La représentation que l’homme se donne de la Nature (texte) détermine la relation qu’il noue avec elle. Curieusement, nous pensons le naturel et la Nature par des voies différentes. Le naturel, c’est ce qui est encore à l’état « sauvage », ce qui n’est pas encore domestiqué par la culture. Cela peut-être aussi l’animalité en l’homme et si la nature en l’homme est le siège de l’animalité et de l’instinct, il faut alors d’évidence la résorber.
Or, la Nature, c’est aussi le cosmos, c’est la totalité que forment ensemble les être vivants. C’est une chose toute différente de la percevoir comme un système d’équilibre qui permet la promotion de la vie, que de penser le naturel à partir de l’instinctif. Et c’est encore une idée différente que nous procure la science depuis Descartes en nous invitant à découvrir dans la Nature les rouages d’une machinerie cosmique aveugle, sans intelligence, mais régie seulement par les lois que la science découvre.
Qu’est ce que la Nature ? Est-il seulement possible de concilier de quelque manière les points de vue si distincts et si opposés que nous avons sur elle ? C’est presque comme si, à l'égard de la représentation de la Nature, le quiproquo était constant, que l’on avait toujours à l’esprit des idées différentes quand on parle de la Nature.
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Le mot nature se prend en deux sens principaux, à savoir son sens individualisé et son sens cosmologique.
1) Que veut-on dire tout d’abord quand on parle de nature d’une chose ? On entend par là le principe qui lui est inné, qui fait que la chose est ce qu’elle est. Nous disons qu’il est dans la nature du feu de brûler, de l’eau de mouiller. Sans cette qualité, le feu ne serait pas le feu, et l’eau ne serait pas l’eau. Sur le plan inerte, il y a déjà une nature et elle désigne les propriétés propres à une substance. Ces propriétés ne sont pas interchangeables. Si le lait peut-être transformé en fromage, l’argile en pot, on ne peut pas voir le lait se transformer en pot de terre ni la terre faire du fromage ! Chaque chose possède donc, en fonction de sa nature, un devenir qui lui appartient en propre et qui n’est pas le devenir d’une autre chose qui posséderait une nature différente. La nature, comme le montre Aristote, est donc logiquement de ce point de vue déjà un sujet doté d’attributs. (texte) Cf. Physique.
Mais il y a plus. La nature d’une chose peut aussi désigner la nature d’une chose vivante. Ce que nous venons de dire doit alors être complété. Il est dans la nature du bouton de rose de devenir la rose. Il est dans la nature de la fleur de devenir le fruit. La fleur du pommier donne le fruit, le fruit qu’est la pomme qui chute à terre peut pourrir et le pépin devenir à nouveau le pommier etc. Quand nous disons qu’il est dans la nature de la fleur de devenir le fruit, nous sous-entendons l’idée d’un principe vital qui anime la plante pour la faire devenir ce qu’elle doit être. La nature de la graine est le principe de sa croissance et de son évolution ultérieure, dans un processus séquentiel de développement où rien n’est laissé entièrement au hasard. Elle devient germe, tige, branche, feuille arbre etc. Puis, cette nature s’involue à nouveau dans la graine et le cycle recommence. La graine est le siège de virtualités innées qui se déploient dans le temps et ces virtualités sont sa nature. (texte)
Il nous arrive aussi de parler de la nature de Pierre et de Paul. Nous disons que l’un a peut-être une nature artiste, que l’autre a une nature très active, qu’un troisième a une nature mélancolique. En parlant de la sorte, nous caractérisons surtout le tempérament de l’un ou de l’autre. Nous raisonnons avec l’idée selon laquelle on ne peut changer radicalement les dispositions naturelles de quelqu’un de sorte qu’il y a toujours un fond de "nature" qui caractérise chacun en propre. Nous raisonnons avec l’idée qu’il y a principe stable constitutif des qualités de Pierre ou de Paul et qui le fait devenir ce qu’il est.
--------------- principe stable qui travaille une chose de l’intérieur pour la faire devenir conformément à sa nature, que celle-ci soit inerte, vivante ou même pensante. C’est exactement ce point de vue que l’on rencontre dans le système d’Aristote.
2) Mais le mot Nature peut aussi être envisagé sur un plan plus général, c’est la Nature comme cosmos. Du principe intérieur, la Nature devient un principe extérieur, l’espace cohérent qui donne à chaque chose le lieu qui lui revient. La Nature est l’ensemble des choses qui existent dans un ordre précis, un Cosmos et non pas dans un chaos inorganisé. (texte) C’est cet ordre de la Nature qui donne la flore et la faune d’une région donnée, l’unité et la diversité des espèces. C’est aussi cet ordre qui impose les rythmes naturels, le rythme des saisons, celui de la reproduction, de l’équilibre entre toutes les espèces vivantes. C’est lui qui fait que chaque espèce vivante possède son milieu propre par lequel et dans lequel elle peut prospérer. Par notre régime alimentaire, par les cycles du sommeil, par nos besoins élémentaires nous sommes, que nous le voulions ou non, soumis à la Nature. Nos traditions elles-mêmes ont un enracinement dans les conditions géographique et climatiques de notre pays. C'est ce type de représentation de la Nature que nous retrouvons dans toutes nos références écologiques. Sans elle, l’idée de vivre en accord avec la Nature n’aurait guère de sens. On ne peut concevoir de vie en accord avec la Nature que si la Nature contient déjà un certain ordre que la sagesse nous invite à respecter et cet ordre n’est pas seulement une prescription individuelle, mais concerne aussi la totalité ...
... à notre insu dans une représentation de la Nature qui a pris une forme historique précise dans philosophie d’Aristote, mais que l'on retrouve aussi dans d'autres traditions. En grec la Nature est
fusis, c’est à dire à la fois l’idée du principe conduisant le développement d’un être vivant et l’ensemble des choses présentant un ordre tou pantos fusis. Le mot fusis vient du verbe fuein qui signifie croître. La fusis conduit donc toutes choses de l’intérieur, comme elle ordonne aussi l’Univers. Elle fait en sorte que se réalisent des modèles (celui de la marguerite, comme de l’écureuil) ou des types parfaits. La plante tend vers sa fin qui est le fruit comme vers son accomplissement, sa perfection propre. D’un autre côté, la Nature forme un tout harmonieux qui soutient et promeut la vie, un tout qui conspire vers le Bien.Est-ce à dire pourtant que dans la Nature rien ne soit artificiel ? Comment marquer la différence entre les choses naturelles et les objets artificiels ? L’animal, la plante, les éléments tels que l’Eau, la Terre, le Feu, l’Air, existent par nature. Cela signifie qu’ils possèdent en eux-mêmes le mouvement et la fixité. Ce n’est certes pas l’homme qui fait l’érosion de la montagne, qui fait que la pluie s’écoule etc. Tout change et se modifie sans cesse et de manière naturelle. Aussi est-il tout à fait juste d’assigner à chaque chose le lieu qui lui est propre. Le centre de la Terre est le lieu vers lequel tendent les corps lourds. Le feu lui monte vers le haut. La fougère pousse dans les sous-bois. Le coquelicot aime le soleil. Par contre ce n’est pas la nature qui fait apparaître le lit ou bien le manteau. Si j’enfouis dans la terre un lit, il ne va pas se développer pour donner comme fruit des lits ! Le devenir de l’objet artificiel est le devenir de ses composants naturels et pas de son tout en tant qu’objet. Le bois du lit va pou
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Questions:
1. "Le lait peut devenir du caillé et faire du fromage, par l'eau", traduit autrement comment pourrait-on formuler cette assertion?
2. "C'est une illusion de croire que l'on pourra arriver changer quelqu'un d'autre", traduit autrement comment pourrait-on formuler cette assertion?
3. Quelle est représentation du temps implicite dans le finalisme?
4. Quelle représentation du temps est implicite dans le mécanisme?
5. Quelles sont les implications philosophique que l'on peut tirer du paradigme de l'univers conçu comme une grande horloge?
6. Par rapport au modèle mécaniste, quel est l'apport fondamental de la vision systémique?
7. La dénaturation de la vie humaine est-elle le sous-produit d'une culture ou bien le résultat d'un déséquilibre écologique dû à la technique ?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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