La
santé se dit
en sanskrit svasthya, où sva indique le Soi, la racine STHA désigne,
comme toutes les racines sanskrites une action, ici celle de « se tenir ». Elle
est parente de l’anglais stand, à l’allemand stehen, au français
stase. L’ek-stase chez Heidegger, est une tenue de conscience au-dehors,
dans l’extériorité. L’opposé est l’enstase, se tenir au-dedans rassemblé dans le
Soi, ce que désigne exactement le mot samâdhi. Ces différents éléments
ont quelque chose à nous dire pour nous aider à discerner au mieux l’essence de
la santé, tant mentale que physique.
La santé a visiblement un rapport avec un équilibre en soi-même,
tandis que la maladie traduit un état de déséquilibre et c’est vrai, autant au
niveau u mental, qu’au niveau du corps.
Ce qui nous conduit à
une compréhension du sens de l’art médical dont les incidences sont très
profondes. L’art de soigner est médical, mais le médecin soigne à partir de ce
qu’il sait et dans le cadre conceptuel qui est le sien. Il a par exemple
une grande différence entre le background de la médecine chinoise ou l’Ayur-veda
et le de la médecine occidentale conventionnelle. Une différence de point de vue
dans la manière de considérer la santé, la maladie et le sujet que l’on dit en
bonne santé ou malade. Ken Wilber a proposé de distinguer
quatre quadrants
majeurs dans lesquels situer les approches thérapeutique, l’ensemble des
quatre constituant la
médecine intégrale.
Nous allons dans ce
qui suit tenter d’appliquer la théorie de Wilber au contexte de la pandémie du
corona virus. Les circonstances sont très émotionnelles et nous aurions pu
attendre un retour au calme pour proposer ces analyses. Néanmoins, cela vaut la
peine de tenter sur le vif d’en parler, quand bien même nous serions en présence
d’éléments très sensibles dans le contexte présent. Le but ici est seulement
d’ouvrir notre perspective sur la crise actuelle. La question qui sera traitée
ici est : que nous dirait une médecine intégrale
sur la pandémie ?
*
*
*
Wilber souligne que « la médecine est probablement le domaine où
l’application des quadrants est la plus immédiate »,
en effet, comme nous allons le voir, nous pouvons facilement situer nos
perspectives dans chacun d’eux, ce qui nous permettrait de bien comprendre dans
quel cadre opère la médecine conventionnelle qui monopolise toute notre
attention aujourd’hui.
|
Individuel |
Intérieur « Je »
Sentier de gauche
SUBJECTIF
Véracité
Intégrité
Crédibilité |
Extérieur « cela »
Sentiers de droite
OBJECTIF
Vérité
Représentation
Propositionnel |
|
collectif |
« Nous »
Légitimité
Adéquation culturelle
Compréhension mutuelle
Justesse
INTERSUBJECTIF
|
« Tout cela »
Adéquation fonctionnelle
Toile de la théorie des systèmes
Entrelacement des systèmes sociaux
INTEROBJECTIF
|
1)
Commençons
par un bref rappel. Le tableau suivant donne une vue d’ensemble. « La médecine
conventionnelle, ou « orthodoxe », est une approche caractéristique du quadrant
supérieur droit (SD). Elle traite essentiellement l’organisme physique, au moyen
d’interventions physique : chirurgie, médicaments, et modifications
comportementales. La médecine conventionnelle croit principalement en des
maladies physiques ayant des causes physiques, c’est pourquoi elle prescrit
essentiellement des interventions physiques ». Il faut insister sur le mot
« croit », car effectivement il s’agit d’une
croyance de base qui sert de
fondement à tout le système médical conventionnel.
Or, c’est là une
difficulté majeure car une croyance de base peut difficilement être vue en
tant que croyance, car, comme toutes croyance de base, elle est identifiée à
la vérité et non comprise comme un point de vue sur la vérité. Toutefois,
l’apport de la théorie des quadrants a cet avantage de nous apprendre à nous
déprendre des prises de positions rigides, à mieux resituer nos croyances à
l’intérieur de leur système conceptuel qui le supporte. Elle montre en tout cas
qu’elles dépendent entièrement d’une perspective particulière et qu’il en existe
trois autres différente et qui sont complémentaires. Donc, pour faire simple, le
quadrant supérieur droit « représente à proprement parler un quart de
l’équation » de l’art médical.
Nos représentations
dans le quadrant SD sont l’héritage du paradigme mécaniste de la
On distinguera alors
le traitement
par l’utilisation de molécules chimiques efficaces dans un médicament, du
vaccin
qui consiste à tromper l’organisme en lui administrant une version
affaiblie du virus capable toutefois de solliciter la production d’anticorps qui
vont faire en sorte que l’organisme du patient acquiert des défenses solides et
ne soit pas atteint. C’est de nécessité, et dans cette guerre, le traitement est
dans l’urgence le remède la plus important, le vaccin demande beaucoup plus de
temps, souvent des années de préparation. Il est possible que lorsque le vaccin
est enfin disponible, l’épidémie elle soit déjà passée.
Il est inutile de
développer, nous sommes tous très au fait de cette manière de penser. Il est
très facile de comprendre l’approche du quadrant SD, nous baignons dedans depuis
l’enfance, comme un poisson dans l’eau. Toutes les analyses de la biologie et
tous les commentaires journalistiques mainstream sur la pandémie sont inscrits
massivement dans quadrant SD. Nous ne pouvons pas dire que nous sommes ignorants
à cet égard, personne ne l’est, nous serions plutôt surinformés dans
cette seule optique.
2) D’où le concept de
confinement. Notons que le terme de
confinement appartient à un registre de vocabulaire policier
où la dualité intérieur/extérieur est renforcée. Il s’agit de réduite l’espace
de liberté face à une extériorité dangereuse, les confins des limites
finies pour des individus que l’on met dans un enclot dont ils ne doivent
pas sortir car il y a menace. Pas de confinement sans contrainte, que
celle-ci soit imposée par la force ou librement acceptée. Lors de la traite des
noirs dans le commerce triangulaire, les esclaves étaient confinés dans
des espaces clos dans des conditions d’hygiène épouvantables dans (des forts qui
existent toujours en Afrique) avant d’être embarqués sur des navires vers
l’Amérique. La rafle du Vel d’hiv était une mesure de confinement des Juifs. En
prison, les détenus jugés très dangereux sont confinés dans des quartiers de
haute sécurité (texte).
Dans le domaine de la
santé navale, en raison de la présence à bord d’un navire d’une maladie
infectieuse, on impose la quarantaine, ce qui implique le confinement de tout
l’équipage et des passagers sur quarante jours pour empêcher que la maladie se
répande. On réduit donc le mouvement des porteurs potentiels de maladie en les
obligeant à rester à bord, le temps, qu’après des mesures sanitaires, on soit
bien certain qu’il n’y a plus de risque à les laisser débarquer. Ce qui peut
inclure éventuellement des mesures violentes des autorités portuaires, (même
contre le capitaine Haddock dans Tintin !). Mais les passagers peuvent
accepter la contrainte, ce qui réduit la nécessité de l’imposer par force.
Notons cependant que si nous étions en présence d’une épidémie affectant
l’animal, il n’y aurait pas autant de diplomatie. Le confinement imposera
d’abord des clôtures pour empêcher par exemple que les sangliers porteurs d’une
maladie infectieuse ne risquent de contaminer un élevage. Quand la contamination
se produit, l’étape suivante est l’abattage préventif. Nous en avons
plusieurs exemples dans si loin de notre actualité comme la grippe aviaire H5N8
et l’abattage massif de canards d’élevage dans le Sud-Ouest en 2016. Entre
confinement et abattage, il n’y a pas de césure, c’est une suite logique.
Considérons maintenant le phénomène de la
pandémie sous un autre angle, dans la perspective du quadrant inférieur
droit selon Wilber, ou pour faire simple, dans l’analyse systémique.
Celle-ci démontre de manière particulièrement nette qu’en réalité les objets
n’existent pas de manière isolée, mais sont toujours des éléments en
interaction avec d’autres dans un système qui forme un tout, un système où
le dynamisme de chaque élément est intimement relié à tous les autres.
L’illustration la plus simple et la plus pédagogique de cette manière de
penser est bien sûr en écologie. Nous
savons que dans un biotope, une grande diversité d’espèces contribue à
l’exaltation du tout dans une coopération et une intrication très étroite.
Toute action hétérotélique qui détruit la diversité affaibli le biotope et
chacun de ses éléments. La
santé ou la maladie de chaque être vivant n’est en aucun cas séparable du
milieu avec lequel il interagit. L’erreur serait de
penser de manière fragmentaire, ce qui a peut-être un sens dans l’espace
confiné d’un laboratoire, mais est un non-sens dans le réel où un être
n’existe que dans l’interaction et l’échange et avec d’autres êtres dans un
environnement global.
1) Ce qui veut dire ? Pour être plus précis pour
notre sujet : « le quadrant inférieur droit concerne tous
les facteurs matériels
économiques et sociaux, lesquels
sont rarement pris en
compte dans la définition de la maladie, alors qu’ils sont en réalité
co-responsables de la pathologie comme de la guérison ».
« Même dans les pays développés, si vous êtes atteint d’une maladie mortelle
mais néanmoins curable, que votre couverture maladie est votre seule
ressource pour couvrir vos dépenses médicales et que celles-ci ne couvrent
pas la malade dont vous êtes atteint, alors il y a de fortes chances que
vous mourriez de votre maladie ».
« La cause de la mort est la pauvreté, le manque de ressources.
Fautes de prendre en compte ces données, nous disons habituellement « tel
virus l’a tué ». Le virus est certes une composante de la cause, mais les
trois autres quadrants en font autant partie »
… « même si le virus (quadrant supérieur droit) est le centre d’attention,
vous mourrez si le système social (quadrant inférieur droit) est incapable
de fournir les traitements nécessaires ». Pendant la pandémie du COVID-19, à
New-York, les appartements à plusieurs millions de dollars se sont vidés,
les riches sont allés sur mettre au vert, dans une de leurs résidences
secondaires loin de l’épidémie, pendant ce temps, dans le quartier du Bronx
c’était l’hécatombe. Les uns ont tous les moyens de se soigner et pas les
autres. Idem à Paris, où 17% des parisiens des quartiers riches sont partis
à la campagne. Parfois en transportant le virus en province. La Seine
Saint-Denis, le département le plus pauvre de l’Ile de France était le plus
touché. Etc. Que va-t-il se passer
au Mexique où la population est déjà soumise au stress quotidien
des
cartels de la drogue, où les
conditions de vie sont précaires et ou l’obésité est elle-même devenue une
pandémie ? Que le vecteur soit n’importe quel virus, quand un environnement
est morbide il tuera d’une manière ou d’une autre., des conditions de vie
dégradées, une promiscuité forcée,
De la même
manière, dans la Nature, un sol épuisé, empoisonné, un environnement ravagé
par l’exploitation frénétique d’une agriculture intensive perd de sa
résilience, le maillon le plus faible cède et comme par hasard on voit
entrer en scène des maladies qui déciment la flore et la faune.
Un environnement dégradé
qui n’est plus support de vie, est à la merci de n’importe quel vecteur de
destruction. On a alors beau
jeu d’accuser telle espèce invasive ou tel virus. Mais, dans
l’irresponsabilité et l’inconscience générale, on lui a déroulé un tapis
rouge. Bref, pour corriger notre penchant à fragmenter, isoler, nous
devrions être ouvert aux recherches qui mettent en valeur les caractères
systémiques des épidémies, car elles ont beaucoup à nous apprendre.
3) Il y a un
autre domaine où l’analyse systémique est très instructive. C’est celui du
milieu de l’organisme vivant.
Le corps humain est lui-même un holon et un milieu systémique. Il
doit être pensé comme tel. Or, si nous prenons en
compte ce fait nous allons devoir rectifier radicalement notre point de vue.
Vouloir éradiquer les virus en considérant par avance qu’ils sont en soi
dangereux est-ce vraiment pertinent ou bien plutôt stupide ? L’idée a
pourtant fonctionné et elle est très largement répandue.
Voyons cela. Un autre pointeur, avec un peu
d’humour pour alléger un peu une thématique assez lourde. Vous ne pouvez pas
en partance pour les Etats-Unis mettre dans votre valise… un lot de
camemberts. Vous allez vous faire arrêter à l’aéroport car c’est interdit.
Là-bas, on n’accepte que les fromages fondus ou
stérilisés.
La mentalité de ce pays a été conditionnée dans l’idée que l’Américain doit
vivre dans une atmosphère
aseptisée. C’est le côté hyper clean des séries télé
façonnées sur le patron de la techno-science high-tech, dans lesquelles le
modèle est la vie dans de superbes appartement dans des gratte-ciels qui
touchent les nuages. Et l’intérieur ressemble à des couloirs et des chambres
d’hôpitaux en plus sophistiqué. La croyance inconsciente est que the best
way of life est nécessairement isolée de la Nature. La nature
c’est sale, car tout plein de microbes, de bactéries, de virus, il faut la
mettre à distance et tout désinfecter ! Aspirateur et karcher pour les
bâtiments, - l’idée hygiéniste de l’eau de javel
à tour de bras - et pour le reste, si on continue, nourriture aseptisée le
plus possible. A la limite des pilules feraient l’affaire. La vie aseptisée
aussi. L’idéal serait de vivre… confiné comme les astronautes dans l’espace
avec la nourriture et un mode de vie qui va avec. Ecran, télé, jeu vidéo,
coupé du monde, dans une bulle techno où le mental ordinaire ne pense les
virus que dans
l’informatique.
Mais là encore, ils sont en soi négatifs, ce sont des agresseurs.
Virons de bord
toutes. La vérité, c’est que
vouloir éliminer tous les microbes et
tous les virus, si on y parvenait, nous tuerait tous jusqu’au dernier.
D’abord ils sont omniprésents dans l’air, dans l’eau, dans tout ce que nous
pouvons toucher, sentir et manipuler de nos mains, mais aussi à l’intérieur
de nos corps. Notre système digestif abrite entre 1012 et 1014
micro-organismes, ce qui en passant fait entre 2 et 10 fois plus que le
nombre total des cellules du corps pris en totalité. Privé des bactéries,
des virus et des parasites constituant notre microbiote, nous serions
incapables de digérer quoi que ce soit. Notre système immunitaire en a
impérativement besoin. Non seulement cela, mais les virus, comme les gènes
portent de l’information sans laquelle la totalité de l’organisme ne peut
pas exister. Il existe des familles de virus où des équilibres biologiques
sont maintenus. Chaque organisme comporte un nombre incalculable de virus
qui pourraient, sous certaines conditions être mortels, mais qui, quand le
système immunitaire est fort et équilibré, réagissent de manière bénéfique
en accroissant la stabilité corporelle en apportant les changements
appropriés au niveau cellulaire selon le taux d’activité.
La purification chimique hygiéniste tirée de la
méthodologie du quadrant SD, portée par une
croyance dans la
séparation
de l’être humain vis-à-vis de la Nature renie ce fait, ce qui
dénote son caractère partiel. Réfléchissons un peu. Comment se fait-il, par
exemple, que l’eau distillée soit complètement indigeste ? Elle est
chimiquement « pure » pourtant ! Mais le corps n’aime pas du tout ce qui est
chimiquement pur, il n’assimile bien que ce qui est complexe, vivant et
naturel, de l’eau avec sa vitalité et tous ses sels minéraux. L’eau
distillée, c’est bon que pour les batteries de voiture, pour les machines,
pas pour les humains. Si on met dans une assiette les composés chimiques
séparés
des aliments : du carbone, du potassium, du fer, du chlorure de
sodium etc. cela risque fort de vous tuer, tandis que les mêmes éléments
dans une tarte aux pommes ou dans la soupe nourrissent l’organisme. Bref,
l’hygiénisme SD pur et dur, encore une fois, c’est bon pour les machines,
les robots, les cyborgs (?), pas pour les humains. Il est extrêmement
réducteur d’aborder la santé de l’humain uniquement à partir d’un modèle
analytique tiré de la techno-science. Par
contre, nous comprenons très bien qu’en laboratoire, les protocoles exigent
de tendre vers une pureté parfaite de l’environnement pour éviter toute
altération des résultats. Les exemples sont innombrables, tant en physique,
en biologie qu’en astronomie. De même, dans l’industrie, certains processus
de production exigent de l’air purifié, une haute sophistication de
l’hygiène adaptée à une technologie ultrasensible. Pour fabriquer des
processeurs par exemple. Un matériel confiné. C’est parfaitement clair et
personne n’aurait l’idée de le remettre en cause.
Pour parvenir à
une compréhension intégrale de la santé humaine, il faut sortir de cette
idée de confinement aseptisé pour retrouver la vie réelle dans sa totalité,
(texte) sa complexité et ses interactions multiples,
vivre, c’est vivre en relation,
c’est-à-dire retrouver là vie là même où n’existe pas la moindre séparation.
Il n’existe pas de système fermé, mais une interconnexion
multidimensionnelle de toutes les formes d’existence, c’est donc le milieu
dans lequel se développe le vivant qui doit être sain. Ce qui bien sûr
n’écarte pas l’hygiène, mais nous interroge une fois de plus sur la notion
de terrain qui décidément n’est
pas clairement investigué par l’approche SD qui est incapable de comprendre
son immense portée et son importance.
Venons maintenant à la perspective
ouverte par le quadrant inférieur gauche, IG, le quadrant
interprétatif
de la culture. « La conscience individuelle n’est jamais une
entité isolée : son existence est inévitablement dépendante de la
culture (croyances, valeurs, visions du monde à à laquelle elle
appartient. La façon dont une culture (quadrant inférieur gauche)
perçoit une maladie – avec empathie et compassion, ou bien avec
dédain et mépris – peut avoir un impact profond sur la façon sur la
manière dont une personne fait face à sa maladie (quadrant supérieur
gauche), ce qui… peut affecter directement le traitement de la
maladie physique (quadrant supérieur droit). En fait, de nombreuses
maladies ne peuvent être définie sans faire référence au contexte
culturel commun ». Cette question
est totalement négligée dans le contexte actuel. Elle convoque le
langage, l’histoire, les mythes, les religions et son poids est
considérable.
1)
Que nous en ayons conscience ou pas, en amont de tous nos
comportements, il y a nos croyances.
Or
il n’est pas nécessaire qu’une croyance soit fondée pour être
efficace, le seul fait de croire propulse déjà
un comportement aligné sur la croyance. Il va de soi bien
évidemment, que les croyances collectives ont des effets extrêmement
puissants
car
elles procurent, sans qu’il y ait besoin de réfléchir, des raisons
d’agir. Et des raisons impérieuses, quand bien même les croyances
seraient irrationnelles. La croyance n’a rien de neutre, elle
délivre une
interprétation des faits qui peut aller jusqu’à
une complète distorsion.
La Peste de
Camus, met en scène un prêtre catholique qui prétend que l'épidémie
est un fléau envoyé par Dieu pour punir les Oranais de leurs péchés.
C’est un schéma tellement récurrent dans les monothéismes de
l’Occident que nous ne pouvons pas être surpris, il ressort à
l’occasion de toutes les catastrophes naturelles
et pas seulement les épidémies.
Récemment le pasteur américain Rick Wiles a affirmé sans détour que
le coronavirus
Dans les années 50, lors d’une campagne
de vaccination contre la tuberculose en Tunisie, certains imams
menaçaient la population d’aller se faire vacciner. Les médecins
français injectaient du poison alors « qu’il ne fallait pas aller
contre la volonté d’Allah ». En Algérie, on peut entendre que c’est
le raï, cette musique de Satan, qui a attiré la colère de Dieu. Si
nos mosquées sont vides et que nos jeunes tournent le dos à la
religion, qu’attendez-vous de Dieu ? Qu’il nous vienne en aide ?
Non, il nous a envoyé le coronavirus en piqûre de rappel ».
Et on
pourrait multiplier les exemples, ils sont légion. Sans même poser
la question de savoir si cela peut être vrai ou faux, la croyance
que la pandémie est un châtiment de Dieu peut-elle être sans effet
sur le malade qui y croit ? Peut elle être sans effet sur le
comportement de ses proches qui le regarde à travers les lunettes de
cette croyance ? A travers le biais produit par la croyance, la
lucidité est perdue, il n’y a plus
un être humain
qui a besoin d’être soigné, il y a un
pêcheur qui mérite
d’être châtié. Maudit pour ses péchés et il a reçu la punition
divine dans la maladie. Il n’y a rien à faire à part se résigner en
se soumettant à cette prétendue volonté de Dieu. Comment favoriser
la guérison dans un contexte pareil quand les croyances collectives
sont déjà mortifères ?
Rousseau dans le Contrat social a une
réponse éloquente : « Toute puissance vient de Dieu, je l'avoue ;
mais
toute
maladie en vient aussi : est-ce à dire qu'il soit défendu d'appeler
le médecin ? » Cela fait des siècles que les religions trafiquent
avec la volonté de Dieu pour lui prêter des intentions sadiques,
alors qu’elles pourraient tout aussi bien lui prêter des intentions
aimantes, c’est peut-être encore de la croyance, mais au moins une
croyance support de vie. On n’imagine pas l’effet produit par des
croyances collectives mortifères sur la psyché. Elles produisent le
désespoir qui a un effet direct sur la maladie et conditionnent
toutes les réponses qu’on lui apporte. En résumé, « La personne
humaine ne peut pas se dissocier du contexte naturel de sa vie
physique. Sa culture, sa religion, sa nature et ses attitudes
psychologiques forment le contexte dans lesquels les événements à la
fois personnels et collectifs se produisent. Une victime atteinte
d’apathie, d’accablement et de désespoir diminue automatiquement ses
défenses corporelles. Le désespoir se déplace plus vite qu’un
moustique ou tout autre porteur de maladie. L’état mental actualise
un virus qui lui, objectivement est passif sans cela ».
De plus,
il faut considérer ici, dans la fenêtre IG, les croyances
collectives au sens large et ne pas s’en tenir aux seules croyances
religieuses en s’imaginant qu’en dehors d’elles nous en serions
miraculeusement lucide, car c’est bien de
toute
la culture qui façonne notre manière de
voir. Ce qui inclut tout autant les croyances
matérialistes (texte) que les croyances soutenues par des idéologies
politiques, les rumeurs des réseaux sociaux, que les croyances new
age de quelques cercles ésotériques etc. Il n’y a pas si longtemps,
du temps de l’URSS et de la doctrine infaillible du parti, on
croyait dans une science communiste bien différente de la mauvaise
science capitaliste. Il devait y avoir une vigueur triomphante du
prolétariat révolutionnaire et une débilité décadente du capital. On
aurait pu politiser jusqu’aux pandémies, comme on politisait tout et
n’importe quoi dans les années 60 dans l’exaltation révolutionnaire.
Le
quadrant IG « en pratique… doit être limité aux facteurs permettant
une action efficace, tels que la qualité de la communication entre
le médecin et le patient, les groupes de soutien et une
compréhension générale des jugements culturels et de leurs effets
sur la maladie ». Toute personne de bon sens comprend immédiatement
que le soutien moral de la communauté dans la maladie est primordial
et joue un rôle essentiel pour le rétablissement. C’est d’ailleurs
un point qui a été soulevé à l’encontre de la procédure de
confinement SD par des soignants, dans le cas des personnes âgées
autant que pour des malades affectés de pathologies mentales
prononcées, comme la schizophrénie. Mettre un enclot autour des
personnes, revient à couper le malade de la relation humaine, ce qui
est extrêmement dommageable, surtout chez des personnes qui ont
beaucoup de mal à supporter l’isolement et qui ont vitalement besoin
de la relation. Au point de se laisser mourir quand elles se sentent
négligées et abandonnées.
Venons maintenant à la dimension oubliée de la subjectivité, le
quadrant SG. « La psycho-immunologie a mis en lumière le rôle
crucial que jouent les états intérieurs (émotions,
attitudes psychologiques, imagerie mentale, intentions) dans les
causes comme dans la guérison des maladies
physiques. Autrement dit, le quadrant supérieur gauche est une
composante essentielle de de toute approche de soin médical qui
se veut complète ». Les intentions conscientes, la qualité du
dialogue intérieur, les intentions inconscientes du sujet jouent
un rôle fondamental dans l’évolution d’une maladie. Y compris
dans le cas d’une prescription allopathique orthodoxe (texte).
pensée
fortement anxiogène cela ne peut donc pas être sans conséquence.
Surtout si on manque de discernement. Le monde de la pensée et
des sentiments a beau être invisible, il anime tous les systèmes
physiques avec lesquels nous sommes familiers. Dans une culture
telle que la nôtre, entièrement dominée par la perspective SD,
donc dominée par la dualité sujet/objet, nous avons été élevés
dans l’idée que nous sommes impuissants face à la maladie et…
cela fonctionne très bien, cette croyance nous rend déjà
impuissants. Elle nous met à la merci du système médical et
de son arsenal dont nous attendons tout, convaincus que nous
sommes faibles, que notre intériorité ne peut rien face à la
maladie. (texte) Nous avons même hérité de l’idée qu’il faut se méfier
de notre subjectivité, qu’elle n’est pas fiable et qu’il faut en
tout domaine démissionner de notre responsabilité personnelle et
avoir recours à des experts qui eux savent toujours mieux que
nous et disposent de moyens techniques pour résoudre tous les
problèmes à notre place. Nous avons fini par croire que tous les
problèmes sont techniques et du ressort des experts, que nous
n’y avons pas part,
alors
que les problèmes fondamentaux ne sont pas techniques mais
humains et qu’ils nécessitent notre engagement total pour les
résoudre.
Il y
a des situations qui devraient nous faire réfléchir. Nous ne
pouvons pas faire comme si nos pensées et nos émotions ne
comptaient pour rien, car la vie se charge en permanence de nous
prouver le contraire en nous montrant la leçon de vigueur de la
confiance en soi, l’énergie vibrante de la joie, comme la
musique sombre du désespoir et de l’apathie. Face à n’importe
quel événement extérieur, ce qui importe, c’est
l’attitude de la conscience. « Le désespoir et l’apathie
sont des ennemis biologiques. Même quand arrivent des grands
fléaux, il y a des personnes qui sont frappées mais survivent,
d’autres qui ne sont pas touchés par la maladie et s’occupent
activement des malades et des mourants. Les personnes qui sont
activement engagée se voient elle-même sous un jour très
différent, en comparaison des victimes. Elles ne se sont pas
atteintes de désespoir et se sentent bien au contraire utiles et
efficaces. Sortant parfois d’une vie sans éclats ; elles se
mettent à accomplir des actes d’une grande bravoure. Les
conditions horrifiantes la stimule à accomplir des actes
qu’antérieurement elle n’aurait pas initié ». Si vraiment la
puissance létale d’un virus était un processus purement
mécanique et linéaire SD, on ne s’expliquerait pas pourquoi
certains survivent tandis que d’autres meurent. Sans prise en
compte de la subjectivité vivante, cela n’aurait aucun sens. Les
épidémies de peste du Moyen-Age, le choléra, la grippe espagnole
auraient dû éliminer la totalité de l’humanité. Ce qui ne s’est
pas produit. Et là, nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a
des personnes pour qui justement,
il
y a du sens
et dont le système immunitaire peut faire bouclier face à
la maladie. Il y en a aussi d’autres pour qui
cela
n’a plus de sens de vivre de manière indigne et
misérable
et qui baissent les bras. Un mystère si on s’en tient à la seule
perspective SD, mais qui prend un sens dès que nous prenons en
compte la perspective SG.
Donc, pour le formuler directement : « On ne peut pas
expliquer les épidémies du seul point de vue biologique. Les
causes fondamentales ne sont pas biologiques, mais les
conditions psychiques réunies, la structure biologique devient
porteuse d’une intention mortelle ».
2) Et
là nous en arrivons à des questions redoutables, mais qui in
fine ne peuvent pas être écartées, sauf à se voiler la face.
Qu’en est-il de cette intention mortelle qui peut mettre
fin à la structure biologique ? On pourrait en effet toujours
rétorquer : mais comment se fait-il que ce médecin chinois qui
avait tout donné pour prévenir de la pandémie du Covid-19 et
soigner tant qu’il le pouvait, soit mort ? Et puis, tous ces
médecins qui se sont sacrifiés pour soigner les malades ? … Il y
a en effet quelque chose d’extrêmement profond dans cette idée
de sacrifice qui peut avoir un rapport étroit avec la
conscience collective
autant qu’avec la
conscience individuelle
qui en partage les souffrances et les aspirations.
Donc
en surface, sur le plan
horizontal, un virus terrible qui tue des milliers
d’hommes, apparemment au hasard et sans raison et, sur le plan
vertical
de la psyché, un état de dépression et de mal-être
collectif si profond et si sévère qu’il ouvre la porte à un
virus, (peut-être déjà là) le faisant passer d’un état passif, à
un état actif et produisant une vague de mortalité
exceptionnelle, geste désespéré
d’un peuple qui n’en peut plus de souffrir, qui signifie
par ses morts qu’une vie de désespérance ne mérite pas d’être
vécue. « Les êtres concernés par ses événements ont leurs motifs
personnels. Les raisons varient d’une personne à l’autre, mais
tous les intéressés ‘veulent que leur mort serve à une fin’
dépassant leurs préoccupations personnelles. De telles morts
sont alors partiellement voulues pour que les survivants
s’interrogent sur les conditions de vie ». La psyché collective
sait qu’il existe derrière ces morts collectives des raisons de
fond qui dépassent les croyances admises en surface. La thèse
est audacieuse, mais en toute franchise, sur certaines périodes
de l’histoire, il y a sûrement des historiens spécialistes des
pandémies qui seraient sensibles à ces idées. Pourtant la
lecture d’une pandémie par une psychologie des profondeurs est
très choquante et sera très vite balayée d’un revers de main
pour ce qui est de la pandémie actuelle. Elle suggère par
exemple que Li Wenliang, le médecin chinois dont nous parlions
plus haut, au désespoir d’être entendu, aurait en son âme, au
plus profonde de son intériorité, choisi de protester de manière
exemplaire par sa mort physique. Un sacrifice spirituel. Et
c’est vrai que l’impact a été puissant, car s’il avait été
menacé par le régime au début pour propagation de fausse rumeur,
ce même régime en a ensuite fait un héros du combat contre le
virus.
Mais
nous sommes dépendants du point de vue SD, ouverts tout de même
au point de vue IG, et encore réticent au point de vue ID, et
nous sommes encore loin d’avoir intégré dans nos mentalités la
perspective de l’intériorité SG. De ce fait, nous ne comprenons
la Vie que comme vivant purement biologique, sans prendre
en compte la psyché qui l’anime, nous sommes donc davantage
investis dans sa durée quantitative que dans sa
qualité intrinsèque. Mais la psyché cherche elle à
s’incarner avec élan, délice, contentement et plénitude de sens,
elle trouve sa jouissance davantage dans l’intensité qualitative
que dans la simple survie qui n’a plus de sens. Pour elle, la
qualité de la vie est ce qu’il y a de plus important. Et c’est
aussi vrai pour nos animaux de compagnie. Quand ils « ne peuvent
utiliser pleinement leur capacités ou leur pouvoir, ni, pour
nombre d’entre eux, tirer bénéfice d’une relation psychique avec
l’homme ; ils se sentent mis au rancart, non désirés et non
aimés. Un animal non aimé ne veut pas vivre ».
Tant
que nous ne comprendrons pas que santé comme maladie sont
étroitement liés à la dimension de l’intériorité (texte), nous resteront
scandalisé par la mort qui est pourtant un processus naturel et
nous ne comprendrons pas davantage la possibilité des rémissions
spontanées dans la maladie. A cet égard, les médecines
traditionnelles ont quelques longueurs d’avance, car elles
intègrent la dimension spirituelle. Ce qui nous ramène à notre
point de départ svasthya, se tenir en équilibre dans le
Soi. La perspective de l’Ayur-Veda.
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Terminons.
L’objet de ce travail était bien sûr introductif. Il ne visait
qu’à présenter la thèse de Wilber sur la médecine intégrale qui
peut se résumer simplement : une médecine tous quadrants.
Cela débordait bien évidemment la question de la pandémie du
Covid-19. « En résumé, une approche médicale qui se veut
véritablement complète et efficace se doit d’être tous
quadrants, tous niveaux…comprend des niveaux (ou vagues)
physiques, émotionnels, mentaux et spirituels… et une approche
intégrale prendra en compte toutes ces réalités. » Il ne s’agit
pas du tout de nier en quoi que ce soit l’apport considérable de
la médecine conventionnelle qui est pleinement intégrée, mais de
fournir une vision élargie qui ne néglige rien de ce qui
contribue à la santé humaine. Il y a une place pour les
médecines alternatives dans le quadrant SG. Pour mémoire, les
Universités indiennes qui enseignent l’Ayur-veda incorporent
intégralement l’enseignement de la biologie SD.
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première leçon en rapport avec la pandémie,
la
seconde est ici
Questions:
© Philosophie et spiritualité, 2020, Serge Carfantan,
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