Le découpage du temps en moments distincts passé-présent-futur est-il un artifice ? la réalité du temps n’est elle pas plutôt dans la valeur d’écoulement continue d'une durée ? Ce ne sont plus pas alors les instants qui feront le temps, mais un flux sans trêve d’événements. Le Devenir. Toute la question est alors de savoir comment interpréter le flux du temps.
Peut-il se comprendre, comme nous le pensons parfois, comme une sorte de courant torrentueux des choses qui est extérieur à la conscience ? Cela signifie-t-il que nous sommes plongés, jetés, dans un temps qui nous précède toujours ?
Cette métaphore du fleuve du temps indique le cours du Devenir qui emporte toutes choses. La métaphore du fleuve nous parle-t-elle mieux du temps que l'analogie (R) de la ligne passé-présent-futur ? Ce qu’il nous faut déterminer, c’est si le cours du temps est au dedans de nous ou s’il est au dehors. En d’autres termes : Le temps est-il objectif ou subjectif ?
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Du point de vue de la vigilance quotidienne, la réponse est toute trouvée. Avant toute réflexion, nous avons tendance à « réaliser » tous les objets pour en faire des « chose en soi ». Nous posons par avance que l’espace « existe », que le temps « existe », que la causalité du monde « existe ». La réalité est là-devant, nous y sommes projeté. Il est dans la nature de l’attitude naturelle de penser le temps sous la forme d'un "quelque chose" qui passe. Il n’est pas nécessaire de convoquer la science pour penser l’objectivité du temps. L’ek-stase de la vigilance s’accompagne d’une déréliction dans le temps, dans l’espace et d’une chute dans un monde causal. Dans ce sentiment d’être-jeté dans le monde qui nous prend au réveil, il y a l’idée que nous sommes pris dans le flot continuel du temps qui passe. (texte)
Quelle forme prend cette représentation du temps? Nous croyons qu’il existe un temps chronologique commun à tous les phénomènes et à tous les événements que nous percevons, un temps standard qui emporte toutes choses. L’assassinat de César aux Ides de mars, la guerre en Yougoslavie, la campagne électorale en France ou au U.S.A. , les déboires de Madonna, ou les résultats du tiercé, tout est là, inscrit dans le cadre du temps, que nous percevons comme unique et universel. De la même manière, il est naturel de penser que l’espace « existe », et aussi universel que le temps. De la même la causalité semble aussi aller de soi, comme un processus universel et réel. En d’autres termes, de même qu’il y a un temps standard, il y a aussi un espace standard et une causalité standard. C’est ce que nous croyons dans l’attitude naturelle. L’univers nous semble une « grande boîte » dans laquelle résident des « choses », qui sont les corps terrestres et les corps célestes en mouvement ; ces choses sont dans l’espace et pris dans le flot du temps, comme elles sont mues par des causes.
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calendrier, ce qui veut dire son propre découpage de la durée. Nous avons besoin de cette convention sur le temps pour nous le rendre plus familier. Mais cette représentation est relative. Il est assez artificiel, par exemple, de dire que nous sommes en 2003, en 2010 ou 2020; nous pourrions tout aussi bien être à l’année 4000 ou 250. C’est seulement une convention culturelle de donner une date, en choisissant tel ou tel point de repère. Mais c’est une convention indispensable à la conscience collective d’un peuple conscient de son Histoire. C’est aussi l’expression d'une commodité dans l’ordre de l’action. Nous avons besoin de nous figurer une réalité du temps valide pour tous et pour tous les phénomènes. Privés de repères sociaux nous serions perdus. Robinson Crusoé seul dans son île, prend très vite une planche pour tracer des marques et compter les jours ! Il se redonne des repères sociaux du temps qui le rattache virtuellement à la communauté des hommes. Un spéléologue enfermé dans une grotte pendant un temps prolongé est affecté par l’absence des rythmes jours/nuits, il a besoin de repères pour savoir où il en est. Nous ne pouvons pas affronter directement la fluidité pure de l’écoulement du temps, il faut que nous lui ajoutions des repères pour que nous ayons une prise sur le temps. Même si c'est une illusion. (texte)
Le fait de mesurer le temps l’assimile à de l’espace. (texte) C’est ce que fait le calendrier, qui nous donne le sentiment de pouvoir planifier le temps. Il nous faut cet espace pour mettre nos rendez-vous ou nous rappeler des événements. L’espace est une dimension où nous éprouvons toute la puissance de notre pouvoir d’agir ; il nous est naturel de représenter le temps dans les termes de la puissance de la volonté du moi. La volonté de puissance de l’ego réclame cette prise sur le temps. Le calendrier nous donne un sentiment royal de puissance, le sentiment de couvrir une immense durée, de la posséder, comme si nous étions, en tant qu’homme agissant, au-delà de l’écoulement du temps, maître de la durée. Notre représentation habituelle nous dit le contraire, que nous sommes précipités dans le temps. Nous ne pouvons pas contourner l’écoulement du temps. Dans le Monde concret,
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Questions:
1. Est-il juste de dire que plus nous sommes vigilant à l'égard de ce que nous avons à faire, et moins nous éprouvons le temps?
2. Quel est le principal intérêt du temps chronologique?
3. Peut-on identifier le temps chronologique avec le temps de la Nature?
4. Dire que la mesure du temps est relative veut dire quoi au juste?
5. La Durée est-elle la quintessence de la mesure du temps ou bien l'ancrage de toute réalité dans le Devenir?
6. Pourquoi la durée serait-elle création et non pas simplement répétition?
7. La formule "tout change et tout change toujours" contient un paradoxe, lequel?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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