Leçon 109.     Sociologie et conscience collective    pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon  

    On doit à Auguste Comte l’introduction du terme de sociologie. Il a été le premier à concevoir la possibilité d’une science sociale et à vouloir montrer que l’on peut se représenter les faits sociaux comme spécifiques et irréductibles à d’autres types de faits, comme ceux qui relèvent de la physique ou de la biologie. C’est ensuite à Émile Durkheim que l’on doit la formulation des premiers éléments d’une méthode de la sociologie. Le concept de « société », une fois posé dans les sciences humaines, a pris ensuite une importance de plus en plus considérable. En fait, c’est le mot qui est devenu un objet, au point que l’on a fini par penser que « la société » est une sorte d’entité qui existe, dont on peut parler à part, indépendamment des individus. De la même manière, on a finit par réifier en psychanalyse un concept, sous la forme d’une entité appelée « l’inconscient », indépendamment de la conscience, et en linguistique, il en a été de même avec « la langue » posée indépendamment de la parole en linguistique.

    Mais la « société » est-ce que cela existe vraiment ? Si je tombe en panne sur l’autoroute, ce n’est pas la « société » qui vient me porter secours, ce sont des hommes, des personnes. Pas « la société ». Si j’enfreins une règle du code de la route, ce n’est pas « la société » qui me verbalise, mais une personne, un gendarme chargé de veiller au respect du code. De la même manière, un parlement est composé d’un ensemble de personnes, et il en va de même pour une association, une institution et un État. Nous pourrions dire qu’en un sens, seule la personne est réelle, le reste, les superconcepts totalisants d’« État », de « société », de «culture », de « langue », d'« inconscient », ne sont des êtres de raison. Nous aurions bien tort de nous en remettre à des mots, même quand ils sont majusculés par la science, en oubliant les individus vivants, car la demeure de la vie et la responsabilité de l’existence se tient seulement dans l’individu, dans son être de chair, l’être humain.

    De ... la société comme une entité réelle ? Il faudrait pour cela que la notion de société s’impose, au sens où le Tout est plus que la somme des parties. Donc que la conscience collective soit plus que la somme des consciences individuelles. Et c’est là que se situe la difficulté. On comprend très bien cette idée en biologie, car effectivement, le vivant est toujours une totalité. Mais est-il possible de justifier l’idée selon laquelle la société fonctionnerait comme un tout ? En quel sens pouvons-nous parler de conscience collective ?

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A. La définition de la sociologie

    La sociologie, comme l’histoire, est une discipline dont les contours ne sont pas faciles à préciser et se noient dans la littérature en général, sous la forme de l’essai. Selon l’historien W. Lepenies dans La Troisième Culture : la sociologie entre la science et la littérature, la sociologie se situe en constante hésitation entre le travail littéraire de rédaction d’essais à caractère journalistique et l’ambition de constituer un savoir à l’égal des autres sciences.

    1) Il est vrai que d’un côté l’on peut ranger dans la catégorie « sociologie » un peu tout et n’importe quoi de ce qui sort sur les rayons des libraires. Il suffit que l’on y repère un « phénomène social ». Ce sont les média qui baptisent l’essayiste qui produit une recherche originale comme étant un « sociologue ». Le premier ouvrage d’importance du genre a été celui de Gustave Le Bon, La psychologie des foules. La publication d’un travail sur le cinéma, sur la mort, L’homme et la mort a propulsé Edgar Morin au rang des sociologues. L’élaboration du concept de postmodernité dans L’ère du vide et un travail sur les phénomènes de mode dans L’empire de l’éphémère, ont donné à G. Lipoveski une réputation de sociologue. Devant ces travaux qui relèvent en fait de l’essai, les critiques littéraires sont embarrassés, ils ne savent pas comment classer, ils hésitent souvent et finissent par présenter l’auteur comme « philosophe et sociologue ». Comme le genre est un fourre-tout, on peut y mettre des essais extrêmement variés. Donc, un travail sur la délinquance dans les banlieues, un travail sur l’état de l’éducation, sur les hooligans dans le sport, sur la place de l’homosexualité, sur le vécu du chômage, sur le phénomène des sectes, etc. Tout cela sera rangé dans la rubrique « sociologie ». Or la disparité de toutes ces publications saute aux yeux. Tout cela est extrêmement confus. Il n’y a aucune unité dans ces essais. La méthode qu’ils revendiquent, quand il y en a une, se rattache assez mal, ou pas du tout à l’ambition de constituer un savoirunifié appelé « sociologie ». En bref, il y a autant de sociologies que de sociologues baptisés comme tels, souvent seulement pour la bravoure d’un essai original. On ferait donc mieux de parler d’essais à caractère social, de rattacher ce type de production à la littérature que de parler ici de « la » sociologie comme d’une science. N’importe quel écrivain peut devenir « sociologue » du jour au lendemain, sans jamais avoir fait la moindre étude de la sociologie en université. Aux U.S.A. E. Goffman a été propulsé « le plus grand sociologue américain ». Pourquoi ? Pour avoir écrit des satires sur la vie sociale des américains, (texte) pour avoir dénoncé des hypocrisies de la société américaine. Pour avoir atteint en librairie des tirages de best-seller avec le ressort de la critique sociale. Pas vraiment pour avoir fait œuvre de « connaissance ». Un livre de sociologue n’a la plupart du temps rien à voir avec une sorte de traité, comme les Principia de Newton en physique, ou L’Origine des espèces de Darwin en biologie. Si on enlève à ce genre d’ouvrage le ton polémique, les luttes de circonstance, les effets de style, il n’en reste plus grand-chose. La thèse de Lepenies revient donc à dire ceci : la sociologie entre deux pôles attractifs, celui de la littérature et celui de la science, d’où le choix pour la désigner du terme de « troisième culture ». Passant en revue les travaux des sociologues les plus classiques, Lepenies reste sceptique et dit qu’en fait ils ont affiché des prétentions scientifiques excessives. A tout prendre, la sociologie, c’est surtout une rubrique de la littérature spécialisée dans l’essayisme social. Le sociologue serait donc avant tout un « intellectuel », au sens ...

    ---------------2) La critique est tout de même assez dure. Elle ne rend pas justice aux plus grandes œuvres et elle ne s’attache pas assez à l’ambition de la sociologie comme idéal de savoir.

    Essayons de préciser. En vertu du paradigme de l’objectivité qui caractérise l’édifice moderne du savoir, il n’est qu’une approche recevable et admissible, l’approche objective de la connaissance. Celle-ci implique que toute science se définit par l’analyse de l’objet qu’elle définit, par les phénomènes qu’elle étudie, par l’ordre de faits qui font l’objet de ses observations. L’approche objective de la connaissance suppose aussi un idéal de quantification et donc un ensemble de méthodes qui tendent toutes vers un effort de la mesure.

    .     La théorie des réactions primitives utilisée en biologie, chez Henri Laborit, qui rend compte des réactions par la fuite, l’inhibition ou le combat, n’est pas spécifique à l’humain. On peut très bien l’appliquer à l’animal et elle ne convoque pas d’emblée une forme de conscience réflexive. Elle montre quels sont les mécanismes biologiques engagés dans un montage réactionnel. Elle peut être complétée par une interprétation sociologique du comportement humain, mais son origine est biologique. De même, la théorie du conditionnement de Pavlov de la même manière explique le comportement, par l’action de causes qu’elle situe dans le système nerveux. Il est possible de généraliser ces points de vue, et de tenter d’opérer une réduction de toute activité humaine à des mécanismes biologiques. Le sociologue dirait que le fait social est bien plus difficile à cerner qu’un fait biologique, car, il se situe à l’étage de la culture, il enveloppe une complexité qui recoupe tous les éléments de la culture et surtout, il est exclusivement humain. On ne peut pas se contenter d’une explication biologique pour rendre compte de la complexité de la vie humaine, il faut envisager u...

    La différence entre la sociologie et l’histoire est nette : l'historien s’appuie sur le concept de temps standard et linéaire et rattache son explication à une causalité des événements depuis le passé, jusqu’au présent. Il a sa propre méthode d’étude des documents. Il s’attache à ce qui est unique et singulier, ce qui ne se reproduit pas (Napoléon débarquant au golfe Juan après son évasion). Le point de vue de l’histoire est horizontal, il suit la ligne tracée par une chronologie. L’historien s’attache exclusivement à la compréhension du passé. Par contre,  le point de vue du sociologue se situe d’avantage dans l’actuel, il vise plutôt un phénomène général (cf. la rumeur, le suicide), dont il tente de dégager des lois. Il n’y a pas de lois en histoire, parce qu’elle ne comporte pas de généralités, et si on en trouvait, elles se rattacheraient à la sociologie plus qu’à l’histoire. Le sociologue tente de rendre compte d’un phénomène dans sa structuration et son fonctionnement collectif. Par exemple, la rumeur est un phénomène remarquable par lequel une pensée se répand, comme une traînée de poudre, suivant des conditions qui doivent pouvoir être précisées. L’attachement de l’adolescent postmoderne à des marques de vêtements ou de chaussures est très typique et a bel et bien un caractère collectif. Il doit être possible de décrypter ce phénomène social en partant d’enquêtes.

    Le travail de l’ethnologie consiste à aller à la rencontre des cultures différentes de la culture occidentale en marge de l’occident, pour tenter de les comprendre. Aller étudier les indiens Jivaros, Hopis, les Bororo, les tribus du Mexique qui descendent des Aztèques, etc. L’œuvre de Claude Lévi-Strauss a dévoilé cette immense diversité humaine que nous ignorons en occident et montré à quel point nous sommes portés à l’ethnocentrisme. Disons que la différence entre l’ethnologie et la sociologie vient du fait que le sociologue travaille sur ses contemporains, dans notre société occidentale et qu’il adopte un point de vue qui ne s’appuie pas sur une comparaison entre société archaïque et société moderne.

    La différence entre la sociologie et l’économie politique n’est pas très nette et le plus souvent, elles sont, en tant qu’enseignement, associées. La tâche de l’économie politique est de déchiffrer le fonctionnement du système de l’échange économique et sa structure. L’économie politique se sert de concepts fondamentaux tels que ceux de valeur d’usage, de salaire, de valeur d’échange, de taux d’intérêt etc. par analogie, (R) on dira de même, que la linguistique étudie un autre système, celui de la langue.    

    3) Maintenant, qu’est-ce tout qu’un fait social ? Nous pourrions penser d’emblée à tout phénomène se produisant en société et ayant une ampleur caractéristique ; ou encore, à un type de comportement ayant caractère collectif : par exemple, les phénomènes de foule, mais aussi le phénomène de la rumeur, la mode, les coutumes diverses dans leur inscription contemporaine, le rituel institutionnel et religieux, les habitudes sociales liées au travail, les habitudes de consommation, les usages concernant l’habillement, des phénomènes typiques de comportements tels que le mariage, la naissance, le suicide, ou encore, les com

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     © Philosophie et spiritualité, 2004, Serge Carfantan, 
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