Leçon 15.   Les caractères de la mémoire    english flag     pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    Si la mémoire relève de l’esprit, comme la faculté de pensée, c’est que le souvenir est la pensée posée par le sujet dans le passé. La mémoire s’exerce sur le souvenir qui est son objet. Mais elle n’est pas seulement une persistance passive. Quand le sujet prend conscience de son passé, il prend un certain recul et se souvient. Se rappeler est un acte intentionnel particulier de l’esprit qui impose une prise de conscience spécifique, sinon le souvenir ne se distinguerait pas d’une hallucination affaiblie.

    Mais que signifie donc cette position de réalité du souvenir ? Au moment où le souvenir survient, j’assiste à un phénomène mental qui est présent, mais je sais qu’il se rapporte à une réalité à la fois absente et passée. Cela suppose que le souvenir s’est d’abord fixé, puis qu’il s’est conservé, enfin qu’il peut-être rappelé. Quelles fonctions assure la mémoire? La mémoire est-elle avant tout fixation du passé ? Ou est-elle plus essentiellement conservation ou bien rappel du passé ?

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A.  L’empreinte du temps

    Considérons d’abord la question de la fixation des souvenirs. Est-ce le moment clé de la mémoire ? Dans quelle mesure la fixation appartient-elle à notre conscience ? Est-elle spontanée ou résulte-t-elle d’un effort volontaire ?

    Il existe plusieurs formes de fixation des souvenirs. Si je marche dans la rue et que je croise une personne, pendant quelque secondes, son visage subsiste presque intact. Au bout d’une dizaine de secondes, l’image est partie et il est beaucoup plus difficile de la faire revenir. Pendant un temps très bref, une image accompagnant la perception a été fixée. C’est ce que l’on nomme le phénomène de rémanence de la perception, ou aussi la mémoire immédiate. C’est une fixation très légère, qui porte sur un temps très court. Il y a pourtant en elle comme une photographie très exacte de l’inconnu : sa démarche, son visage, ses vêtements. Cette mémoire immédiate n’est pas difficile à élucider. Elle accompagne la perception, dans le flux continu de la conscience. Nous avons déjà remarqué que la conscience est dans la vigilance temporelle et que cela implique que la perception et la mémoire viennent ensemble. S’il n’y avait pas de rémanence du perçu, rien de stable ne serait constitué au sein de la perception, il n’y aurait aucun noème perceptif. La perception enveloppe une dimension de mémoire sans laquelle elle n’est pas possible. (texte)

    ... de faire un effort pour fixer un savoir. Nous ne retenons immédiatement que très peu de chiffres : le plus souvent de 6 à 8, au-delà, il nous faut faire un effort. Cette forme de fixation est le corollaire de la perception dont elle est la trace fugitive. Cela ne suffit pourtant pas à constituer un souvenir durable. La fixation du souvenir relève-t-elle pour autant de l’effort ? Dans certains cas, c’est exact, notamment en ce qui concerne l’apprentissage par cœur d’un exercice. Au début, il faut y mettre une qualité de concentration exclusive, mais après avoir répété cent fois la même chose, on finit par la fixer nettement. Le musicien, pour mémoriser répète, répète, jusqu’à ce qu’il n’ait plus besoin de faire un effort pour déchiffrer la partition. Les doigts vont là où ils doivent aller, et il est alors possible de se libérer de l’effort pour porter toute son attention sur la musique et lui donner une âme dans une interprétation. Ce qui libère de l’effort, c’est l’intérêt que l’on trouve dans une action, un travail. Nous fixons profondément ce qui nous fascine, ce qui nous charme. Nous oublions facilement ce qui n’attire pas notre esprit. L’intérêt dépend de la qualité du plaisir, de la joie que l’on éprouve, car cette qualité qu’est la joie attire spontanément l’esprit. La mémoire obéit facilement au cœur, même quand elle se place sous la gouverne de l’intelligence. Une note sensible mobilise notre attention, et c’est dans ce rassemblement de la sensibilité que la fixation est la plus profonde.

    .... mécanique au point d’en n’être plus consciente, même à ses débuts. On a fondé des méthodes d’apprentissage se sur ce principe. L’hypnopédie, par laquelle on utilise un enregistrement magnétique d’un texte par exemple, pour l’écouter la nuit, suppose que dans le sommeil, un enregistrement mécanique inconscient a lieu. Et c’est bien ce qui se passe, avec un succès très relatif. Mettre un magnétophone derrière l’oreiller toute la nuit, est sensé aider l’apprentissage, en favorisant une fixation inconsciente dans la mémoire. Mais le procédé reste trop mécanique et n’est pas conscient, ce qui ne le rend pas intelligent. Et ce qui n’a pas été fixé intelligemment pourra-t-il rester vivace ? Non.

    De même, le conditionnement publicitaire s’entend à fixer dans le subconscient du consommateur des suggestions (sur fond d’une musique soporifique dans le supermarché !) le poussant à acheter telle ou telle chose. Nulle doute que cela fonctionne, sinon on n’investirait pas des sommes aussi énormes dans la publicité. Dans ce cas comme dans le précédent, il y a des résultats. Une fixation inconsciente est installée, soit sous la forme d’un savoir, soit dans une suggestion inconsciente du désir.

    ---------------La seule fixation intelligente est celle qui vient de la compréhension, corrélat d’une attention de l’intelligence accordée à son objet. Par exemple, si je dois apprendre une leçon de mathématiques, je n’ai pas beaucoup de peine à retenir un raisonnement si je l’ai bien compris. L’intelligence est d’ailleurs toujours là, pour pallier aux déficiences de la mémoire, en retrouvant une logique qui manque à un mémoire mécanique. J’aurais beaucoup plus de mal, si je dois apprendre par cœur sans vraiment avoir compris. Il peut y avoir une mémorisation mécanique, mais elle est très fragile et passablement stupide. L’attention de l...

    

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Questions:

1. Une mémoire exacte est-ce une mémoire "scientifique"?

2. La fixation des souvenirs dépend-t-elle de la volonté?

3. Faut-il mettre sur le même plan les traumatismes de la mémoire et le souvenir?

4. Comment se fait-il que la perte de mémoire retentisse sur la conscience de l'ego?

5. La forme obsessionnelle de la mémoire relève-t-elle de la conscience ou de l'inconscient?

6. Comment se fait-il que l'on puisse voir dans les souvenirs le passé et aussi une réalité intemporelle?

7. Pourquoi vouloir à tout prix considérer la mémoire comme une armoire avec des tiroirs?

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   © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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