Pour l’homme-vital qui ne cherche que la satisfaction du plaisir immédiat, les mots bien et mal ont une consonance gênante. Il aimerait pouvoir profiter de l’existence, sans qu’on lui dise que ceci ou cela est mal, en étant libéré des hésitations et des remises en causes morales. Mais est-il possible à un être humain de vivre sans se poser la question du bien et du mal ? N’est-ce pas se tromper soi-même que d’essayer de se maintenir dans l’inconscience ?
Or très souvent, l’inconscience nous rend complice d’actes qui sont destructeurs. Nous devons constamment faire des choix et prendre des décisions. Pour cela il faut délibérer. L’homme vital est en nous, mais il est soumis à l’homme-mental. Il ne peut pas nier sa propre conscience et sa pensée. Et cet homme qui pense a besoin de repères du bien et du mal, de principes sûrs de ce qui est bien ou de ce qui est mal. En d’autres termes, pour juger, il nous faut des critères. Mais où les trouver ?
Sur quels critères nous appuyer pour distinguer le bien et du mal ? * *
*
Partons de la conscience commune et de la manière dont elle envisage la question du bien et du mal. La morale est présente dans la conscience commune dans les mœurs, les comportements mesurés par des normes morales, tels qu’on les considère à l’intérieur d’une culture donnée. Les mœurs ne sont pas une morale. Ils supposent pourtant des règles de ce qui est « bien» ou de ce qui est « mal ». (texte)
a) Pour la plupart des hommes, quand se pose le problème de savoir ce qui est bien ou mal, c’est auprès de la
tradition qu’il faut
aller chercher refuge. Ou encore, nous nous rapportons aux mœurs tels qu’ils
existent en les considérant comme des normes. On se fie d’abord à « ce qui se
fait » et « ce qui ne se fait pas ». Il y a des comportements socialement
admissibles et ils indiquent le « bien » et des comportement inadmissibles qui indiquent le "mal". Nous nous servons en cela du jugement commun, du jugement des autres pour décider du bien et du mal. Le souci du « qu'en dira-t-on » nous porte au conformisme et le conformisme nous ramène vers l’ordre établi. Dans la société traditionnelle, la
comparaison était plus fine. Dans un cas difficile on allait vers les hommes du passé. On consultait les anciens du village pour leur demander conseil.
(texte) Il est en effet important que subsiste un lien et même un courant de sagesse entre la génération ancienne et la génération nouvelle.
La génération la plus âgée fait figure d’autorité en matière de morale et il est normal d’aller lui demander conseil. Parce que les hommes qui ont beaucoup vécu ont davantage d’expérience, ils peuvent éduquer les générations nouvelles. Leur jugement possède une maturité, la génération nouvelle est beaucoup plus à la merci de l’actuel.
Or dans notre monde postmoderne, les traditions ont perdu leur autorité.
Sous les feux de l’actuel, nous sommes étourdis, nous n’avons pas le recul ni
le jugement nécessaire. Consulter la tradition pourrait nous aider, mais qui a
vraiment foi dans la tradition ? Consulter la tradition, c’est se référer à des
valeurs qui possèdent l’avantage de la durée, à des valeurs qui ne sont pas
éphémères. Mais ce que nous privilégions, c’est le conformisme de
l'immédiat.
Seulement, faire comme toute le monde, est-ce forcément bien faire ? Le conformisme est-il
lui-même moral ?
b) De la même manière, pour ceux qui ont une certaine culture, l’exemple des grands hommes fournit des modèles de rectitude du comportement à l’égard de ce qui est bien ou mal. Nous avons dans notre histoire des héros de la morale, de Socrate, à Épictète, de Gandhi à Martin Luther King. Chaque culture possède ses autorités morales. Nous pouvons nous tourner vers ces hommes illustres pour nous demander ce qu’ils auraient fait à notre place. Nous pouvons penser un problème d’aujourd’hui à travers une vision qui possède une haute stature morale. Nous pouvons nous demander comment un stoïcien aurait résolu le problème de conscience que nous pouvons rencontrer, comme Gandhi aurait analysé la situation des injustices actuelles et quelle serait alors la décision juste. Mais là aussi, suffit-il de s’appuyer sur une autorité pour discerner le bien et le mal ?
c) Ce qui constitue encore par excellence une référence traditionnelle sur le plan des critères du bien et du mal pour la conscience commune, c’est la
religion. Le fidèle d’une confession religieuse voit la loi morale comme une loi sacrée. Antigone, dans la pièce de Sophocle, revendique le caractère sacré de la loi morale, contre les impératifs posés par Créon, l’autorité politique. Créon avait interdit d’ensevelir le frère d’Antigone, parce qu’il était
traître à sa patrie. Antigone vient mettre de la terre sur son corps par devoir moral. Les lois éternelles des dieux veulent que l’on respecte les morts. L’autorité en matière de bien et de mal vient de la religion et la moralité conduit Antigone à violer la loi de l’État. Toute religion pose pour ses fidèles des interdits et des prescriptions. La conscience religieuse voit dans l’immoralité le péché
(texte) et dans l’accomplissement du devoir l’obéissance à un commandement divin. La conscience religieuse interprète la question morale en terme d’exigence religieuse pour le salut de l’âme.
Pour le fidèle, l’autorité des
Écritures est un critère suprême. Il possède grâce à elle des repères. Consulter les préceptes de sa religion, c’est disposer de critères du bien et du mal.
Vivre en homme religieux, c’est
aussi essayer d’appliquer des principes à sa vie,
ceux du christianisme, de l’islam, du judaïsme etc. La religion est le plus
souvent perçue comme une morale concrète ou sa garantie (texte).
L'inconvénient, c'est que le caractère sacré du devoir et la référence religieuse sont pour la plupart d'entre nous peu convaincants. La modernité de nos sociétés s'est bâtie en cherchant à émanciper la morale de la religion. Notre morale est d'abord laïque, même si elle peut aussi recevoir l'appui d'une autorité religieuse. Avec les religions, nous sommes placés devant des autorités relatives. Il y a beaucoup de doctrines religieuses différentes et d’une religion à l’autre les critères du bien et du mal, les justifications fondamentales ne sont pas les mêmes. Il ne nous semble plus du tout évident aujourd'hui, comme cela pouvait l'être au XVIII ème, qu'en dehors de la religion, il n'y a pas de morale ; au contraire, nous admettons que la morale dans son essence transcende les croyances religieuses. La modernité a rejeté la nécessité du lien entre morale et religion.
d) Que reste-t-il quand la tradition a perdu sa place, quand l’influence des grands hommes ne parle plus à la conscience commune, quand la religion a cessé de revêtir le caractère d’une autorité ? Que reste-t-il quand les hommes n’ont même plus conscience de ce que représente la morale ? Il reste au moins la
référence à la loi
! Posons la question aux adolescents d’aujourd’hui : Comment distinguer le bien et le mal ? Nous ne pouvons pas être vraiment surpris d'entendre
: « le bien c’est ce qui est permis, le mal ce qui est
défendu » ; sous-entendu : « c’est la loi qui dit ce qui est bien ou ce qui est mal et la loi,
et la loi nous est imposée par la société ». La morale est vue comme une contrainte nécessaire à laquelle il faut se plier, comme on doit se plier aux contraintes imposées par la loi.
Certes, voir dans la loi une indication du bien et du mal n’est pas inexact. La loi s’appuie
effectivement sur une morale, la morale civique. Rester en accord avec la loi du pays dans lequel on vit est un minimum que nous puissions faire pour tout de même rester intègre. En général,
rester en accord avec la loi, est déjà un degré de moralité, mais c'est une indication du bien et du mal
qui reste très vague. Mais là encore, la difficulté revient. N’y a-t-il pas une différence entre ce qui est
légal et ce qui est moral ?
Chaque situation de la vie est unique et particulière,. Des principes trop généraux ne nous aident pas suffisamment. Nous ne pouvons pas non plus simplement imiter des exemples pour nous acheter une bonne conscience. L’imitation n’est pas une vertu morale, ni une justification. Les religions ont une autorité à l’égard de leurs fidèles, mais elles ne vont pas au-delà. Elles reposent sur des codes différents. Nous ne pouvons pas attendre de les étudier toutes pour en faire une synthèse avant de délibérer d’un parti à prendre. La loi elle-même n’est qu’une aide bien vague. Elle ne couvre pas toutes les situations de la vie. Il arrive aussi que la loi soit jugée comme immorale. Dans ce cas, il est évident que l’on ne peut pas s’appuyer sur la loi pour en dénoncer le mal. Où est le critère qui jugera alors la loi ? De quel point de vue juger ?
On peut toujours dire que c’est la société qui fournit la morale. La moralité est une obligation sociale. Examinons l’interprétation sociologique de la morale.
1) On admet que c’est à la société de formuler dans ses règles ce qui lui est avantageux ou néfaste. Il est assez commun de regarder le bien comme ce qui est socialement
utile et le mal, comme ce qui est socialement
nuisible.
(texte)
cf.
John Stuart Mill
L'utilitarisme. Cela signifie que la morale se ramène à un ensemble de règles sociales à ce que l’on nomme les
mœurs. La morale est de ce point de vue un
phénomène social, au même titre que les rites, les coutumes, le langage, la politesse etc. Les caractères du devoir sont sociaux : le devoir est collectif parce qu’il s’impose à tous les membre d’un même groupe d’individus et il est coercitif, puisqu’il impose des exigences assorties de sanctions. Pour
Durkheim, la conscience morale individuelle est en fait l’écho de la
conscience collective en nous. Les règles sociales font toute la morale et ce qui parle en nous dans l’exigence du bien, c’est la voix de la sauvegarde de la société. La conscience collective domine la conscience individuelle et lui impose ses devoirs. C’est bien l’appréhension la plus courante que nous ayons de la morale, quand nous pensons que la société nous « impose » une morale.
La conscience commune voit dans la société une
autorité extérieure devant laquelle il faut s’incliner. Au fond, cette reconnaissance de l’autorité sociale est aussi à l’œuvre dans la considération du jugement d’autrui. C’est un peu
comme si
le sentiment du bien ou du mal impliquait nécessairement le regard des autres sur soi
et un sens aigu de la culpabilité. Du fond de soi la conscience morale se dirait : « Je ne peux tout de même pas faire cela. Ce n’est pas bien. Qu’en dira-t-on ? je vais attirer sur moi la honte et la réprobation ». Dès lors, rester dans les limites de la morale reviendrait à rester en conformité avec les mœurs, ce qui signifierait implicitement respecter le principe de conservation qu’est l’utilité sociale. La coutume collective se présente comme une obligation morale.
Mais comme les sociétés sont diverses, la conscience morale varie selon les
types de croyances en vigueur dans les différentes sociétés. Il est de ce point
de vue hors de question de penser que la moralité soit la même dans différents
pays et à différentes époques. Problème: Les mœurs changent aussi bien dans l’espace
que dans le temps, mais ils demeurent soumis à un principe : ils comportent
des règles sociales qui contribuent à la nécessité de la conservation de la
société. La société se protège en soumettant l’individu à des règles et ces
règles ne peuvent pas prendre naissance dans les humeurs changeantes des
individus, elles viennent de la société. (texte).
Auguste Comte, admet que l’individu n’est rien, seul existe l’Humanité. L’individu est défini par sa fonction sociale et il doit assurer le bon fonctionnement de la collectivité. Il n’est estimable que dans la mesure où il est une sorte de rouage de la grande machine sociale. En bref, pour Comte, il n’a que des devoirs et pas de droits. Les devoirs ont leurs fondements dans le service rendu à la société. La société consacre les devoirs en les posant comme des commandements qui transcendent l’individu et qui lui sont imposés du dehors. Cette transcendance du devoir, le religieux la voit lui comme transcendance du sacré par apport au profane. Le citoyen doit lui y voir des impératifs au service de l’État. Le sociologue parlera alors de transcendance de la société par rapport aux individus. Aussi peut-on admettre que le bien et l’utilité sociale coïncident. Ce qui est utile globalement à la société sera le bien, ce qui n’est pas utile, ce qui se révèle néfaste pour tous sera le mal. Il existe un consensus pour admettre en théorie que ce qui est utile globalement à la société est le bien, ce qui n’est pas utile, ce qui se révèle néfaste pour tous est un mal. La morale sera alors affaire de calcul utilitaire pour le bien de tous. (texte)
Cette interprétation de la morale a été très en vogue au XIX ème siècle. Nous avons vu pourtant toute l’ambiguïté du concept d’
utilité. (texte) Les normes de l’utilité peuvent varier suivant la conception que l’on en donne, ouvrant directement la voix à l’opportunisme. (texte) Or concrètement, l’éthique n’est pas affaire de calculs mais de principes et de rectitude de la part de celui qui tient à des critères sûres et n’en dévie pas pour calculer une quelconque utilité. L’homme-éthique s’en tient à son principe du bien et à sa vision du bien, en essayant de régler sa conduite sur sa vision. Certes, l’utilité n’est pas étrangère au bien, mais elle ne peut constituer l’essence du bien.De plus, si la morale est d’essence sociale, le conformisme en est nécessairement la règle. Mais comment ne pas voir que justement c’est la remise en cause d’un conformisme est bien souvent une conduite authentiquement morale ? Le conformisme peut-être immoral, quand il entre dans une compromission avec la corruption ambiante. « Faire comme tout le monde », peut parfois impliquer être complice du mal. Nous n’avons aucune garantie, en restant en accord avec les mœurs de notre temps, de rester pour autant intègres. La grandeur morale va souvent de pair avec le conflit (texte) avec les règles établies. Prenons l’exemple de Socrate. S’il nous semble un héros de la morale, c’est parce qu’il s’élève contre Athènes et dénonce sa corruption. Le conformisme est du côté de ses accusateurs, qui ont partie liée avec les sophistes. Le plus difficile, c’est qu'en plus, le parti pris de la révolte, s’il est irréfléchi, s’il répond à des motivations égocentriques, peut ne pas être non plus du côté du bien. Tout dépend des motivations qui sont en jeu. Une révolte qui ne ferait que tomber dans un autre conformisme à rebours trahira sans aspiration au bien et à la justice : même trahison de la recherche du bien dans l’inertie du conformisme ambiant. Il est exact que la société repose sur des règles et qu’elle soumet chacun à ses devoirs. Il n’existe pas de société sans règles. Mais en même temps, la société est un théâtre de conflits d’intérêts où l’individu est déchiré entre des devoirs différents. Mon devoir de père, n’est pas mon devoir de membre d’une association, mes devoirs d’électeur sont autre chose que mes devoirs à l’égard de la communauté à laquelle j’appartiens. « Suivre la morale » c’est bien, oui mais laquelle ? Il n’y a pas de règle visible de ce que peut vouloir signifier « utilité de tous » et encore moins de consensus « social » autour de ce que l’homme doit faire ou ne pas faire. On voit aussitôt le paradoxe : comment la morale pourrait-elle venir de la société ? Comment pourrions-nous nous contenter d’obéir à la société si de toute manière elle est divisée contre elle-même ? Comment pourrait-elle se poser comme autorité de la morale ? C’est bien le contraire. C’est au nom de la morale que nous jugeons la société et même, c'est au nom de notre sens moral que nous éprouvons ce drame d'avoir le sentiment de vivre perdu dans un monde sans règles.
Notre sens moral précède les mœurs que nous avons autour de nous comme référence. Si nous pouvons juger moralement la société, c’est qu’en réalité la norme morale ne vient pas de la société. Il n’y a pas de consensus social évident en faveur de ce qui serait « la » morale. La société rejette l’individu sur ses responsabilités, mais le laisse aussi dans la confusion. Une morale, ce n’est pas les mœurs, tels qu’ils ont court, c’est un idéal ce qui devrait être, si les hommes étaient moralement intègres. Les mœurs ne reflètent que l’état de fait, pas du tout à un idéal. Le bien et le mal ne peuvent pas se ramener à ce qui est bon ou mauvais selon les opinions en cours. En tant qu’homme, nous ne pouvons pas ne pas aspirer à un monde où le Bien serait la règle, ou le mal serait repoussé au loin. Une morale, c’est une manière de rattacher notre conduite à la norme du bien, ce qui suppose est une aspiration à un bien commun.
Mais une aspiration au bien n’est pas une connaissance du bien. Nous voyons bien que le fait de suivre nos impulsions, nos humeurs ne nous met pas pour autant dans la direction du bien. La réalité que nous rencontrons dans toutes les situations de l’expérience, c’est une complexité où le bien et le mal sont mêlés. Bien et mal sont des termes relatifs. Bien et mal n'ont pas d'existence au sens de l'existence des choses. Leur appréciation dépend du point de vue que nous adoptons. Parmi ce que nous tirons de la nature, aucune chose n’est absolument bonne, aucune chose n’est absolument mauvaise. Notre raison est limitée dans ses vues, comparée au champ d’influence immense de l’action. Comment donc pourrions-nous savoir ce qui est bien où mal? Suffit-il d'avoir de bonnes intentions? (texte)
Il est nécessaire de déterminer les formes du mal, ne serait-ce que par les conséquences de l'action. Le mal peut prendre trois formes :
1) Il y a le mal physique, celui qui engendre la douleur, celui qui défigure, qui blesse dans la chair, celui qui mutile, qui tue. Toute action qui porte atteinte à l’intégrité d’un être, sème le mal et détruit. On dit en ce sens « avoir mal » au sujet d’une blessure physique.
2) Il y a le mal moral qui répand la souffrance, qui engendre l’humiliation, la honte, et même qui prend plaisir de la souffrance qu’il procure. C’est le mal de la perversion morale, du goût du vice et de la corruption morale. On dit en ce sens « faire du mal ». La religion interprète le mal moral comme péché.
3) Il y a enfin le
mal métaphysique qui résulte de l’imperfection de fait du monde, de l'imperfection des hommes et de l'imperfection des actes. C'est de là que vient le sentiment de malheur que nous ressentons devant les limites de la condition humaine. Il ne nous est pas difficile en ce sens d’imaginer un monde meilleur, un monde plus parfait que ce monde imparfait. Les
religions judéo-chrétiennes interprètent le mal métaphysique comme péché originel
attaché à la création tout entière.
Je peux essayer d'éviter d'avoir mal, de faire du mal à moi comme aux autres, essayer d'accepter les limites. Cependant, dans l'action concrète, il reste que la portée de l’action m'échappe. Personne ne peut prévoir avec certitude l’issue de toutes ses décisions et de tous ses actes. Il est possible qu’une décision donne un résultat qui soit dans l’immédiat favorable et que les conséquences en soient dramatiques et qu’elles entraînent de la souffrance. Inversement, ce qui se présente d’abord sous la forme d’un mal apparent peut fort bien se révéler par la suite être un bien. Une opération chirurgicale peut faire mal et se révéler cependant salutaire. Il est possible que ce qui est perçu par les uns comme un bien soit d’un autre point de vue un mal. Le soleil prolongé réjouit le promeneur, comme il peut désoler le paysan qui attend la pluie avec anxiété. (texte) Comment donc savoir ce qui bien ou mal ?
On ne peut tout de même pas rester là à attendre une certitude qui nous tomberait du ciel. Il faut bien agir, il faut tous les jours prendre des décisions. Nous ne pouvons pas attendre de certitude absolue, car l’action n’attend pas. (texte) Nous sommes obligés de décider, sans avoir une évidence pleine et entière, de faire pour le mieux par rapport à ce que notre entendement est capable de connaître
, comme l’explique Descartes. Nous devons nous contenter parfois ce qui nous semble le meilleur, suivant une simple probabilité favorable et c’est tout. Le mieux, c'est donc de choisir ce qui nous semble le plus raisonnable. Au moins d'éviter les excès.
Nous pouvons suivre des règles très générales qui sont de
bon sens : Il est bien de ne nuire à personne et mal de porter préjudice à quelqu’un. Il est bon de voir dans les autres le bien plutôt que d’y chercher systématiquement le mal. Il vaut mieux ne pas chercher à reprocher à quelqu’un ses faiblesses et son mauvais comportement et plutôt porter son attention sur ce qu’il y a en lui de bon. C’est un bien d’aimer les autres et un mal de les haïr. C’est un bien que d’être généreux et un mal que de s’installer dans un état de continuelle revendication et d’être désagréable. Il est bon de dire la
vérité, mais tout en ayant soin de ne pas porter préjudice à qui que ce soit. Il est indispensable de ne faire de
tort à personne, c’est le moins que nous puissions faire, le mieux étant d’exercer une influence harmonieuse faite de bonté, de douceur et d’entraide.
Partons donc d'un principe simple : le bien est ce qui contribue à la promotion de la Vie, le mal, ce qui tend à la détruire et à la nier. De là un sens pour une évolution de la conscience humaine, car nous pouvons lire le progrès comme une évolution (texte) vers un plus grand bien. Il y a une évolution vers un mieux quand il y un mouvement vers une perfection plus grande, quand la douleur se convertit en joie, quand la Vie trouve le bonheur dans sa propre expansion. Mais là encore, des principes généraux ne suffisent pas, car les décisions sont toujours particulières. Ils ne m'indiquent pas ce que je dois faire, ici et maintenant. Je peux me tromper, suivre ce que je crois être un bien en poursuivant ce qui se révèle plus tard un mal. L'important, c'est surtout que je fasse un usage intègre et conscient de la liberté qui m'est donnée. Si je suis libre de faire le pire comme le meilleur, il importe d'avoir assez de cœur et d'intelligence pour aller dans la direction du meilleur et de rejeter le pire.
* *
*
Il n'y a pas de réponse toute faite à la question de savoir où est le bien et où est le mal. (texte) La question du bien et du mal rejette directement chaque homme sur lui-même et met en cause l’usage qu’il fait de sa liberté. Personne d’autre que nous-mêmes ne peut en juger. La conscience morale n’est pas une chose dont on puisse déléguer l’autorité. La décision morale ne s’accomplit pas dans la précipitation et l’impulsion irréfléchie. Il est nécessaire qu’une réflexion morale soit présente dans les circonstances de la vie pour guider nos choix.
Nous pouvons trouver autour de nous des indications précieuses, mais il reste que notre situation d’expérience est unique, comme chaque instant est unique et doit convoquer une réponse juste, exacte, aussi exacte que la situation d’expérience elle-même. Il n’est pas facile de déterminer où est le bien. Les principes généraux ne recouvrent pas toutes les situations particulières. Mais il est indispensable de peser nos décisions devant notre propre conscience, car l'inconscience elle-même est l'autorisation donnée au pire. Pourtant, il y a une chose que nous pouvons peut-être déterminer clairement, c'est le
devoir.* *
*
Questions:
1. Est-ce de manière accidentelle que le conformisme peut être immoral?
2. Dans quelle mesure la tradition est-elle un appui pour le jugement moral?
3. Pourquoi la confusion entretenue entre « légal » et « moral » est-elle inquiétante?
4. Cette idée de Durkheim de la conscience morale comme « voix de la société en nous » a-t-elle un réel contenu intuitif ou bien est-ce une simple théorie pour expliquer la notion de devoir?
5. Le drame de notre monde contemporain, n’est-ce pas le sentiment qu’il n’y a plus de règles?
6.. Le bien et le mal peuvent-ils se mesurer à ce que subjectivement je trouve bien ou mal?
7. Pourquoi n’y a-t-il pas d’évidence en matière de morale?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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