvoir politique ?
3. Vaut-il mieux distinguer entre société traditionnelle et moderne, ou bien société tribale et démocratie?
4. Devoirs sociaux et devoirs du citoyen peuvent-ils être conciliés?
5. Peut-on dire que les classes sociales ne se manifestent que parce qu’il existe une entité nommée État ?
6. Comment faire en sorte qu’il n’y ait pas de dérive machiavélique du pouvoir?
7. A quoi tient la séduction qu’exerce le pouvoir politique?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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