On doit dans les années 60 à Clare Graves, puis
à ses successeurs Don Beck et Cowan l’élaboration d’une théorie du développement
mental de l’humanité appelée spirale dynamique.
Elle reprend des idées de la
pyramide de Maslow, ainsi que celles de la théorie des
stades du développement moral chez l’enfant de Laurence Kholberg. Elle sert
aujourd’hui de modèle en psychologie. Ken Wilber la reprend à son compte en y
ajoutant son propre commentaire. L’objet de cette leçon va être d’en faire une
exposition dans le prolongement des recherches menées jusqu’ici à travers les
leçons. Nous ne chercherons pas simplement à présenter les idées. Il existe sur
le Net d’excellent sites qui font se travail, notre propos sera plus synthétique
et critique.
Le fil
conducteur est simple et n’a rien d’original : Cela fait longtemps que les
anthropologues et les psychologues cherchent un parallélisme entre le
développement psychologique de l’enfant (Kholberg est
un disciple de Piaget) et le développement mental de l’humanité (la psychologie
humaniste de Maslow). Ce qui fait problème c’est la volonté de hiérarchisation,
quand on pense aux dérives de la philosophie de l’Histoire,
ses résultats sont pour le moins inquiétants. Auguste Comte avait soutenu l’idée
qu’il y avait des peuples « dans l’enfance de l’humanité » et des peuples
(européens) d’une « humanité adulte ».
Selon Comte
l’humanité passerait par le stade théologique,
celui de la croyance dans des dieux (la Grèce d’Homère), puis le
stade métaphysique (
la Grèce des philosophes, Platon, Aristote etc.) pour enfin parvenir au
stade positif » de la
science objective. La Modernité. Analyse très vague qui mène à un jugement moral
dépréciatif sur la culture des peuples dit « primitifs » et à un jugement de
supériorité des peuples dit « développés » parce qu’ils disposent de la
techno-science. D’où un ethnocentrisme borné qui
exprime une méprise complète sur les cultures non-occidentales, de leur
richesse, de leur originalité et de la profondeur de leur compréhension de la
vie.
La question
qui se pose est donc :
est
possible d’élaborer une typologie du développement mental de l’humanité qui ait
une valeur de connaissance ?
Est-ce possible sans projeter des jugements à
caractère idéologique en s’en tenant rigoureusement à des différences
caractéristiques ?
Après tout, il y a des similitudes dans ce
projet avec une tentative désuète comme celui la
caractérologie de
Gaston Berger, qui classe les individus selon leurs tendances, sans que cela
implique une volonté de chercher inférieurs ou supérieurs ( comme les
alphas,
betas et
gammas d’Huxley dans
Le meilleur des mondes).
Il faudrait donc s’en tenir à un point de vue purement
descriptif, mais qui s’appuierait sur une connaissance approfondie de la
conscience. Le plan suivi respecte les huit niveaux de Graves.
*
*
*
Graves
associe à chaque stade une couleur qui fait office de
classe pour toutes
les discussions ultérieures. Le premier niveau mental de l’humanité est celui
qui est à peine dégagé de l’animalité et dont le mode de pensée est centré sur
l’instinct de survie.
Nourriture, eau, chaleur, sexe et sécurité.
Dans le développement de
l’humain, c’est le stade du nouveau-né dépendant dans ses
besoins de sa mère.
Un individu, ou une organisation sociale de type Même Beige met au cœur de ses
motivations le souci de préservation dans un monde jugé comme dangereux. Ils
seront survivalistes
pour employer un terme très à la mode aujourd’hui.
Il n’y a plus actuellement sur Terre de société
basée sur les valeurs Beiges. Il faudrait remonter 100.000 ans en arrière pour
en trouver avec les hordes de chasseurs. Clare estime cependant que la mentalité
Beige n’a pas disparue et recoupe encore 0,1% de l’humanité actuelle. Nous
reconnaissons ici le premier stade de la pyramide de Maslow.
Quand les
conditions de vie
deviennent très difficiles il est tout à fait naturel que la pensée gravite vers
le mode primal. C’est naturellement le cas du nourrisson, ou encore
de la personne âgée qui devient sénile, la maladie d’Alzheimer, comme cela l’est
aussi sous la pression extrême de la faim,
quand les conditions de vie sont dégradées au point que l’individu ne peut plus
avoir de pensée dans son esprit que de sa seule survie. Tant qu’il n’y aura pas
de satisfaction des besoins élémentaires, le beige ne peut envisager un niveau
de conscience supérieur au sien. En un sens, c’est ce type d’argumentation
voilée qui fait la force idéologique d’une doctrine comme celle du marxisme :
comment envisager une vie spirituelle digne de ce nom, tant que les besoins
primaires ne sont pas comblés ? Et puis, n’est-ce pas politiquement la manière
la plus violente de soumettre un peuple que de le maintenir à ce stade de simple
survie ?
La
pensée primale, comme les autres niveaux, possède son
imaginaire propre et
ses valeurs.
On la retrouve dans l’image de Tarzan, dans les films à tendance fortement
survivalistes comme Into the wild,
dans toutes les productions jouant sur la force de
l’individu combattant des monstres pour exister. C’est la quintessence de la
doctrine des darwinistes, struggle for life,
« la lutte pour la vie » qui ne voit la Nature que comme un milieu dangereux où
l’homme devra se battre contre des créatures géantes, l’homme des cavernes face
au mammouth, avec des armes fabriquées de ses propres mains et l’usage du feu.
D’où les valeurs de la force, du courage, de l’ingéniosité dans les moyens de
survie.
Incontestablement, il existe des individus qui sont focalisés sur ce mode de
pensée primal, parce qu’ils se représentent
eux-mêmes de la même manière. Ils se
définissent uniquement comme un corps pourvu de besoins, dominé par des pulsions
qu’il faut satisfaire. En d’autres termes,
leur
image du moi est primale, elle
est identifiée au corps soumis à la pressions des instincts. Les marginaux qui
arpentent les grandes villes avec leurs chiens pensent « primal ». Les
survivalistes qui attendent fiévreusement le collapse de la civilisation et font
des stages pour apprendre l’usage des armes et des techniques de survie pensent
« primal ». Les agences de voyage proposent même des séjours tous frais compris
pour expérimenter la régression primale !
L’incitation à nourrir l’image
du moi avec un contenu primal est omniprésente dans nos médias. La télé réalité
adore ! Elle adore montrer la débrouille de la survie sur une île perdue autant
que la régression sexuelle qui tire la conscience vers le primal. Motif du
consommateur pour se réjouir car le frigo est bien rempli. Motif d’existence
dans le sexe. L’attachement vital est une grande force qui peut être mobilisée
et cela fait des siècles bien avant Freud que les traditions spirituelles
rappellent que la pulsion sexuelle est une grande puissance de domination. L’une
comme l’autre, peuvent être utilisé par les puissants.
Le
second niveau mental de l’humanité est le stade l’immersion dans la
pensée animiste. Par
l’adhésion culturelle à une pensée magique. Elle se traduit par un mode
d’existence tribal proche de la Nature, mais sur un
mode qui met l’accent sur le monde immanent des esprits partout présents. D’où
l’importance de toutes sortes de rituels pour apaiser les mauvais esprits et
convoquer les ancêtres. Sorts bienfaisants, sortilèges et malédictions. La
pensée animiste affirme de très solides liens du sang, l’esprit dominant du
clan,
ce qui implique des relations sous forme d’allégeance, un respect du chef de
clan, des règles strictes et des tabous aussi, une grande puissance des symboles
et l’usage d’objets magiques.
Les
théoriciens de la spirale dynamique estiment que les Violets animistes
représentent 10% de la population de l’humanité, mais ne disposent que de 1% du
pouvoir en ce monde. Il faut se tourner vers l’anthropologie pour entrer dans
l’univers mental de la pensée animiste. Lévi-Strauss pour appréhender la
« pensée sauvage ». Pierre Clastres pour la forme de chefferie et la distinction
nette du pouvoir politique d’Etat tel que nous
le connaissons en Occident et l’autorité traditionnelle.
Sur le
plan psychologique du développement de l’enfant, ce niveau correspond au stade
de 1 à 3 ans, de la pensée magique : la petite souris et du père Noël. Si tant
est que nous traversons tous normalement comme humain les stades de
développement, il y a bien un moment « magique » animiste chez l’enfant et il
existe toute une culture autour de la pensée magique. C’est encore le cas en
Occident, sauf qu’elle fait l’objet d’une récupération commerciale qui en tire
de larges profits. Les
contes, les légendes, le merveilleux et ses figures alimentent la filmographie
et le dessin animé et nous parlent de notre imaginaire collectif au stade le
plus grégaire.
L’individu qui pense sur un mode « animiste » a donc un imaginaire bien fourni.
Dans les sociétés traditionnelles ses valeurs tournent autour de la devise :
« contente les esprits, respecte les anciens et suit la tradition ». Un bon
exemple au cinéma : Les dieux sont tombés sur
la tête, avec les bushmen. Dans ce cas, on
remarquera que l’image du moi
est fortement socialisé, nous ne sommes donc pas du tout en régime
individualiste, comme
dans le monde postmoderne
où l’individu est coupé de la tradition. L’individu de la pensée animiste est
complètement immergé dans la tradition, il se définit à travers la tradition,
dans la place qui lui est dévolue dans le clan et il n’aurait pas idée de s’en
dissocier. L’image du moi est nourrie pas la tradition. Si la tradition est en
péril, il y a donc un grave problème d’identité. Les sociétés traditionnelles en
dehors de l’Occident sont en voie de disparition accélérée. On notera que
partout la conversion au mode de vie occidental s’est produit, sans que cela
n’entame le sens de l’identité des Violets qui se penseront encore eux-mêmes
dans une structure de clan traditionnel dans laquelle ils trouvent leurs
repères. On notera aussi que dans le monde politique actuel, la pensée tribale
est encore très présente, y compris dans des régiments qui présentent une façade
de démocratie. Derrière la façade, comme en Afghanistan, il y a la prédominance
de la structure tribale qui est bien plus réelle. D’où un conflit latent qui
tient à la manière dont l’individu se représente lui-même.
Notons que le regard qu’un individu violet
porte sur un beige est un peu celui que l’on porte sur l’animal. Il percevra les
autres Violets comme l’un d’entre eux. Par contre il sera, comme on va le voir,
impressionné par le pouvoir des Rouges. Il ne faut pas sous-estimer la mentalité
magique tribale. Elle ressurgit par exemple chez les jeunes des banlieues où les
bandes se reconstituent un modèle de clan, avec son langage et exhibitionnisme
magique dans des symboles.
Les théoriciens de la spirale
dynamique estiment que les Rouges représentent 20% de la population mondiale et
disposent de 5% du pouvoir. Les groupements Rouges sont nécessairement dirigés
par des personnalités autoritaires, voire des despotes ou des dictateurs, car
les Rouges n’apprécient rien moins que les rapports de force. Ils vénèrent
l’action directe, implacable et sans pitié. Ils détestent la valeur accordée au
sentiment, ils privilégient l’usage de la peur et ils rejettent l’amour. Leur
forme extrême aujourd’hui se montrent dans les mafias, les gangs, la hiérarchie
de domination dans les prisons. Mais la terreur pouvant prendre une forme
politique, le Rouge peut très bien devenir système politique ; quand il le
devient, il prend une allure féodale, façon game of throne. Une
excellente illustration de ce que représente la mentalité Rouge. Son imaginaire
et peuplé d’esprits magico-mythiques, de dragons, de forces bonnes et mauvaises
à prendre en compte. Le Rouge a besoin d’une arène pour combattre.
Sur le plan psychologique du
développement de l’enfant, ce stade apparaît entre 4 et 6 ans,
avec la structuration forte du sens de
l’ego. C’est l’âge ou l’enfant dit « non », « non », « non », où ce qui
est à moi, n’est pas à toi. L’ego en posture d’attaque. C’est dans sa nature. Au
collège les éducateurs le savent, il faut gérer des rapports entre des élèves
qui sont au stade « rouge ». D’où entre eux un discours où il est toujours
question de « plus fort que ». La volonté de puissance de l’ego, le côté
rebelle, y compris dans le comportement des filles. Dans l’image du moi
Rouge, il y a une affirmation musclée et un désir de reconnaissance puissant.
D’où à notre époque, la vénération « Rouge » pour le sport, l’esprit de
compétition où triomphe un « héros ». Comme les méchants Rouges dans
James Bond. Les mercenaires, Attila le chef des Uns, les rocks stars déjantées
typiquement Rouges, le roman Sa majesté les mouches.
Comme profil psychologique, le
rouge ne trouve de satisfaction que quand il sent qu’il domine et qu’il est
respecté. Il est extrêmement sensible à la honte et cherche les gratifications
de l’argent, du luxe, du sexe, y compris les stupéfiants. Il est clair que les
rouges ne peuvent voir les Bruns et les Violets que comme des esclaves, donc de
simples moyens, car ils ont un sens éminent de leur propre supériorité et ils
peuvent l’exercer contre les Bruns et Violets. C’est le schéma typique de la
guerre des conquistadors contre les peuples amérindiens au Brésil.
Les théoriciens de la spirale
dynamique estiment que les Bleus constituent environ 30% de la population
mondiale et détiennent 30% du pouvoir mondial. Un système dominant Bleu peut
très bien fonctionner dans une théocratie où l’organisation sera donc très
pyramidale. Très hiérarchisée. Les fondamentalistes musulmans/chiites sont tout
indiqués comme exemple, mais c’est aussi la position dans le monde de l’Église
catholique, comme celle des puritains américains Protestant, ou encore c’est
déjà dans l’esprit des Scouts. La lutte des antispéciste est Bleue. La liste est
largement ouverte.
Sur le plan psychologique du développement de l’enfant, ce stade apparaît entre 7 et 10 ans au moment où, après le « non », « non », l’enfant va se construire un système de valeurs très absolutiste qui peut différer de celui de ses parents, mais dont le jugem
----------------- L'accès à totalité de la leçon est protégé. Cliquer sur ce lien pour obtenir le dossier
© Philosophie et spiritualité, 2019, Serge Carfantan,
Accueil.
Télécharger.
Notions. (suite)
Le site Philosophie et spiritualité
autorise les emprunts de courtes citations des textes qu'il publie, mais vous devez mentionner vos sources en donnant le nom
de l'auteur et celui du livre en dessous du titre. Rappel : la version HTML n'est
qu'un brouillon. Demandez par mail la
version définitive, vous obtiendrez le dossier complet qui a servi à la
préparation de la leçon.