Nous pourrions
individuellement nous vanter de mener une vie confortable, d’avoir
réussi sur le plan du travail, de conserver une piété religieuse, d’avoir
une moralité irréprochable, ou un sens esthétique raffiné et des valeurs
intellectuelles solides. Il n’est pas certain pour autant que le sens de
la relation y trouve son compte. C’est même souvent le point faible des
personnalités les plus
fortes dont on dit qu'ils ont réussi. Le sujet qui fait montre d’un
QI élevé peut très bien en même temps être asocial, voire être
un autiste de la communication. Bref, le QI ne rime pas avec le QR (quotient
relationnel).
Notre époque connaît une extraordinaire débâcle relationnelle. L’homme postmoderne vit replié sur lui-même, il profite de bien des avantages que la société lui offre, mais il communique peu ou mal. Il vit dans l’isolement, car ce sont les processus égocentriques qui font naître son isolement. Il vit aussi dans un déchirement relationnel constant, en reportant indéfiniment ses attentes sur l’autre, en espérant que le prochain amour comblera ce que le précédent a déçu. Ce qui semble invariablement mener d’illusion en illusion, ou bien conduire à cette situation de désespoir tranquille qui résume le plus souvent la vie de couple aujourd’hui.
Nous pourrions examiner ce qu’il en est de la relation entre les peuples et les cultures et le constat serait le même. La relation constitue dans notre société un problème majeur. Même si nous avions réussi à résoudre tous les autres, il resterait celui-là. Et on peut oser retourner la formule : peut être est-ce parce que nous n’avons pas réussi à résoudre celui-là que nous avons aussi tous les autres ! Qu’est-ce qui ne va pas dans notre sens de la relation ? Qu’est-ce qu’une relation humaine accomplie ? Le dysfonctionnement relationnel est-il seulement lié au contexte de nos mentalités ? Il est vrai que l’hyper individualisme de notre temps est peu propice à l’accomplissement de la relation. Nos échecs sont-ils une conséquence, le dernier effondrement de notre égocentrisme viscéral ? Ou bien sommes-nous victimes de toute une série d’illusions qui font échouer nos relations ?
Pour l'instant, ne prenons pas en compte ce qui a été dit plus haut pour en rester à ce que peut dire l'opinion. Nous pensons communément que le but de la relation est de trouver la joie, le bonheur et l’épanouissement dans le partage de la vie avec un autre. Il faut maudire notre solitude, la défaire, aller vers les autres, car ce n’est qu’hors de soi que l’on peut trouver ce qui nous rendra heureux. Nous avons besoin des autres et la solitude est un repli sur soi dont on doit sortir, pour exploser dans la relation à l’autre. Essayons de donner sa voix à cet implicite très présent dans l’attitude naturelle. Selon les croyances communes, qu’est-ce qu’une relation sérieuse ? Si nous mettions au grand jour les croyances inconscientes sous-jacentes à la plupart de nos comportements cela donnerait à peu de choses près à ceci : (texte)
1) Prosopopée de l'attachement : « La
solitude existe là sans que l’on y soit pour rien. Elle vient avec notre vie
dans ce monde. On n’est rien sans les autres et on entre dans le monde au milieu
des autres ; mais, comme le autres n’ont d’abord de souci que pour lui-même, il
nous faut lutter pour détourner leur attention vers nous. Il faut appeler
l’autre dans la relation. Soi-même on ne représente rien. Il nous faut quelque
chose d’autre ou quelqu’un d’autre pour mettre fin à notre solitude et à notre
malaise. Nous débarquons dans le monde perdu, étranger, égaré et il faut bien
que les autres nous reconnaissent tel que nous sommes et entendent notre appel.
S’il y a bien une chose que je puis exiger de l’autre, c’est qu’il m‘écoute, me
réponde et me porte secours. C’est ce que veut dire responsabilité. C’est le
sens premier de la dignité de la personne que d’être une individualité capable
de réponse. Un être humain n’est pas un pot de fleur, il peut être interpellé,
il peut répondre à l’appel d’un autre être humain. Donc me répondre. On naît
faible et dépendant, comme de hasard, dans un monde incertain.
________________________________
engager dans la relation». (texte)
2) Voilà qui est dit. Il vaut mieux dire tout haut ce que l'on pense tout bas, cela met nos croyances inconscientes en lumière. Nous comprenons mieux l’insistance de la religion sur la fidélité et en général l’interprétation moralisante de la religion. La religion apporte le poids de son autorité et se porte garant de la fidélité de la relation devant Dieu. Elle fait de la satisfaction des besoins une relation sacrée. La faute par excellence est toujours une faute dans la relation, la faute c’est l’infidélité. L’infidélité à la promesse dans la relation. Dans l’Islam le pêcheur, le fautif, le traître, c’est l’infidèle. Il est dit que Dieu lui-même a des besoins que l’homme doit satisfaire et que s’il ne les satisfait pas, la malédiction va s’abattre sur lui. Si l’homme est maudit, c’est d’avoir renié son engagement envers Dieu. S’il est sauvé, c’est de renouveler l’engagement de sa relation à Dieu. Or cet engagement se traduit par le fait même de devoir se consacrer à la sécurité de l’autre en s’engageant dans une relation éthique et pas seulement passionnelle. Ce qui est une relation dite "sérieuse". (document)
Inutile de développer d’avantage, chacun apercevra de lui-même, dans le bagage de ses idées reçues, cousu à l’intérieur de la représentation commune, ce fil des croyances sous-jacentes à nos comportements les plus habituels.
Comment recevons-nous cette interprétation de la relation? Quelques options :
a) Nous pouvons constater autour de nous avec stupéfaction que ce type de discours est parfois admis en bloc, sans l’ombre d’une critique. C’est même un propos assez banal, celui d’un conformisme intégral. Banal dans l’intégrisme religieux, mais aussi très largement reçu l'homme du devoir, à la manière de Kant.
b) Il est possible que nous ayons cessé d’adhérer à l’ensemble de ces présupposés, mais ce serait de la mauvaise foi que de soutenir que nous ne les avons jamais partagés. Nous y avons tous cru à un moment ou un autre. Le conditionnement social reçu dès l’enfance y a soigneusement contribué.
c) Le libertin en un sens adhère aussi d’une certaine manière à ce type de discours et c’est pourquoi il choisit délibérément la fuite : la licence de faire tout ce qui lui plaît, au mépris de la relation. Entrer dans une relation sérieuse, ce serait renoncer à sa liberté, accepter la cage et ses barreaux dorés. Plutôt n’écouter que ses désirs et n’avoir pour guide que l’empire conquérant de sa liberté. Pensons à La non-demande en mariage de Georges Brassens.
Faut-il inscrire la crise des relations dans un contexte plus large, celui des
mentalités de notre époque ? Est-ce une question « sociologique » ?
(texte) Ce serait
une tentative adroite de relativiser le problème des relations vers le «
social » en général. Les analystes les plus lucides de notre temps s’accordent à
reconnaître que la postmodernité est en proie à une situation de crise
relationnelle inédite. Notre époque confond tous les repères, brouille toutes
les relations et retourne allègrement toutes les valeurs. Alors, au milieu des
familles recomposées, des divorces à répétition, des familles monoparentales, des
couples à la dérive, on se cramponne comme on peut et on se débat pour trouver
des assurances où on croit pouvoir en trouver. L’hyper
individualisme postmoderne
a mis l’ego sur un piédestal. Moi se montre, moi s’exhibe, se met en valeur, moi
se démonte, se démystifie, se dénigre, mais moi est toujours là, y compris quand il
fait une véritable fixation sur l’autre. A partir du moment où le culte des
apparences est une préoccupation furieuse et où l’ego a une place aussi
importante, il y a bien peu de chance que les relations se portent bien.
Gilles
Lipovetsky dans
L’Ere du
Vide note que le sujet-consommateur finit par
tout mettre sur le même plan. Consommer-jeter. Une relation amoureuse, cela se
consomme et cela se jette, comme une barquette de frittes et une canette de
soda. Le sexe, c’est de la consommation rapide, comme la cigarette. A partir du
moment où le culte du plaisir est devenu la seule valeur prédominante, le sens
d’une relation morale est délétère. Nous sommes, selon un autre tire de
Lipovetsky à l’ère du
Crépuscule du devoir. Seulement, la boulimie
consommative renforce la frustration, elle fragilise les plus faibles, elle
exaspère les tensions sociales. Elle suscite la colère à l’égard de ceux qui ont
le privilège de pouvoir vivre des fantasmes que le commun des mortels doit se
contenter de regarder à la télé.
Laissons les généralités
sociologiques. Il y a un certain nombre de questions fondamentales auxquelles il
faut répondre :
Faut-il identifier la solitude avec l’isolement ? On peut
accuser la « société », mais ne sommes-nous pas pour quelque chose dans notre
isolement ? N’y a-t-il pas des processus qui conduisent à l’isolement et le
renforcent ? Que nous soyons interdépendant, cela, personne n’en doute, mais
l’interdépendance et la dépendance, est-ce bien la même chose ? Entrer dans
la
relation, en exigeant la satisfaction d’un
désir de reconnaissance, n’est-ce pas
la meilleure façon de la saboter ? Ce qui est essentiel dans la relation, est-ce
ce qu’on en retire, ou n’est-ce pas plutôt ce qu’on lui apporte ? La
responsabilité n’est-t-elle pas une expression de l’auto-référence ? Ou encore,
la responsabilité, n’est-ce pas surtout le lien auquel je me donne, plutôt
que le profit que j’en retire ? Le propre de l’irresponsabilité, n’est-ce pas de
se dégager soi-même de toute relation ? Est-il bien exact de dire qu’une
relation doit être « construite » ? N’est-elle pas toujours déjà-là, en sorte
que ce qui compte, c’est surtout de la vivre ? Etre relié à un autre, est-ce la
même chose que de le ligoter ? Peut-on vraiment trancher dans la valeur des
relations ? Et si toutes les relations étaient sacrées ? Et si la solidarité
n’avait en fait rien à voir avec la dépendance mutuelle liée au besoin ? Et si
l’amour n’avait rien à voir avec l’attachement ? Et si aimer voulait précisément
dire donner de soi sans attente, (texte) sans tractation, sans espoir de retour ? Et si
l’amour était un don et non pas un échange ? Et si le « contrat de mariage »
religieux et public, fondé sur le seul désir de sécurisation, était une
imposture ? Et si la demande d’un amour exclusif et l’incarcération de la
liberté qui s’ensuit, étaient la meilleure manière de tuer l’amour ? Et si l’amour
et la liberté par essence allaient toujours ensemble ? Et si nous découvrions
brusquement que ce qui grandit une relation, c’est justement de pouvoir
l’aborder sans demande ni exigence ? Et si la caution d’autorité de la religion
qui présuppose en Dieu des « besoins » était fondée sur une mécompréhension ?
Qu’est-ce que la relation ? Être relié veut dire ne pas être séparé, ne pas être
coupé de. La relation est l’unité, la séparation introduit une division. La
relation veut dire retrouver l’unité en cessant d’introduire une division dans
ce qui est par nature inséparable. Il est intéressant de noter que le mot
religion est formé de la même manière : ce qui lie à nouveau. La religion est
originellement la restauration du lien sacré avec la vie et précisément, la vie
est relation.
La relation humaine a le même sens : être relié à l‘autre, c’est ne pas être
séparé et qu’il n’y donc aucun obstacle qui introduise une division là où règne
la non-séparation, l’unité. Dans un premier temps, nous devons nous interroger
sur cet état d’unité ou de division.
1) Le terrain sur lequel la relation humaine s’établit, c’est
celui de la commune présence au niveau du
sentiment. Être relié veut dire être
affectivement présent dans la relation. Ce qui veut dire aussi habiter la vie,
telle qu’elle se donne à chaque instant. Empruntons quelques formulations à
Krishnamurti dans La Relation de l’Homme au Monde : « Notre vie telle
qu’elle est, notre vie de tous les jours, est faite de relations. La vie est
relation. Être relié suppose un contact, non seulement physique, mais
psychologique, affectif, intellectuel. Il ne peut y avoir de relation sans
grande affection. Il n’existe aucun lien entre vous et moi si ce qui existe
entre nous est purement intellectuel, verbal ; cela, ce n’est pas une relation.
Il n’y a relation que s’il y a sens
un contact, de la communication, de la
communion, ce qui suppose une affection immense » (texte).
La relation intellectuelle est toujours seconde. La première
relation est affective. La relation intellectuelle est créée par la pensée, mais
ce n’est pas la pensée qui me met en relation. La relation est, avant que la
pensée ne l’interprète, elle est parce que la vie est par nature relation. La
relation est sensible et être en relation, c’est d’abord être accessible et
vulnérable. « Je suis relié à vous, cela veut dire que je peux vous toucher,
réellement, physiquement ou mentalement. Nous nous rencontrons, il n’y a pas
d’obstacle entre nous. Il y a un contact immédiat, de même que je peux toucher
ce micro ». Les enfants sont étonnants. Ils n’érigent pas de séparations. Un
enfant vous regarde droit dans les yeux et n’interpose rien dans la relation.
L’enfant serait prêt à embrasser tout le monde, là où l’adulte mettra la
politesse, les convenances, l’étiquette et le protocole. Bref, l’enfant est
naturel et spontané dans la relation, ce que nous ne sommes pas. La plupart
d’entre nous œuvrons en permanence pour établir une enceinte inabordable. C’est
un fait que nous ne remarquons pas souvent, mais, à y regarder de près, la
plupart des personnes que nous côtoyons autour de nous sont
inaccessibles. Dans
le texte cité précédemment : «
Regardez-vous, non tel que vous devriez être, mais tel que vous êtes. Vous êtes
tellement inabordable, chacun à sa façon, car vous avez tant d’obstacles,
d’idées, de tempéraments, d’expériences, de malheurs, de soucis, de
préoccupations. Votre activité quotidienne vous isole constamment ». La plupart
des hommes vivent dans une bulle mentale et ne sortent que rarement de la
réclusion dans leurs pensées. Chacun vit dans son
monde de pensées. Rarement
dans le monde de la vie. Loin, très loin. La personne est là physiquement, mais
mentalement, elle est ailleurs et parfois, il semble que nous ne pourrons jamais
l’atteindre. Nous vivons dans ce somnambulisme relationnel, parfois jusqu’à
l’autisme. En tout cas, la pathologie mentale le montre assez bien, on peut
couper les ponts avec le monde jusqu’à ignorer l’existence même des autres.
Nos activités égocentriques nous isolent et nous ne sommes
pas disponibles. Mais ce n’est pas tout. Il est évident que la relation n’existe
que dans la disponibilité et même la fraîcheur nouvelle de chaque instant. Ce
qui ôte encore la disponibilité et enlève la spontanéité, c’est que nous
rencontrons autrui en interposant le plus souvent une image de l’autre. C’est un
point sur lequel revient très souvent Krishnamurti. Si je côtoie un vieux
monsieur sur le marché sans savoir qui il est, je le rencontre comme un être
humain. Simplement. Mais voici que l’on me fait un signe :
« C’est A, acteur
célèbre !», « c’est B réalisateur très connu !». Et ma pensée se met en
mouvement à une vitesse folle. Je deviens fébrile et maladroit : vous pensez, je
suis en présence de A ou B ! Je me comporte maintenant par rapport à l’image de
l’autre. Je me comporte comme un individu qui est en présence d’une célébrité.
La relation a perdu de sa simplicité et de sa chaleur. Elle est devenue
compliquée, elle est mesurée par la pensée et préjugée par elle. Sans aller
chercher un exemple exceptionnel, nous pouvons remarquer que l’interposition de
l’image joue son rôle de manière constante dans la vie quotidienne : je
rencontre une caissière au supermarché, un étudiant, un propriétaire foncier, un
client, un voisin etc. Je modèle ma conduite sur un concept spécifique et la
relation prend un tour convenu. L’acteur ou le réalisateur est un peu déçu de ce
revirement, il préférait peut être l’anonymat, mais il peut reprendre son
rôle
et retrouver le petit plaisir de la flatterie admirative et y trouver son
compte. Mais la relation est perdue, elle est devenue très compliquée et on ne
communiquera plus désormais que par image interposée. Cela va jusqu’à la
relation proche de la femme et de son mari. Même si tout commence dans le
contact immédiat, « dans les relations humaines, ce contact immédiat n’existe
pas, parce que vous, le mari ou la femme, vous vous faites une image de la femme
ou du mari ».
La question est donc : est-il possible de vivre en relation
sans faire intervenir l’image de l’autre ? Cela signifie vivre la relation.
Pouvons-nous aborder la relation en dehors de toute idée et de toute image ? De
manière neuve, sans faire intervenir un présupposé (ce type est un délinquant,
un juif, un palestinien, un américain, un touriste, un …) A tout le moins, nous
pouvons prendre conscience de notre manière de fonctionner dans la relation. La
relation consciente, lucide change la donne. La connaissance de soi dans la
relation met au jour ce qui d’ordinaire fonctionne comme un schéma répétitif. La
relation à autrui est un extraordinaire instrument de
connaissance de soi. «
Vous ne pouvez vous connaître que par rapport à votre vie de tous les jours ».
C’est dans la prise de conscience que l’action véritable s’inaugure. « Etre
conscient de tout le contenu de la relation, c'est cela, l'action, et à partir
de cette action une véritable relation devient possible, et il devient possible
d'en découvrir la profondeur, la signification immenses ». La relation nous tend
un miroir où nous pouvons observer ce que nous sommes, où nous pouvons, non pas
faire des efforts pour nous montrer sous tel ou tel jour, mais nous révéler à
nous-mêmes. « Toute relation est comme un miroir qui nous fait percevoir
clairement ce qui tordu et ce qui est droit ». « Il est vrai que l’on se révèle
souvent aux autres mais qu’est-ce qui est important, de se voir tel que l’on est
ou de se montrer à un autre ? »
2) Le second point important concerne la
réponse à
l’intérieur de la relation. « Qui dit relation dit répondre. Le sens radical de
ce mot, pas de ce que nous en avons fait, veut dire répondre complètement à un
autre, comme dans la responsabilité. Nous arrive-t-il jamais de nous répondre
complètement les uns aux autres, ou est-ce toujours des réponses fragmentaires,
une réponse partielle ? Si c’est une réponse partielle, fragmentaire, pourquoi ?
»
La réponse à autrui est aussi une déclaration de soi, la
déclaration de qui je suis dans la relation et elle est une réponse au mouvement
de la vie, ici et maintenant, dans le contexte
de la situation d’expérience qui est la mienne (texte). A l’intérieur des relations humaines, une réponse inadéquate,
partielle, insuffisante, crée le non-dit et perpétue les germes du conflit.
Jouer le jeu de la relation signifie être entier dans chaque réponse et à chaque
instant, dans les plus petites choses comme dans les plus grandes. « La relation
est la réponse au mouvement de la vie. La vie nous pose un défi constant et
lorsque la réponse est insuffisante, il y a conflit. Mais en répondant de façon
immédiate, réelle et adéquate au conflit, on parvient à la plénitude. C’est dans
cette réponse adéquate donnée au conflit que réside sa cessation. Il est donc
important de se comprendre… la plus grande importance revient à ce que vous êtes
dans la vie : non à quoi vous pensez ou sur quoi vous avez des théories, mais
votre conduite envers votre femme, votre mari, vos enfants, vos employés ».
Répondre est un acte à sens unique et qui n’attend pas de retour, car c’est une
création dans l’instant. La réciprocité de la réponse n’est pas son objet. Elle
ne concerne que l’autre et pas moi. Ce qui importe, c’est de demeurer dans
l’ouverture consciente et de répondre à la provocation de la vie. Sans différer.
Sans demi-mesure. Sans dérobade. Sans fuite en avant sous la forme de
l’agression. Répondre dans une déclaration de soi. Ce qui n’est qu’un autre nom
pour une dimension oubliée de la relation, celle de l’amour.
Qu’est-ce qui vient court-circuiter une réponse juste,
complète ? Le travail souterrain du
concept, de la
demande et de la
possession. La demande joue un rôle essentiel,
car c’est à travers elle que se développent la plupart des dysfonctionnements
relationnels et le processus de la dépendance. Si j’entre dans une relation pour
obtenir quelque chose (et non pour apporter quelque chose), je me mets illico
dans la transe obsessionnelle et la fixation de l’attente. L’autre est sommé de
satisfaire mes exigences et s’il ne le fait pas, j’entre dans le cycle de
la déception, de la frustration et du ressentiment. Il est important de noter
qu’en l’absence d’une compréhension profonde de ces processus, nous interprétons
la réponse en terme d’attente. Que ce soit un conditionnement culturel ou pas,
qu’importe. Le fait est là : si l’autre se doit de « répondre », c’est
conformément à mes attentes. Or l’attente de satisfaction et la réponse
juste,
sont deux processus bien différents. Les identifier conduit droit au dépit
amoureux. Si j’impose à l’aimé(e) le fardeau de mes attentes, il/elle ne pourra
jamais le porter ! Il/elle s’enfuira aussi vite que possible. Il/elle verra en
moi un manque qu’il/elle ne pourra jamais remplir, même si il/elle essayait !
C’est invariablement ce qui se produit quand la relation se fonde sur un désir,
un besoin vital ou psychologique. C’est ce que nous appelons d’ordinaire
l’amour, mais que nous ferions mieux d’appeler l’attachement. Dans
l’attachement, et son auto-développement comme amour-passion, il n’y a bien des
fantasmes, mais pas de relation réelle et moins encore de
communion. Il y
a surtout une prédation affective, cf.
Alquié
Le Désir d'Éternité (texte) une consommation de l’autre et la recherche
d’un profit affectif.
Donc, encore une fois, sous la forme de question : « Est-il
possible que la relation s’établisse en dehors de toute idée, demande ou
possession ? Pouvons-nous être les uns avec les autres en communion –ce qui est
la véritable relation à tous les divers niveaux de conscience- si notre relation
passe par un désir, un besoin physique ou psychologique ? » En d’autres termes,
pouvons-nous vivre la relation pour ce qu’elle est, une rencontre, une rencontre
qui, bien sûr, se situe dans l’interdépendance de ce qui est, mais qui
n’est pas pour autant une dépendance. Pouvons-nous vivre la relation sans
exigence? L’interdépendance est un fait, elle est la Vie elle-même, en
tant que relation, la dépendance par contre est un problème introduit
dans la relation. « Vous ne pouvez vivre dans l’isolement : exister, c’est
être en relation avec autrui. De sorte que notre problème, est que la relation
avec autrui qui est cause de conflit, s’accompagne de détresse et de
malheurs constants ». Il ne faut pas suivre le cynisme de
Sartre. L’enfer, ce
n’est pas « les autres ». La relation n’est pas d’emblée conflictuelle, elle est
produite comme conflictuelle. La relation ne devient infernale que parce
qu’elle est déterminée dès le départ par de mauvaises raisons, raisons qui
produisent et perpétuent son dysfonctionnement.
La question est donc de comprendre quel est le but véritable de la relation.
L’opinion répond que c’est de « trouver » la joie et l’accomplissement. On le
dit gentiment, avec de la candeur et de la sincérité, mais c’est une erreur. Le
but de la relation n’est pas de « trouver » la joie et l’accomplissement, mais
de créer la joie et l’accomplissement. Cela a en fait très peu de rapport
avec un autre en particulier, mais beaucoup de rapport avec soi. Celui qui veut
trouver est par définition condamné à perpétuellement
chercher. Il
s’est auto-persuadé par avance qu’il ne disposait pas de ce qu’il cherche, il
s’est auto-persuadé qu’il manquait de
quelque chose qui se trouvait quelque part ailleurs et comme par magie (du
prince charmant et de la belle au bois dormant) dans un être extraordinaire, «
l’autre ». Nous n’essayerions jamais de « trouver », si ce que nous cherchions
était déjà là. Le but de la relation est de créer à deux, de devenir co-créateur
de notre réalité ; ce qui importe, ce n’est pas ce que nous sommes sensé «
trouver » dans la relation, mais ce que nous sommes capable d’apporter à
la relation. Dans le premier cas, nous sommes dans la relation faible, vide et
dépendant, dans le second, nous sommes créateur, ce qui est très
différent. Comprendre que nous sommes créateur de nos relations personnelles,
c’est déjà participer de la puissance, de la
plénitude de l’auto-référence
de la Vie. Si nous sommes en relation avec autrui, c’est pour partager notre
plénitude, ce n’est pas pour vampiriser l’affectivité d’un autre et combler un
manque que nous nous sommes proprement inventé : celui du « besoin de l’autre ».
1) Les relations humaines ne sont pas un « moyen »
d’épanouissement souhaitable, désirable ou enviable. Le but de l’expérience de
la relation, n’est pas de combler des « besoins », mais de recréer à neuf ce que
nous sommes en co-création avec l’autre et nous ne pouvons créer qu’à partir de
ce que nous sommes. Et nous sommes la Vie elle-même dans sa perpétuelle donation
à soi. L’idée que j’ai besoin de quelqu’un en particulier pour obtenir ce que la
relation est sensée donner - cet étrange objet qu’est « le
bonheur » (dont personne ne peut dire en quoi il
consiste objectivement !) - amène un extraordinaire dysfonctionnement dans la
relation, car elle créée d’emblée une condition, la condition dans
laquelle une personne dépend d’une autre pour être heureuse et c’est
précisément ce qui nous rend malheureux. Il est très romantique de penser
que je n’étais rien avant la venue de l’autre. Mais c’est faux et c’est une
illusion désastreuse. En outre,
nous
n’avons pas conscience de l’énorme
pression que la demande impose à l’autre. Nous lui imposons en fait d’être
l’incarnation de toutes sortes de fantasmes. Plus grave, nous lui imposons
fondamentalement, d’être ce qu’il n’est pas. La demande crée une
illusion, l’illusion accomplit une
subversion ontologique. Dans un premier temps, bien sûr, l’autre fera
beaucoup d’efforts pour être ceci ou cela, à notre convenance, jusqu’à ce que la
coupe soit pleine et qu’il en ait assez. Ne pouvant plus remplir tous les rôles
auxquels il a été assigné, l’autre finit par ressentir amertume et frustration,
la frustration de ne pouvoir accomplir ce qu’il est. D’être aimé tel qu’il est.
La frustration engendre la colère et de la colère engendre la violence. Afin de
parvenir à se sauver d’une relation pénible, celui dont nous attendions tout,
celui dans lequel nous avions mis tant d’espoirs, revient à ce qu’il est
vraiment. On dit « il a changé », « elle a changé » ! Réaction ignorante. Il
est seulement redevenu lui-même ! Ce qu’il aurait pu rester si la relation
avait été fondée sur des bases saines.
C’était un mirage romantique que de croire que depuis qu’il
était entré dans notre vie, nous nous sentions complet. L’illusion ici, était de
croire que le but de la relation était de trouver quelqu’un avec qui nous
pourrions nous « compléter ». Mais c’est
exactement l’inverse qui se produit, car ce que l’attachement finit pas
découvrir, c’est que dans la relation nous sommes devenu moins complet
qu’auparavant. Moins vivant, moins créateur, moins libre, moins enthousiaste
etc. que lorsque nous étions célibataire. Nous avons abandonné une part de
nous-mêmes pour trouver une prétendue sécurité avec un autre, tout en croyant
trouver la complétude ! ! Il y a une erreur depuis le début. Le but de la
relation n’est pas la fusion avec un autre, le but de la
relation c’est d’avoir quelqu’un d’autre avec qui partager notre plénitude. La
recherche fusionnelle n’est pas l’unité
vraie de la vie. Le paradoxe extraordinaire
de la relation, c’est que nous
n’avons besoin de personne en particulier pour faire l’expérience de notre
plénitude, mais sans quelqu’un d’autre, la plénitude ne trouve pas à s’exprimer
et il semble alors que sans l’autre je ne suis rien.
Il est assez difficile d’assumer pareil paradoxe qui est
celui de la Vie elle-même. Nous sommes socialement très mal préparés à le
comprendre et nous ne sommes pas assez lucides pour tirer une leçon des
expériences de nos échecs répétés. Sans la compréhension des processus engagés
dans la relation, il est inévitable que en venions à reproduire les mêmes
schémas. Alors, il ne reste plus, à partir de bases fausses, qu’à tirer des
conclusions cyniques : l’amour ne dure que trois ans dit Beigbeder !
Trois ans d’illusions avant de récidiver trois autres années d’illusions, pour
récidiver etc. Ou bien trente ans de désespoir tranquille, quand, ayant perdu
tout enthousiasme, on finit par faire de la fatalité une vertu. Nous sommes à la
roue, dans une constante épreuve : mesurer à quel point l’autre est à la hauteur
de nos attentes. Mesurer à quel point nous avons été à la hauteur des siennes.
Et à la fin, les comptes sont clairs et c’est toujours le même résultat :
personne n’est à la hauteur ! Les attentes gâchent les relations humaines.
On nous a dit et répété que pour mettre fin à nos tendances
égocentriques, il fallait ne pas tenir compte de soi et donner tout pour
l’autre, ce que nous avons parfois compris comme voulant dire nous renier en
faveur de l’autre. Bref, la relation doit être fondée sur une
obligation. Or ce
jeu consistant à faire une véritable obsession de l’autre, au nom du
devoir, ne fait lui aussi
qu’accroître la confusion. Nous en venons à nous soucier exclusivement de ce que
l’autre pense, de ce qu’il croit, de ce de ce qu’il dit, ce qu’il fait, de ce
qu’il attend, ce qu’il exige et planifie. Il ne s’agit plus que de se mettre à
son service, ce qui est la porte ouverte à toutes sortes de manipulations. Bien
content sera en face celui qui trouve là un moyen de servir ses intérêts, en
profitant des services qu’on lui offre avec un dévouement de chien battu.
L’obsession de l’autre n’est pas un service, mais une servitude.
Elle met l’un dans la dépendance, et elle empêche l’autre de faire l'expérience
immense du don de soi. La dénégation du soi réassure la tyrannie égocentrique
vis-à-vis de l’autre. Puisque nous sommes dans le masochisme et les relations
tordues, il faut aussi observer qu’en pareil cas, nous fonctionnons en relation
dans un incroyable déficit d’estime
de soi. Une pensée sourde trotte dans la tête : « Il faut que j’aime
l’autre pour qu’on m’aime, alors, alors seulement, je serais digne d’être aimé…
et je pourrais m’aimer ». En vérité, c’est parce que nous nous détestons
nous-mêmes que nous avons entrepris de nous sacrifier jusqu’au martyre. Par
devoir ! Alors tout devient épouvantablement compliqué. Le
manipulateur
s’interroge : « on me témoigne de l’amour, étrange, c’est louche… qu’est ce que
cela cache ? Non, non, il doit y avoir erreur… Il essaie de me manipuler.
Comment pourrait-on m’aimer moi, tel que je suis ? Moi, indigne et insipide.
Non, c’est impossible. Il y a fraude. Je ne me laisserai pas faire… je vais
l’éprouver. ». Évidemment, cette pensée subconsciente est mère de toutes sortes
de pensées filles, les enfants de la perversité : « il va falloir qu’il fasse ses
preuves ! Il faut qu’il change son comportement pour moi, qu’il me suive et
m’obéisse ». Ensuite, une fois qu’il s’est mis à croire qu’il pouvait être aimé,
il y a l’étape suivante dans laquelle il se demande « mais combien de temps
vais-je pouvoir garder cet amour ? Comment puis-je assurer cette affection ? La
conserver pour moi seul ?». Parvenue à ce terme, la relation est tombée dans un
bourbier infernal. Chacun s’y est perdu, car le fait même de se concentrer
exclusivement sur l’autre et d’instaurer une relation unilatérale a conduit la
relation vers l’échec.
2) La seule épreuve de la relation est celle que je m’impose moi-même et le plus
difficile est de savoir dans quelle mesure j’ai pu produire dans la relation
l’expérience la plus élevée de ce que je suis. Conscience. Dans cet espace, il n’y a pas de
relation superficielle et de relations privilégiées, il n’y a pas non plus de
personne ou de circonstances sans importance et toutes les relations sont
sacrées.
Sur la question de l’échec des relations, il faudrait opérer
une remise en question de notre mode de pensée habituel. Les jugements que nous
prononçons sur les situations de la vie en terme de bon ou mauvais sont
relatifs. Dans le jugement de valeur, rien n’a de sens
à part celui qui nous lui accordons à partir des choix que nous pouvons faire et
des décisions que nous pouvons prendre. Nous décrétons le
bien et le mal à partir de nos attentes,
nos croyances et de nos préférences. Si nous n’acceptons pas une situation, nous
dirons, « c’est horrible, je suis traumatisé » et nous ferons alors
immanquablement l’expérience correspondante. Mais en un sens, il faudrait se
souvenir que toute expérience fait partie du scénario de l’âme et peut être que
sur ce plan là, il n’existe pas réellement d’échec. Si nous avions conscience du
processus de croissance de la conscience, nous verrions peut être sa perfection
et nous pourrions rire et
danser là où aujourd’hui nous ne faisons que nous
lamenter contre des « coups du sort », haïr ceux qui nous rendent l’existence
impossible ou envier ceux qui « réussissent ». Ruminer dans nos relations
l’amertume et la défaite contre ce qui est, en regard de ce qui « devait être »,
selon la mesure de nos fantasmes les plus brillants, c’est peut-être passer à
côté de ce que la relation a pu nous apprendre.
La relation est une occasion extraordinaire de manifester ce que
nous sommes et un défi constant, car elle me met immédiatement en présence de la
vie. Nous pouvons toujours croire que les choses seraient plus simples si nous
évitions toute rencontre. On peut filer dans un endroit paisible, trouver une
caverne et faire une retraite, mais nos problèmes nous suivrons partout, parce
qu’ils prennent naissance en nous-mêmes. Ils se manifestent avec la plus grande
acuité dans la relation à autrui et c’est en fait le meilleur endroit pour les
affronter. L’autre n’est pas la « cause », de nos difficultés relationnelles,
mais l’occasion par laquelle elles se manifestent à nouveau. Il serait sur ce
plan intéressant d’observer que, dans nos difficultés, la plupart d’entre nous
fonctionnons à partir de la répétition
d’un modèle. Ce n’est certainement pas par
hasard si nous attirons vers nous
certaines personnes pour retrouver les mêmes angoisses, les mêmes craintes et
les mêmes déceptions.
Encore une fois, la relation commence, se développe et
s’achève dans le Soi. Elle est bien plus qu’un processus de recherche d’une
improbable satisfaction : elle est à chaque instant et de manière toujours
différente, une création. Si j’aborde la relation dans la perspective d’une
attente, il y a très peu de chance qu’elle puisse être un accomplissement, car
je ne découvrirai dans la relation que ce que j’aurais pu y mettre et non pas y
chercher. Quand on cherche, on cherche de l’autre ; une relation dominée par
l’attente, est hantée par l’altérité. Inversement, quand
nous abordons la relation comme une création, ce qui importe, c’est ce que je
suis dans la relation, le soi ; ce qui transforme, ce qui bouleverse, ce qui
grandit la relation est une création de soi par soi. C’est dans l’âme que se
joue la relation.
___________________________________
Ce qui nous rend réellement heureux, c’est de pouvoir à chaque
instant faire l’expérience de notre vraie nature. Ainsi, la relation n’a jamais
pour fin de « trouver » l’accomplissement, ni de trouver la joie, ni de trouver
le bonheur, mais de partager mon accomplissement, ma joie et mon bonheur.
Selon le mot d’Alain dans les Propos sur le Bonheur, «
Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d'autrui; mais on ne dit pas
assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est
encore d'être heureux ». C’est sur ce point que nous avons l’esprit très
embrouillé, car on nous a appris que ce n’était pas bien de penser à soi, que
c’était de l’égocentrisme ! Bref, c’est bien d’aimer les autres, mais mal de
s’aimer soi-même ! Non. La vérité, c’est qu’il est hautement recommandé de
s’inclure soi-même dans l’éventail de ceux vers qui nous ouvrons les bras ! Il
est aussi important de donner à l’amour de soi une amplitude qui va très au-delà
des limites factices de l’ego. Et l’amour de soi
n’est pas l’amour-propre. L’amour de soi
jamais ne portera préjudice à quiconque, car l’amour
de soi n’est rien d’autre que l’amour que la Vie se porte à elle-même. C’est
assez radical à comprendre mais d’un point de vue de conscience élevé, ce que
l’autre est en train de faire, de dire, de vouloir, d’exiger n’a aucune
importance. Ce qui importe, c’est ce que je suis dans cette situation
d’expérience. La personne la plus aimante sera toujours celle qui est centrée
sur le Soi. L’amour n’exige rien,
il donne sans attendre de retour et il trouve sa joie dans le fait même de se
donner. Il n'est pas conditionnel comme l'est l'attente.
* *
*
La relation est aussi complexe qu’est la vie elle-même. Elle
exige une réponse juste du soi, elle exige que le soi demeure soi, tout en
trouvant en lui-même la puissance de création que toute relation exige. Il ne
s’agit plus sur ce terrain de question intellectuelle, mais de mise en jeu de
l’affectivité. C’est sur ce plan là que nous sommes le plus faible et aussi le
plus fort. Le cœur est faible parce que par essence il ne peut que passivement
s’éprouver lui-même dans la donation du sentiment. Le sentiment est le langage
de l’âme. Écouter ses sentiments, c’est écouter son âme. Nous souffrons de ne
pas écouter l’âme et de continuer à servir nos pensées, à construire nos mirages
pour tenter de rentrer de force une réalité dans un modèle qui ne lui conviendra
jamais. L’autre n’est ni ce que j’imagine, ni ce que je souhaite et il n’est pas
débarqué du fond de l’univers sur ma petite planète personnelle seulement pour
me servir. L’autre est libre et c’est en lui accordant sa
liberté d’être ce qu’il est que je puis
connaître avec lui la plénitude de la relation. L’amour n’enlève pas la liberté,
il l‘accorde. Aimer c’est glorifier la liberté de l’autre. Le mystère, c’est que
c’est justement quand nous donnons de l’amour sans rien attendre que nous
pouvons aussi en recevoir. Parce que nous ne l’avons justement pas cherché.
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© Philosophie et spiritualité, 2005, Serge Carfantan,
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