Leçon 56.   Le droit et la force        pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Pour la plupart d’entre nous, le droit a un caractère contraignant. Nous le voyons même comme un système de contraintes d'État qui est lié à un appareil répressif, celui de la police chargée de faire respecter la loi au nom de la sécurité et de l’ordre social. Sans rapport de force, soit des citoyens entre eux, soit des citoyens face à l’État, parlerait-on de droit ?

    Mais c’est là une vision incomplète, puisque l’on emploie ce même mot de droit pour désigner aussi des exigences de justice. Chacun a le droit de manger à sa faim, le droit de s’exprimer, le droit de mener une vie décente, de jouir d'une liberté de pensée, d'une liberté de croyance, chacun à droit au respect de sa vie privée etc. Mais il est vrai que les réclamations subjectives au nom du droit sont assez différentes de l’exercice du droit positif à l’intérieur d’une société. Elles ont un caractère subjectif, tandis que le droit a un caractère objectif.

    Nous sommes donc bien obligé de devoir éclaircir les rapports entre le et la force. Que nous vivions dans des rapports de force veut-il dire que la force fait droit ? Le respect de la loi a-t-il surtout pour but d’assurer l’ordre social ?

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A. La force de la force

    ... : le droit n’est pas le fait. Un état de fait n’est pas un état de droit. Même si une majorité d’individus agissait en contradiction avec la loi, comme en violant les règles du code de la route, cela ne fera jamais droit. Le droit ne résulte pas d’un fait. Le droit exprime ce qui devrait être selon les lois en vigueur, tandis que le fait est ce qui existe en réalité, ce qui se pratique. Par exemple, ce n’est pas parce qu’un voleur est surpris de fait en possession de ma guitare qu’il en est légitimement (R) le propriétaire. La possession est un rapport physique qui fait que je m’approprie un objet, je l’ai en ma possession. La propriété est un rapport de droit, une possession reconnue aux yeux de la loi. Squatter une maison ne m’en rendra pas propriétaire. (texte)

    Si l’ordre social, c’est l’état dans lequel la propriété de chacun est respectée, il est facile de se convaincre que le respect de la loi a surtout pour but de maintenir les choses en place. Cette analyse reste juste, tant qu’elle s’attache aux choses et aux biens qu’un homme a pu acquérir légitimement. Mais d’un autre côté, la propriété a un aspect historique, elle n'est pas tombée du ciel comme une bénédiction accordée à certains, pendant que d'autres recevaient en partage la misère. La propriété recouvre des situations d’inégalité flagrantes entre les hommes. Mais n'est ce pas justement par la violence, et des rapports de force qu'elle a été acquise? Il serait scandaleux de légitimer ...

    Prenons la première propriété,  la propriété de la terre. A qui revient elle? (texte) Ne revient-elle pas au premier qui s’en est emparée ? Mais s’emparer de la terre est un acte de la force. C'est un acte de force, même si le fait de la transmettre à des descendant est un acte de droit. Pensons aux conquêtes. Les colons qui s’emparaient d’un territoire plantaient le drapeau de leur pays. De cette manière ils marquaient que cette île, cette plaine, ces forêts étaient sous la juridiction de la Couronne d’Espagne, de France ou du Portugal.Ensuite, ils pouvaient tracer les limites d’un champ et se considérer comme propriétaires. Qu’importe si cela pouvait coûter la vie de milliers de « sauvages » installés là auparavant. N’est-ce d’abord un rapport de force inégal qui a instauré une répartition de la terre, rapport que le droit est venu sanctionner ensuite ? Si c'est le cas, pourquoi devrions-nous respecter la propriété ?  Bien sûr, il est difficile de reprocher par exemple aux américains le droit qu’ils ont d’occuper leurs terre aujourd'hui. Pourtant ce droit a été payé cher ,dans des conquêtes dont les tribus amérindiennes ont fait les frais. Le temps finit par agir, la coutume inscrit une habitude, la religion pardonne : bref, il y a des facteurs de légitimation qui font oublier ce qu'ont pu être les origines, c'est à dire des rapport de force.

    Cela pose un problème grave, car le principe que l’on en tire alors est qu’au fond le droit est toujours le droit du plus fort. Mais comment pourrions-nous alors respecter le droit, dans la mesure où les rapports de force créent des inégalités ? Ce sont les plus forts qui triomphent et les faibles qui s’inclinent ; devant ceux qui possèdent les biens de la terre, ce sont les plus faibles qui travaillent pour les plus riches. Nous devrions respecter un état de fait, parce qu’il est sanctionné par le ...

    Il faudrait admettre comme juste l’idée selon laquelle c’est la force qui fonde le droit. Que la loi sanctionne l’existence d’un rapport de force à l’intérieur de l’État., il serait irréaliste de le nier. Mais est-ce à dire que la volonté de puissance, comme le dit Nietzsche, confère aux hommes de proie une domination légitime sur les faibles ? L’Histoire nous montre combien nous aimons les conquérants, nous les aimons assez pour légitimer ce qu’ils ont pu faire. Avec le recul du temps, la victoire finit par désigner le porteur de la vérité et du droit. L’histoire nous montre les dominations successives de différents peuples, qui ont chacun imprimé leur sceau à la civilisation moderne. C’est dire que travaille dans l’Histoire l’égoïsme des hommes, comme l’égoïsme des peuples. A la force appartient l’action, au droit revient le jugement. Le droit apparaît dans l’histoire des conflits. La force des intérêts r...

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Vos commentaires

Questions

1.  Ne peut-on pas dire que l’homme a projeté son propre « darwinisme social » sur la nature en parlant de « droit du plus fort » dans la nature ?

2.  La différence entre révolution et révolte tient-elle à une conception différente du droit ?

3.  Pourquoi Rousseau a-t-il pu écrire que le premier qui planta des piquets pour délimiter un champ fut le vrai fondateur de la société civile ?

4.  L’idée de droit repose-t-elle nécessairement sur une conscience morale?

5. Comment peut-on distinguer entre exercice légal de la force et violence publique?

6.. Supposer que la nature promeut la vie est ainsi orientée vers le bien  ne se justifie-t-il que d’un point de vue religieux ?

7.  Pourquoi le relativisme culturel est-il insuffisant en matière d’exigence de droit ?

 

       © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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