Lecon 305.   Médecine intégrale et pandémie       pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

La santé se dit en sanskrit svasthya, où sva indique le Soi, la racine STHA désigne, comme toutes les racines sanskrites une action, ici celle de « se tenir ». Elle est parente de l’anglais stand, à l’allemand stehen, au français stase. L’ek-stase chez Heidegger, est une tenue de conscience au-dehors, dans l’extériorité. L’opposé est l’enstase, se tenir au-dedans rassemblé dans le Soi, ce que désigne exactement le mot samâdhi. Ces différents éléments ont quelque chose à nous dire pour nous aider à discerner au mieux l’essence de la santé, tant mentale que physique. La santé a visiblement un rapport avec un équilibre en soi-même, tandis que la maladie traduit un état de déséquilibre et c’est vrai, autant au niveau u mental, qu’au niveau du corps.

Ce qui nous conduit à une compréhension du sens de l’art médical dont les incidences sont très profondes. L’art de soigner est médical, mais le médecin soigne à partir de ce qu’il sait et dans le cadre conceptuel qui est le sien. Il a par exemple une grande différence entre le background de la médecine chinoise ou l’Ayur-veda et le de la médecine occidentale conventionnelle. Une différence de point de vue dans la manière de considérer la santé, la maladie et le sujet que l’on dit en bonne santé ou malade. Ken Wilber a proposé de distinguer quatre quadrants majeurs dans lesquels situer les approches thérapeutique, l’ensemble des quatre constituant la médecine intégrale.

Nous allons dans ce qui suit tenter d’appliquer la théorie de Wilber au contexte de la pandémie du corona virus. Les circonstances sont très émotionnelles et nous aurions pu attendre un retour au calme pour proposer ces analyses. Néanmoins, cela vaut la peine de tenter sur le vif d’en parler, quand bien même nous serions en présence d’éléments très sensibles dans le contexte présent. Le but ici est seulement d’ouvrir notre perspective sur la crise actuelle. La question qui sera traitée ici est : que nous dirait une médecine intégrale sur la pandémie ?

 

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A. Le point de vue objectif sur la pandémie, le quadrant SD

Wilber souligne que « la médecine est probablement le domaine où l’application des quadrants est la plus immédiate », en effet, comme nous allons le voir, nous pouvons facilement situer nos perspectives dans chacun d’eux, ce qui nous permettrait de bien comprendre dans quel cadre opère la médecine conventionnelle qui monopolise toute notre attention aujourd’hui.

Individuel

Intérieur « Je »

Sentier de gauche

SUBJECTIF

Véracité

Intégrité

Crédibilité

Extérieur « cela »

Sentiers de droite

OBJECTIF

Vérité

Représentation

Propositionnel

collectif

« Nous »

Légitimité

Adéquation culturelle

Compréhension mutuelle

Justesse

INTERSUBJECTIF

 

« Tout cela »

Adéquation fonctionnelle

Toile de la théorie des systèmes

Entrelacement des systèmes sociaux

INTEROBJECTIF

 

1)     Commençons par un bref rappel. Le tableau suivant donne une vue d’ensemble. « La médecine conventionnelle, ou « orthodoxe », est une approche caractéristique du quadrant supérieur droit (SD). Elle traite essentiellement l’organisme physique, au moyen d’interventions physique : chirurgie, médicaments, et modifications comportementales. La médecine conventionnelle croit principalement en des maladies physiques ayant des causes physiques, c’est pourquoi elle prescrit essentiellement des interventions physiques ». Il faut insister sur le mot « croit », car effectivement il s’agit d’une croyance de base qui sert de fondement à tout le système médical conventionnel.

Or, c’est là une difficulté majeure car une croyance de base peut difficilement être vue en tant que croyance, car, comme toutes croyance de base, elle est identifiée à la vérité et non comprise comme un point de vue sur la vérité. Toutefois, l’apport de la théorie des quadrants a cet avantage de nous apprendre à nous déprendre des prises de positions rigides, à mieux resituer nos croyances à l’intérieur de leur système conceptuel qui le supporte. Elle montre en tout cas qu’elles dépendent entièrement d’une perspective particulière et qu’il en existe trois autres différente et qui sont complémentaires. Donc, pour faire simple, le quadrant supérieur droit « représente à proprement parler un quart de l’équation » de l’art médical.

Nos représentations dans le quadrant SD sont l’héritage du paradigme mécaniste de la  Modernité, elles sont modelées sur une manière de concevoir le monde matériel issue de la physique classique, physique qui sous-tend toute l’entreprise de la biologie orthodoxe, le paradigme dominant de la science normale, pour parler comme Thomas Kuhn. Dans ce paradigme, on admet une séparation nette du sujet et de l’objet, on pense dans la dualité et dans une causalité linéaire. Toute l’attention est focalisée sur de domaine de l’objectif et le subjectif est mis entre parenthèses ou plus ou moins considéré comme négligeable. Une maladie doit dans le principe être causée par un objet externe, l’agent infectieux qui en est porteur et elle affecte un autre objet global qui est le corps du malade dont la machinerie interne désorganisée devient au stade pathologique. A charge au corps médical de le guérir. Le virus est l’agent qui, contracté de l’extérieur, attaque le système immunitaire de l’organisme (texte)  ; son empire provoque la maladie, sa victoire peut conduire jusqu’à à la mort ou provoquer de graves séquelles. L’analyse biologique SD devra donc, en suivant des protocoles rigoureux, isoler l’agent infectieux, expliquer son mode d’action, ce qui ouvre la voie à un traitement pour le combattre et l’éliminer. - Notons bien ce vocabulaire guerrier typique de la relation conflictuelle de la dualité.

On distinguera alors le traitement par l’utilisation de molécules chimiques efficaces dans un médicament, du traitementvaccin qui consiste à tromper l’organisme en lui administrant une version affaiblie du virus capable toutefois de solliciter la production d’anticorps qui vont faire en sorte que l’organisme du patient acquiert des défenses solides et ne soit pas atteint. C’est de nécessité, et dans cette guerre, le traitement est dans l’urgence le remède la plus important, le vaccin demande beaucoup plus de temps, souvent des années de préparation. Il est possible que lorsque le vaccin est enfin disponible, l’épidémie elle soit déjà passée.

Il est inutile de développer, nous sommes tous très au fait de cette manière de penser. Il est très facile de comprendre l’approche du quadrant SD, nous baignons dedans depuis l’enfance, comme un poisson dans l’eau. Toutes les analyses de la biologie et tous les commentaires journalistiques mainstream sur la pandémie sont inscrits massivement dans quadrant SD. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes ignorants à cet égard, personne ne l’est, nous serions plutôt surinformés dans cette seule optique.

En découle néanmoins logiquement les mesures SD prises par le corps médical et les mesures politiques (texte). Si en effet, la pandémie est comprise comme causée par un agent venu de  l’extérieur (de Chine) un virus particulièrement agressif et contagieux, la réponse objective est de contrer l’envahisseur et d’éviter sa propagation. Dans ce modèle, le sujet humain est fondamentalement passif et impuissant, c’est juste un « patient » parmi d’autres qui ne fait que subir une agression dont il faut le protéger. La solution qui s’impose est donc de l’isoler pour éviter tout contamination. D’où le recours à des masques, des tenues de protection, à la désinfection systématique etc.

2) D’où le concept de confinement. Notons que le terme de confinement appartient à un registre de vocabulaire policier où la dualité intérieur/extérieur est renforcée. Il s’agit de réduite l’espace de liberté face à une extériorité dangereuse, les confins des limites finies pour des individus que l’on met dans un enclot dont ils ne doivent pas sortir car il y a menace. Pas de confinement sans contrainte, que celle-ci soit imposée par la force ou librement acceptée. Lors de la traite des noirs dans le commerce triangulaire, les esclaves étaient confinés dans des espaces clos dans des conditions d’hygiène épouvantables dans (des forts qui existent toujours en Afrique) avant d’être embarqués sur des navires vers l’Amérique. La rafle du Vel d’hiv était une mesure de confinement des Juifs. En prison, les détenus jugés très dangereux sont confinés dans des quartiers de haute sécurité (texte).

Dans le domaine de la santé navale, en raison de la présence à bord d’un navire d’une maladie infectieuse, on impose la quarantaine, ce qui implique le confinement de tout l’équipage et des passagers sur quarante jours pour empêcher que la maladie se répande. On réduit donc le mouvement des porteurs potentiels de maladie en les obligeant à rester à bord, le temps, qu’après des mesures sanitaires, on soit bien certain qu’il n’y a plus de risque à les laisser débarquer. Ce qui peut inclure éventuellement des mesures violentes des autorités portuaires, (même contre le capitaine Haddock dans Tintin !). Mais les passagers peuvent accepter la contrainte, ce qui réduit la nécessité de l’imposer par force. Notons cependant que si nous étions en présence d’une épidémie affectant l’animal, il n’y aurait pas autant de diplomatie. Le confinement imposera d’abord des clôtures pour empêcher par exemple que les sangliers porteurs d’une maladie infectieuse ne risquent de contaminer un élevage. Quand la contamination se produit, l’étape suivante est l’abattage préventif. Nous en avons plusieurs exemples dans si loin de notre actualité comme la grippe aviaire H5N8 et l’abattage massif de canards d’élevage dans le Sud-Ouest en 2016. Entre confinement et abattage, il n’y a pas de césure, c’est une suite logique.

B. Le point de vue interobjectif sur la pandémie, le quadrant ID

Considérons maintenant le phénomène de la pandémie sous un autre angle, dans la perspective du quadrant inférieur droit selon Wilber, ou pour faire simple, dans l’analyse systémique. Celle-ci démontre de manière particulièrement nette qu’en réalité les objets n’existent pas de manière isolée, mais sont toujours des éléments en interaction avec d’autres dans un système qui forme un tout, un système où le dynamisme de chaque élément est intimement relié à tous les autres. L’illustration la plus simple et la plus pédagogique de cette manière de penser est bien sûr en écologie. Nous savons que dans un biotope, une grande diversité d’espèces contribue à l’exaltation du tout dans une coopération et une intrication très étroite. Toute action hétérotélique qui détruit la diversité affaibli le biotope et chacun de ses éléments. La santé ou la maladie de chaque être vivant n’est en aucun cas séparable du milieu avec lequel il interagit. L’erreur serait de penser de manière fragmentaire, ce qui a peut-être un sens dans l’espace confiné d’un laboratoire, mais est un non-sens dans le réel où un être n’existe que dans l’interaction et l’échange et avec d’autres êtres dans un environnement global.

1) Ce qui veut dire ? Pour être plus précis pour notre sujet : « le quadrant inférieur droit concerne tous les facteurs matériels économiques et sociaux, lesquels sont rarement pris en compte dans la définition de la maladie, alors qu’ils sont en réalité co-responsables de la pathologie comme de la guérison ». « Même dans les pays développés, si vous êtes atteint d’une maladie mortelle mais néanmoins curable, que votre couverture maladie est votre seule ressource pour couvrir vos dépenses médicales et que celles-ci ne couvrent pas la malade dont vous êtes atteint, alors il y a de fortes chances que vous mourriez de votre maladie ».  « La cause de la mort est la pauvreté, le manque de ressources. Fautes de prendre en compte ces données, nous disons habituellement « tel virus l’a tué ». Le virus est certes une composante de la cause, mais les trois autres quadrants en font autant partie » … « même si le virus (quadrant supérieur droit) est le centre d’attention, vous mourrez si le système social (quadrant inférieur droit) est incapable de fournir les traitements nécessaires ». Pendant la pandémie du COVID-19, à New-York, les appartements à plusieurs millions de dollars se sont vidés, les riches sont allés sur mettre au vert, dans une de leurs résidences secondaires loin de l’épidémie, pendant ce temps, dans le quartier du Bronx c’était l’hécatombe. Les uns ont tous les moyens de se soigner et pas les autres. Idem à Paris, où 17% des parisiens des quartiers riches sont partis à la campagne. Parfois en transportant le virus en province. La Seine Saint-Denis, le département le plus pauvre de l’Ile de France était le plus touché. Etc.  Que va-t-il se passer au Mexique où la population est déjà soumise au stress quotidien Terre et pandémiedes cartels de la  drogue, où les conditions de vie sont précaires et ou l’obésité est elle-même devenue une pandémie ? Que le vecteur soit n’importe quel virus, quand un environnement est morbide il tuera d’une manière ou d’une autre., des conditions de vie dégradées, une promiscuité forcée, la lassitude, le désespoir, l’oisiveté sans but, la vie sans accomplissement créatif, une nourriture insuffisante, déséquilibrée ou malsaine sont autant de facteurs qui forment une invitation cordiale aux épidémies de masse.

De la même manière, dans la Nature, un sol épuisé, empoisonné, un environnement ravagé par l’exploitation frénétique d’une agriculture intensive perd de sa résilience, le maillon le plus faible cède et comme par hasard on voit entrer en scène des maladies qui déciment la flore et la faune. Un environnement dégradé qui n’est plus support de vie, est à la merci de n’importe quel vecteur de destruction. On a alors beau jeu d’accuser telle espèce invasive ou tel virus. Mais, dans l’irresponsabilité et l’inconscience générale, on lui a déroulé un tapis rouge. Bref, pour corriger notre penchant à fragmenter, isoler, nous devrions être ouvert aux recherches qui mettent en valeur les caractères systémiques des épidémies, car elles ont beaucoup à nous apprendre.

2) Le point de vue systémique nous invite à ne pas rester effrayé, scotché au factuel, mais prendre de la hauteur, ce qui veut aussi dire étudier la présente pandémie en regard des pandémies similaires s’étant déjà produite dans le passé. Une épidémie se présente comme une vague qui s’élève de l’océan, atteint une crète, puis retombe pour revenir à un niveau de surface de l’océan. Certaines vagues restent très localisée, d’autres ont une ampleur qui balaye la planète entière, mais comme tout processus naturel, ce qui a un commencement a aussi une fin. La vague de la grippe saisonnière ordinaire, que l’on n’a jamais cherché à entraver par un confinement, peut être létale dans des proportions importantes. En France, celle de l’hiver 2014-2015 aurait causé 18 300 décès, l’hiver 2016-2017, 21 200 décès, l’hiver 2017-2018. 17 900.  « Aurait », parce que les spécialistes savent qu’il est très difficile d’estimer le nombre de décès dus à la grippe par rapport aux autres facteurs entrant en jeu, et le même argument vaut pour le covid-19.  David Spiegelhalter, de l’université de Cambridge, dit que beaucoup de personnes qui meurent du Covid-19, en raison de leur pathologie seraient mortes de toute façon dans un court laps de temps. (texte)  Neil Ferguson, de l’Impérial Collège de Londres, affirme même que cela pourrait représenter les 2/3 des décès. Ce qui soulève une question dérangeante : comment comprendre que malgré une mortalité supérieure à celle du Covid-19 aujourd'hui, d’autres formes de grippe n'aient pas entraîné de confinement, avec un scénario de grande catastrophe médiatisée ? Eric Caumes, de la Pitié-Salpêtrière de Paris, pense que le taux de létalité a tendance à baisser depuis le début de l'épidémie. Mais si on isolait les facteurs d’une pathologie lourde, d’une résistance affaiblie par la vieillesse que resterait-il ? Il a d'abord été estimé à 15%, et on est passé à 2%, et même 1%. Le problème c'est qu'on ne connaît pas le dénominateur, et plus notre connaissance progresse plus on se rend compte qu'il y a aussi énormément de gens qui sont infectés avec peu de symptômes voire pas de symptôme du tout. (texte) Et donc on estime que le taux de létalité est probablement bien plus faible que celui qu'on a calculé jusqu'à maintenant. Il est probable qu’il va terminer autour de 0,1%, donc avec un taux de létalité globalement proche de celui de la grippe saisonnière. (texte) Ce n'est pas la peste du Moyen-Âge. Nous sommes très loin de la violence du choléra, de la virulence de la grippe espagnole. Mais si c’est vraiment le cas, comment se fait-il qu’au lieu de repérer et d’isoler les personnes infectées, ce que l’on sait très bien faire, on enferme toute la population ? N’y a-t-il pas de toute évidence une épidémie de peur en déconnexion complète de l’analyse systémique des données réelles ? (texte)

3) Il y a un autre domaine où l’analyse systémique est très instructive. C’est celui du milieu de l’organisme vivant. Le corps humain est lui-même un holon et un milieu systémique. Il doit être pensé comme tel. Or, si nous prenons en compte ce fait nous allons devoir rectifier radicalement notre point de vue. Vouloir éradiquer les virus en considérant par avance qu’ils sont en soi dangereux est-ce vraiment pertinent ou bien plutôt stupide ? L’idée a pourtant fonctionné et elle est très largement répandue.

Voyons cela. Un autre pointeur, avec un peu d’humour pour alléger un peu une thématique assez lourde. Vous ne pouvez pas en partance pour les Etats-Unis mettre dans votre valise… un lot de camemberts. Vous allez vous faire arrêter à l’aéroport car c’est interdit. Là-bas, on n’accepte que les fromages fondus ou stérilisés. La mentalité de ce pays a été conditionnée dans l’idée que l’Américain doit vivre dans une atmosphère aseptisée. C’est le côté hyper clean des séries télé façonnées sur le patron de la techno-science high-tech, dans lesquelles le modèle est la vie dans de superbes appartement dans des gratte-ciels qui touchent les nuages. Et l’intérieur ressemble à des couloirs et des chambres d’hôpitaux en plus sophistiqué. La croyance inconsciente est que the best way of life est nécessairement isolée de la Nature. La nature c’est sale, car tout plein de microbes, de bactéries, de virus, il faut la mettre à distance et tout désinfecter ! Aspirateur et karcher pour les bâtiments, - l’idée hygiéniste de l’eau de javel à tour de bras - et pour le reste, si on continue, nourriture aseptisée le plus possible. A la limite des pilules feraient l’affaire. La vie aseptisée aussi. L’idéal serait de vivre… confiné comme les astronautes dans l’espace avec la nourriture et un mode de vie qui va avec. Ecran, télé, jeu vidéo, coupé du monde, dans une bulle techno où le mental ordinaire ne pense les virus que dans lutte contre microbesl’informatique. Mais là encore, ils sont en soi négatifs, ce sont des agresseurs.

Virons de bord toutes. La vérité, c’est que vouloir éliminer tous les microbes et tous les virus, si on y parvenait, nous tuerait tous jusqu’au dernier. D’abord ils sont omniprésents dans l’air, dans l’eau, dans tout ce que nous pouvons toucher, sentir et manipuler de nos mains, mais aussi à l’intérieur de nos corps. Notre système digestif abrite entre 1012 et 1014 micro-organismes, ce qui en passant fait entre 2 et 10 fois plus que le nombre total des cellules du corps pris en totalité. Privé des bactéries, des virus et des parasites constituant notre microbiote, nous serions incapables de digérer quoi que ce soit. Notre système immunitaire en a impérativement besoin. Non seulement cela, mais les virus, comme les gènes portent de l’information sans laquelle la totalité de l’organisme ne peut pas exister. Il existe des familles de virus où des équilibres biologiques sont maintenus. Chaque organisme comporte un nombre incalculable de virus qui pourraient, sous certaines conditions être mortels, mais qui, quand le système immunitaire est fort et équilibré, réagissent de manière bénéfique en accroissant la stabilité corporelle en apportant les changements appropriés au niveau cellulaire selon le taux d’activité.

La purification chimique hygiéniste tirée de la méthodologie du quadrant SD, portée par une croyance dans la séparation de l’être humain vis-à-vis de la Nature renie ce fait, ce qui dénote son caractère partiel. Réfléchissons un peu. Comment se fait-il, par exemple, que l’eau distillée soit complètement indigeste ? Elle est chimiquement « pure » pourtant ! Mais le corps n’aime pas du tout ce qui est chimiquement pur, il n’assimile bien que ce qui est complexe, vivant et naturel, de l’eau avec sa vitalité et tous ses sels minéraux. L’eau distillée, c’est bon que pour les batteries de voiture, pour les machines, pas pour les humains. Si on met dans une assiette les composés chimiques séparés des aliments : du carbone, du potassium, du fer, du chlorure de sodium etc. cela risque fort de vous tuer, tandis que les mêmes éléments dans une tarte aux pommes ou dans la soupe nourrissent l’organisme. Bref, l’hygiénisme SD pur et dur, encore une fois, c’est bon pour les machines, les robots, les cyborgs (?), pas pour les humains. Il est extrêmement réducteur d’aborder la santé de l’humain uniquement à partir d’un modèle analytique tiré de la techno-science. Par contre, nous comprenons très bien qu’en laboratoire, les protocoles exigent de tendre vers une pureté parfaite de l’environnement pour éviter toute altération des résultats. Les exemples sont innombrables, tant en physique, en biologie qu’en astronomie. De même, dans l’industrie, certains processus de production exigent de l’air purifié, une haute sophistication de l’hygiène adaptée à une technologie ultrasensible. Pour fabriquer des processeurs par exemple. Un matériel confiné. C’est parfaitement clair et personne n’aurait l’idée de le remettre en cause.

Pour parvenir à une compréhension intégrale de la santé humaine, il faut sortir de cette idée de confinement aseptisé pour retrouver la vie réelle dans sa totalité, (texte) sa complexité et ses interactions multiples, vivre, c’est vivre en relation, c’est-à-dire retrouver là vie là même où n’existe pas la moindre séparation. Il n’existe pas de système fermé, mais une interconnexion multidimensionnelle de toutes les formes d’existence, c’est donc le milieu dans lequel se développe le vivant qui doit être sain. Ce qui bien sûr n’écarte pas l’hygiène, mais nous interroge une fois de plus sur la notion de terrain qui décidément n’est pas clairement investigué par l’approche SD qui est incapable de comprendre son immense portée et son importance.

C. Le point de vue intersubjectif sur la pandémie, le quadrant IG

Venons maintenant à la perspective ouverte par le quadrant inférieur gauche, IG, le quadrant interprétatif de la culture. « La conscience individuelle n’est jamais une entité isolée : son existence est inévitablement dépendante de la culture (croyances, valeurs, visions du monde à à laquelle elle appartient. La façon dont une culture (quadrant inférieur gauche) perçoit une maladie – avec empathie et compassion, ou bien avec dédain et mépris – peut avoir un impact profond sur la façon sur la manière dont une personne fait face à sa maladie (quadrant supérieur gauche), ce qui… peut affecter directement le traitement de la maladie physique (quadrant supérieur droit). En fait, de nombreuses maladies ne peuvent être définie sans faire référence au contexte culturel commun ». Cette question est totalement négligée dans le contexte actuel. Elle convoque le langage, l’histoire, les mythes, les religions et son poids est considérable.

1) Que nous en ayons conscience ou pas, en amont de tous nos comportements, il y a nos croyances. Or il n’est pas nécessaire qu’une croyance soit fondée pour être efficace, le seul fait de croire propulse déjà un comportement aligné sur la croyance. Il va de soi bien évidemment, que les croyances collectives ont des effets extrêmement puissants La Peste, Albert Camuscar elles procurent, sans qu’il y ait besoin de réfléchir, des raisons d’agir. Et des raisons impérieuses, quand bien même les croyances seraient irrationnelles. La croyance n’a rien de neutre, elle délivre une interprétation des faits qui peut aller jusqu’à une complète distorsion.

La Peste de Camus, met en scène un prêtre catholique qui prétend que l'épidémie est un fléau envoyé par Dieu pour punir les Oranais de leurs péchés. C’est un schéma tellement récurrent dans les monothéismes de l’Occident que nous ne pouvons pas être surpris, il ressort à l’occasion de toutes les catastrophes naturelles et pas seulement les épidémies.

Récemment le pasteur américain Rick Wiles a affirmé sans détour que le coronavirus  était un fléau envoyé par Dieu pour punir les pécheurs et purger le monde du péché. « Le virus, a commencé en Chine à cause de leur « gouvernement communiste impie qui persécute les chrétiens ». « Les parents transsexuels et les « saletés » montrées à la télévision sont responsables de l’épidémie qui a frappé la Chine ». Lors d’une émission en ligne sur TruNews, il a même été jusqu’à demander aux téléspectateurs de ne pas « se lancer dans des théories folles et farfelues », selon lui, ce serait une « pandémie mondiale » qui tuerait « des centaines de millions de personnes et visiblement la croyance selon laquelle la pandémie serait un fléau envoyé par Dieu n’est donc pas une « théorie folle et farfelue ».

Dans les années 50, lors d’une campagne de vaccination contre la tuberculose en Tunisie, certains imams menaçaient la population d’aller se faire vacciner. Les médecins français injectaient du poison alors « qu’il ne fallait pas aller contre la volonté d’Allah ». En Algérie, on peut entendre que c’est le raï, cette musique de Satan, qui a attiré la colère de Dieu. Si nos mosquées sont vides et que nos jeunes tournent le dos à la religion, qu’attendez-vous de Dieu ? Qu’il nous vienne en aide ? Non, il nous a envoyé le coronavirus en piqûre de rappel ».

Et on pourrait multiplier les exemples, ils sont légion. Sans même poser la question de savoir si cela peut être vrai ou faux, la croyance que la pandémie est un châtiment de Dieu peut-elle être sans effet sur le malade qui y croit ? Peut elle être sans effet sur le comportement de ses proches qui le regarde à travers les lunettes de cette croyance ? A travers le biais produit par la croyance, la lucidité est perdue, il n’y a plus un être humain qui a besoin d’être soigné, il y a un pêcheur qui mérite d’être châtié. Maudit pour ses péchés et il a reçu la punition divine dans la maladie. Il n’y a rien à faire à part se résigner en se soumettant à cette prétendue volonté de Dieu. Comment favoriser la guérison dans un contexte pareil quand les croyances collectives sont déjà mortifères ? 

Rousseau dans le Contrat social a une réponse éloquente : « Toute puissance vient de Dieu, je l'avoue ; mais Tintintoute maladie en vient aussi : est-ce à dire qu'il soit défendu d'appeler le médecin ? » Cela fait des siècles que les religions trafiquent avec la volonté de Dieu pour lui prêter des intentions sadiques, alors qu’elles pourraient tout aussi bien lui prêter des intentions aimantes, c’est peut-être encore de la croyance, mais au moins une croyance support de vie. On n’imagine pas l’effet produit par des croyances collectives mortifères sur la psyché. Elles produisent le désespoir qui a un effet direct sur la maladie et conditionnent toutes les réponses qu’on lui apporte. En résumé, « La personne humaine ne peut pas se dissocier du contexte naturel de sa vie physique. Sa culture, sa religion, sa nature et ses attitudes psychologiques forment le contexte dans lesquels les événements à la fois personnels et collectifs se produisent. Une victime atteinte d’apathie, d’accablement et de désespoir diminue automatiquement ses défenses corporelles. Le désespoir se déplace plus vite qu’un moustique ou tout autre porteur de maladie. L’état mental actualise un virus qui lui, objectivement est passif sans cela ».

De plus, il faut considérer ici, dans la fenêtre IG, les croyances collectives au sens large et ne pas s’en tenir aux seules croyances religieuses en s’imaginant qu’en dehors d’elles nous en serions miraculeusement lucide, car c’est bien de toute la culture qui façonne notre manière de voir. Ce qui inclut tout autant les croyances matérialistes (texte) que les croyances soutenues par des idéologies politiques, les rumeurs des réseaux sociaux, que les croyances new age de quelques cercles ésotériques etc. Il n’y a pas si longtemps, du temps de l’URSS et de la doctrine infaillible du parti, on croyait dans une science communiste bien différente de la mauvaise science capitaliste. Il devait y avoir une vigueur triomphante du prolétariat révolutionnaire et une débilité décadente du capital. On aurait pu politiser jusqu’aux pandémies, comme on politisait tout et n’importe quoi dans les années 60 dans l’exaltation révolutionnaire. 

2) Venons maintenant aux conséquences pratiques. Dans l’optique de Wilber, « le quadrant inférieur gauche englobe la somme immense des facteurs intersubjectif essentiels à toute interaction humaine. Elle comprend la communication échangée entre le médecin et le patient ; les attitudes de la famille et des amis et la qualité de leur communication avec le patient ; la perception (acceptation ou rejet) d’une maladie donnée par la culture environnante (cf. SIDA) ; et les et les valeurs de la culture que la maladie elle-même inquiète ou met en danger. Tous ces facteurs importants jouent un rôle dans le développement et la  guérison de n’importe quelle maladie physique ». Nous pourrions développer longuement, mais nous pouvons remarquer au moins que l’accent mis exclusivement sur la perspective SD, avec le poids énorme qui lui est accordé dans la pandémie actuelle, aurait plutôt tendance à laisser croire que les facteurs intersubjectifs sont négligeables. Il faut dire aussi que les étudiants en médecine ne sont guère préparés à cet aspect de leur métier futur. C’est aussi la désagréable impression qu’éprouve parfois un malade d’être traité comme un numéro dans un liste de patient à qui on prescrit des pilules sans même le regarder et l’écouter. Fort heureusement, un effet très positif de la pandémie actuelle, c’est au contraire d’avoir réveillé notre capacité d’empathie au contact de soignants dont le courage et le dévouement sont en tout point remarquables. Le public qui apporte son soutien du corps médical contribue à instaurer une confiance qui est indispensable à tout processus de guérison. La relation humaine se soigne et une relation vivante soigne bien plus que ne le laisserait penser la vision exclusivement tirée du quadrant SD.

Le quadrant IG « en pratique… doit être limité aux facteurs permettant une action efficace, tels que la qualité de la communication entre le médecin et le patient, les groupes de soutien et une compréhension générale des jugements culturels et de leurs effets sur la maladie ». Toute personne de bon sens comprend immédiatement que le soutien moral de la communauté dans la maladie est primordial et joue un rôle essentiel pour le rétablissement. C’est d’ailleurs un point qui a été soulevé à l’encontre de la procédure de confinement SD par des soignants, dans le cas des personnes âgées autant que pour des malades affectés de pathologies mentales prononcées, comme la schizophrénie. Mettre un enclot autour des personnes, revient à couper le malade de la relation humaine, ce qui est extrêmement dommageable, surtout chez des personnes qui ont beaucoup de mal à supporter l’isolement et qui ont vitalement besoin de la relation. Au point de se laisser mourir quand elles se sentent négligées et abandonnées.

D. Le point de vue subjectif sur la pandémie, le quadrant SG

Venons maintenant à la dimension oubliée de la subjectivité, le quadrant SG. « La psycho-immunologie a mis en lumière le rôle crucial que jouent les états intérieurs (émotions, attitudes psychologiques, imagerie mentale, intentions) dans les causes comme dans la guérison des maladies physiques. Autrement dit, le quadrant supérieur gauche est une composante essentielle de de toute approche de soin médical qui se veut complète ». Les intentions conscientes, la qualité du dialogue intérieur, les intentions inconscientes du sujet jouent un rôle fondamental dans l’évolution d’une maladie. Y compris dans le cas d’une prescription allopathique orthodoxe (texte).  

1) Dans tout traitement, que ce soit par une médecine alternative ou une médecine conventionnelle, intervient un effet placebo qui vient de la conscience du sujet dans son désir de guérir. Et inversement, il est tout aussi exact que dans tout traitement, il peut aussi y avoir un effet nocebo dans le désir inconscient du sujet de rester malade. Tous les généralistes qui ont un tant soit peu d’expérience le savent. Quand une personne âgée n’a plus d’autre relation, d’autre visite, quelqu’un à qui parler, que son médecin, celui-ci peut bien s’escrimer à prescrire exactement ce qu’il faut, sans voir de résultat effectif…si la personne au fond d’elle-même préfère rester malade pour que la relation perdure. Le règne sans partage de la thérapie SD a longtemps dissimulé ce fait qui est maintenant mieux reconnu. Ce serait très long à expliquer, mais nous savons désormais que les médecines alternatives corps-esprit mobilisent un paradigme qui n’est pas le paradigme mécaniste et c’est pourquoi elles doivent nécessairement déranger une manière de penser la maladie qui reste dans les ornières de la perspective SD. D’ailleurs le matérialisme ambiant n’est vraiment à l’aise que dans le quadrant SD avec pour base une physique classique. Or l’influence subtile de la pensée sur le corps mobilise plutôt un point de vue non-duel et la physique quantique. Ce qui requiert pour le comprendre un changement profond de paradigme.

La pensée se métabolise à l’intérieur du corps. Le corps est très innocent, il suit les pensées et les émotions, quand bien même la cause serait purement mentale et illusoire. C’est l’intellect qui est doué de discernement. Une pensée de terreur suffit pour que l’organisme mobilise toutes les réactions de la peur, même si en réalité il n’y a aucun danger. Le corps suit. Il embraye sur les pensées saines et toniques, comme sur les pensées toxiques et déprimantes. Il est même tout à fait capable, en suivant la pensée, d’accentuer ou de contrarier l’effet d’un médicament. Et cela s’applique à toute pathologie, y compris bien la présente pandémie. Quand les médias réassurent en permanence une pensée et maladiepensée fortement anxiogène cela ne peut donc pas être sans conséquence. Surtout si on manque de discernement. Le monde de la pensée et des sentiments a beau être invisible, il anime tous les systèmes physiques avec lesquels nous sommes familiers. Dans une culture telle que la nôtre, entièrement dominée par la perspective SD, donc dominée par la dualité sujet/objet, nous avons été élevés dans l’idée que nous sommes impuissants face à la maladie et… cela fonctionne très bien, cette croyance nous rend déjà impuissants. Elle nous met à la merci du système médical et de son arsenal dont nous attendons tout, convaincus que nous sommes faibles, que notre intériorité ne peut rien face à la maladie. (texte) Nous avons même hérité de l’idée qu’il faut se méfier de notre subjectivité, qu’elle n’est pas fiable et qu’il faut en tout domaine démissionner de notre responsabilité personnelle et avoir recours à des experts qui eux savent toujours mieux que nous et disposent de moyens techniques pour résoudre tous les problèmes à notre place. Nous avons fini par croire que tous les problèmes sont techniques et du ressort des experts, que nous n’y avons pas part, alors que les problèmes fondamentaux ne sont pas techniques mais humains et qu’ils nécessitent notre engagement total pour les résoudre.

Il y a des situations qui devraient nous faire réfléchir. Nous ne pouvons pas faire comme si nos pensées et nos émotions ne comptaient pour rien, car la vie se charge en permanence de nous prouver le contraire en nous montrant la leçon de vigueur de la confiance en soi, l’énergie vibrante de la joie, comme la musique sombre du désespoir et de l’apathie. Face à n’importe quel événement extérieur, ce qui importe, c’est l’attitude de la conscience. « Le désespoir et l’apathie sont des ennemis biologiques. Même quand arrivent des grands fléaux, il y a des personnes qui sont frappées mais survivent, d’autres qui ne sont pas touchés par la maladie et s’occupent activement des malades et des mourants. Les personnes qui sont activement engagée se voient elle-même sous un jour très différent, en comparaison des victimes. Elles ne se sont pas atteintes de désespoir et se sentent bien au contraire utiles et efficaces. Sortant parfois d’une vie sans éclats ; elles se mettent à accomplir des actes d’une grande bravoure. Les conditions horrifiantes la stimule à accomplir des actes qu’antérieurement elle n’aurait pas initié ». Si vraiment la puissance létale d’un virus était un processus purement mécanique et linéaire SD, on ne s’expliquerait pas pourquoi certains survivent tandis que d’autres meurent. Sans prise en compte de la subjectivité vivante, cela n’aurait aucun sens. Les épidémies de peste du Moyen-Age, le choléra, la grippe espagnole auraient dû éliminer la totalité de l’humanité. Ce qui ne s’est pas produit. Et là, nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a des personnes pour qui justement, il y a du sens et dont le système immunitaire peut faire bouclier face à la maladie. Il y en a aussi d’autres pour qui cela n’a plus de sens de vivre de manière indigne et nocebomisérable et qui baissent les bras. Un mystère si on s’en tient à la seule perspective SD, mais qui prend un sens dès que nous prenons en compte la perspective SG.  Donc, pour le formuler directement : « On ne peut pas expliquer les épidémies du seul point de vue biologique. Les causes fondamentales ne sont pas biologiques, mais les conditions psychiques réunies, la structure biologique devient porteuse d’une intention mortelle ».   

2) Et là nous en arrivons à des questions redoutables, mais qui in fine ne peuvent pas être écartées, sauf à se voiler la face. Qu’en est-il de cette intention mortelle qui peut mettre fin à la structure biologique ? On pourrait en effet toujours rétorquer : mais comment se fait-il que ce médecin chinois qui avait tout donné pour prévenir de la pandémie du Covid-19 et soigner tant qu’il le pouvait, soit mort ? Et puis, tous ces médecins qui se sont sacrifiés pour soigner les malades ? … Il y a en effet quelque chose d’extrêmement profond dans cette idée de sacrifice qui peut avoir un rapport étroit avec la conscience collective autant qu’avec la conscience individuelle qui en partage les souffrances et les aspirations.

 « A certaines époques, la vie des pauvres était si horrible et insoutenable que des fléaux se produisirent et détruisirent littéralement de grands espaces où régnaient ces conditions sociales, politiques et économiques. Cependant ces fléaux fauchèrent à la fois les riches et les pauvres, de sorte que les gens aisés pouvaient voir très clairement, par exemple, que l’intimité, la paix de l’esprit et les conditions sanitaires devaient être reconnues aux pauvres également, car leur insatisfactions pouvait mener à des résultats tangibles »… « Dans une certaine mesure, chaque ‘victime’ était atteinte d’apathie, d’accablement ou de désespoir, ce qui diminuait automatiquement ses défenses corporelles ». Pour la psyché collective, ou, (si on préfère le langage de Jung), dans l’inconscient collectif, (texte) et non pas au niveau du conscient, « ce furent des morts de protestation »…une  « protestation contre l’époque dans laquelle elles surviennent ». « Des facteurs biologiques, sociologiques ou même économiques peuvent entrer en ligne de compte, de sorte que pour diverses raisons et à des niveaux différents, tout un groupe d’individus souhaitent mourir à un moment donné ; de manière que leur mort individuelle soit une affirmation collective ».

Donc en surface, sur le plan horizontal, un virus terrible qui tue des milliers d’hommes, apparemment au hasard et sans raison et, sur le plan vertical de la psyché, un état de dépression et de mal-être collectif si profond et si sévère qu’il ouvre la porte à un virus, (peut-être déjà là) le faisant passer d’un état passif, à un état actif et produisant une vague de mortalité exceptionnelle, geste désespéré  d’un peuple qui n’en peut plus de souffrir, qui signifie par ses morts qu’une vie de désespérance ne mérite pas d’être vécue. « Les êtres concernés par ses événements ont leurs motifs personnels. Les raisons varient d’une personne à l’autre, mais tous les intéressés ‘veulent que leur mort serve à une fin’ dépassant leurs préoccupations personnelles. De telles morts sont alors partiellement voulues pour que les survivants s’interrogent sur les conditions de vie ». La psyché collective sait qu’il existe derrière ces morts collectives des raisons de fond qui dépassent les croyances admises en surface. La thèse est audacieuse, mais en toute franchise, sur certaines périodes de l’histoire, il y a sûrement des historiens spécialistes des pandémies qui seraient sensibles à ces idées. Pourtant la lecture d’une pandémie par une psychologie des profondeurs est très choquante et sera très vite balayée d’un revers de main pour ce qui est de la pandémie actuelle. Elle suggère par exemple que Li Wenliang, le médecin chinois dont nous parlions plus haut, au désespoir d’être entendu, aurait en son âme, au plus profonde de son intériorité, choisi de protester de manière exemplaire par sa mort physique. Un sacrifice spirituel. Et c’est vrai que l’impact a été puissant, car s’il avait été menacé par le régime au début pour propagation de fausse rumeur, ce même régime en a ensuite fait un héros du combat contre le virus.

Mais nous sommes dépendants du point de vue SD, ouverts tout de même au point de vue IG, et encore réticent au point de vue ID, et nous sommes encore loin d’avoir intégré dans nos mentalités la perspective de l’intériorité SG. De ce fait, nous ne comprenons la Vie que comme vivant purement biologique, sans prendre en compte la psyché qui l’anime, nous sommes donc davantage investis dans sa durée quantitative que dans sa qualité intrinsèque. Mais la psyché cherche elle à s’incarner avec élan, délice, contentement et plénitude de sens, elle trouve sa jouissance davantage dans l’intensité qualitative que dans la simple survie qui n’a plus de sens. Pour elle, la qualité de la vie est ce qu’il y a de plus important. Et c’est aussi vrai pour nos animaux de compagnie. Quand ils « ne peuvent utiliser pleinement leur capacités ou leur pouvoir, ni, pour nombre d’entre eux, tirer bénéfice d’une relation psychique avec l’homme ; ils se sentent mis au rancart, non désirés et non aimés. Un animal non aimé ne veut pas vivre ».

Tant que nous ne comprendrons pas que santé comme maladie sont étroitement liés à la dimension de l’intériorité (texte), nous resteront scandalisé par la mort qui est pourtant un processus naturel et nous ne comprendrons pas davantage la possibilité des rémissions spontanées dans la maladie. A cet égard, les médecines traditionnelles ont quelques longueurs d’avance, car elles intègrent la dimension spirituelle. Ce qui nous ramène à notre point de départ svasthya, se tenir en équilibre dans le Soi. La perspective de l’Ayur-Veda.

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     Terminons. L’objet de ce travail était bien sûr introductif. Il ne visait qu’à présenter la thèse de Wilber sur la médecine intégrale qui peut se résumer simplement : une médecine tous quadrants. Cela débordait bien évidemment la question de la pandémie du Covid-19. « En résumé, une approche médicale qui se veut véritablement complète et efficace se doit d’être tous quadrants, tous niveaux…comprend des niveaux (ou vagues) physiques, émotionnels, mentaux et spirituels… et une approche intégrale prendra en compte toutes ces réalités. » Il ne s’agit pas du tout de nier en quoi que ce soit l’apport considérable de la médecine conventionnelle qui est pleinement intégrée, mais de fournir une vision élargie qui ne néglige rien de ce qui contribue à la santé humaine. Il y a une place pour les médecines alternatives dans le quadrant SG. Pour mémoire, les Universités indiennes qui enseignent l’Ayur-veda incorporent intégralement l’enseignement de la biologie SD. 

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     © Philosophie et spiritualité, 2020, Serge Carfantan,
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