Tout au long des leçons précédentes, nous avons souligné à quel point depuis des décennies l’économie à pris le pas sur la politique. Il n’est aujourd’hui de langage, de programme politique, d’idéologie que dans le registre des sirènes de l’économie. Le bien de tous a cessé d’être envisagé dans un idéal ouvert sur le développement d’un plus un haut niveau de conscience de l’humanité, des conditions de vie décente pour tous, un degré élevé d’intégrité, la contribution au bien être humain au sens large, un niveau d’éducation plus étendue, ou une richesse de culture. Ne demeure qu’une rengaine obsessionnelle, un concept coulé dans une pensée unique… « le taux de croissance ».
Il s’agit en fait de la manifestation extérieure, de ce qui sourdement se déroule de l’intérieur. Une emprise du pouvoir de l’argent qui est devenue telle qu’elle dicte partout les conditions de l’action politique. Mais jusqu’où et à quel degré ?
Par exemple, on a tout fait pour « satisfaire le marché », mais il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas voir justement que cela ne marche pas, que nous sommes en situation d’échec qui conduit tout droit vers une faillite généralisée. L’expression qui revient le plus souvent chez les commentateurs qui sortent de la langue de bois officielle, c’est : « on va droit dans le mur ». Dans ces conditions, comment comprendre l’obstination des dirigeants à persévérer dans une logique qui exige du peuple de plus en plus de sacrifices ? Pourquoi le pouvoir politique en vient-il à dépendre entièrement du pouvoir financier ? L’argent est-il le pôle d’attraction véritable du pouvoir politique ? Ou bien, est-il seulement un moyen au service de la volonté de pouvoir?
* *
*
Quand, en
philosophie politique, nous mettons le mot « pouvoir » au
pluriel, nous désignons soit « les pouvoirs » au sens des
pouvoirs structurels
de l’État, ou bien on entend les pouvoirs rivaux entrant en conflit avec
le pouvoir politique lui-même : pouvoir de l’armée, pouvoir de l’argent, pouvoir
de la presse, pouvoir religieux, ainsi qui les
pouvoirs sociaux en général, comme
les syndicats, les partis, les associations etc.
Machiavel nous a appris qu’il
appartenait au pouvoir politique de faire prévaloir en toutes choses l’intérêt
supérieur de l’État, ce qui implique la justification déjà discutée plus haut de
la raison d’État. Que l’on se place du
point de vue idéaliste, ou du point de
vue réaliste, tout empiètement, des
pouvoirs rivaux ou des pouvoirs sociaux sur le pouvoir politique crée un
déséquilibre. Nous connaissons dans notre histoire le péril de la collusion
entre pouvoir religieux et pouvoir politique. Nous
savons qu’il n’est pas bon que la totalité des organes de
presse et des mass medias soit à la botte du pouvoir politique. On a vu lors de
la dernière
guerre ce qu’il en est quand des partis se militarisent, forment des
milices qui concurrencent la police d’État. Un coup
d’État de la part de l’armée, ce n’est jamais bon pour un peuple. Mais la
collusion entre le pouvoir de l’argent et le pouvoir politique est moins facile
à repérer, parce que les frontières sont très floues. Le risque tient-il au
régime politique ou à l’exercice du pouvoir lui-même ?
1) Dans
La République, Platon montre que lorsque le sens
de l’honneur qui fait la timocratie se délite, c’est la séduction de la
richesse qui vient prendre sa place. Les valeurs qui supportent la société
politique se modifient et on passe de la
timocratie à l’oligarchie.
Si toute société s’édifie sur le fondement des croyances collectives des hommes
qui la composent, toute société partage aussi collectivement des valeurs qui
font l’objet d’une adhésion. Quand le sens de l’honneur disparaît et que
seul prédomine le culte de l’argent,
nous devrions immédiatement en déduire que nous sommes passé de la timocratie à
l’oligarchie. Il est tout à fait remarquable, comme nous l’avons montré
ailleurs, que pour
Platon,
ce sont les contradictions internes de l’oligarchie qui vont précipiter sa
ruine. Un régime oligarchique
vénère la puissance de l’argent et sa conception du pouvoir l’oriente dans une
seule direction : détourner le bien commun
vers l’accroissement du profit de quelques
uns. « Les citoyens finissent par devenir avares et cupides ; ils louent le
riche, l’admirent et le portent au pouvoir, et ils méprisent le pauvre ». Ayant
perdu de vue le bien commun, le pouvoir politique va dériver dans toutes sortes
d’erreurs. En cherchant à favoriser les riches, il appauvrit les pauvres et il
se trouve de lui-même peu à peu entraîner à son propre renversement. Ce que dit
Platon, c’est que les riches ne sont pas compétents pour gouverner parce qu’ils
ont tendance à détourner le bien commun vers le profit personnel. Platon compare
le pouvoir politique à la manière de piloter un bateau, le riche ne sait pas
tenir correctement le gouvernail. La compétence pour mener des « affaires »
n’est pas du tout la même que la compétence pour gouverner. Le régime
oligarchique va donc malgré lui engendrer une opposition de classes. Les riches
vont s’isoler et accroître leur richesse. Les pauvres vont être relégués et
seront de plus en plus pauvre. La Cité ne sera plus unifiée, mais divisée contre
elle-même. Platon dit que les pauvres et les riches habitent le même sol, mais
ils conspirent sans cesse les uns contre les autres. D’où un éclatement
inévitable à termes. Et c’est ainsi que la logique du devenir des régimes
politiques veut que l’on bascule nécessairement depuis l’oligarchie vers la
démocratie. Le peuple opprimé, écrasé par les
excès et les contradictions de la politique de l’argent va s’insurger, renverser
les riches et s’emparer du pouvoir. « La démocratie apparaît lorsque les pauvres
ayant remporté la victoire sur les riches, massacrent les uns, bannissent les
autres, et partagent également avec ceux qui restent le gouvernement et les
charges publiques ». Notons pourtant que pour Platon c’est un mouvement
temporel de dégradation, car le
régime idéal que Platon a en
vue, la Constitution parfaite,
est une utopie intemporelle.
Voilà qui n’est pas sans nous interroger. Si nous suivons à la lettre les indications précédentes, il est incontestable que nous vivons sous le régime politique de l’oligarchie financière. Il est clair que dans notre matérialisme ambiant, la principale valeur, celle qui recueille massivement l’adhésion, est bien celle de l’argent. Nous l’avons situé en haut de l’échelle et nous en sommes venus à penser que c’était elle qui permettait d’obtenir toutes les autres. Se substituant à la vie, l’argent est devenu la valeur des valeurs. Au point qu’aujourd’hui le mot « valeur » est immédiatement connoté dans le registre du langage économique. Ce que vaut une chose, une action, une idée ou une personne, c’est... combien elles rapportent ou combien elles coûtent ! Nous voyons partout l’importance démesurée des puissances de l’argent, à la fois dans les multinationales qui gouvernent le monde et dans l’empire de la finance qui régit notre système. Nous voyons à quel point nos gouvernements sont devenus esclaves des financiers et on peut prendre un malin plaisir à compter le nombre de responsables politiques qui n’ont pour toute expérience qu’une longue carrière... dans les banques.
Or nos sociétés revendiquent haut et fort leur attachement à la démocratie et elles se définissent comme des démocraties. Où est l’erreur ? Se pourrait-il que la démocratie ne soit que de façade et qu’en réalité nous vivions dans un régime oligarchique qui ne dit pas son nom ? En langage platonicien on dirait que l’opinion "démocratique" dans laquelle les hommes pensent est le discours d’un esprit enfermé dans la caverne qui ne voit que les ombres qui défilent sur le mur, ombres qui se dupliquent dans les illusions du discours des médias, relayés par des politiques peut être eux-mêmes dupes de ces mêmes illusions. Les objets réels que le prisonnier ne voit pas seraient les machinations des puissances de l'argent qui agissent dans son dos.
2) Maintenant, dans un registre purement fonctionnel, que l’exercice du pouvoir politique soit intrinsèquement lié au pouvoir de l’argent, personne ne le contestera. Cela se voit du début à la fin.
Il faut
réunir beaucoup d’argent pour financer une campagne électorale. Les États-Unis
sont champions du monde en la matière. Quand ce n’est pas un financement public,
où peut-on trouver de l’argent, si ce n’est là où il est présent en abondance ?
Auprès de riches donateurs, ou des entreprises commerciales
opulentes. Or de ce côté-là, le risque, c’est que pour les puissances de
l’argent ce soit une sorte de placement ou de levier en conformité avec
leurs intérêts. « Je veux bien financer votre campagne… mais à condition que
vous vous engagiez en retour à... » ! Sans aller jusque là, sur l’exemple des
États-Unis, on voit bien qu’il
n’y a plus de différence
logistique entre une campagne électorale et une campagne publicitaire de
sponsorisation d’un événement (par exemple sportif). Or on n’a jamais vu une
marque s’engager sans qu’elle n’y cherche le moyen de se faire valoir pour
obtenir ensuite un retour d’investissement sur ses ventes.
Une fois
élu, le politique touche un traitement de la part de l’État. Au niveau local du
maire on est quasiment dans le bénévolat, mais plus on s’élève dans la
hiérarchie politique, plus le salaire est conséquent, plus la connivence avec
l’argent devient étroite, plus les tentations se multiplient. Second risque :
que la volonté politique devienne de plus en plus vénale au fur et à mesure que
l’homme politique s’installe dans une carrière. C’est surtout à ce stade que
l’on parle de
corruption. Il y a corruption à partir du
moment où l’exercice de la fonction politique est détournée pour remplir
le compte en banque d’un responsable et satisfaire les intérêts d’un
groupe
de pression. Contre le bien commun. Peut-on mesurer la corruption ? Par
définition il est quasiment impossible d’en retracer l’histoire, car les pots de
vins, les malversations, les trafics d’influence, les magouilles laissent le
moins de traces écrites possibles. Dans les pratiques malhonnêtes, on détruit
tout ce qui pourrait constituer une preuve. Or, sans preuves le journaliste et
l’historien sont obligés de se contenter des
témoignages et pour
cela, il faut qu’éclatent des scandales. Un scandale ne peut éclater que s’il
existe dans la conscience des peuples une forte revendication d’intégrité morale
et un degré élevé de transparence. En l'absence
de l’une et de l’autre, c’est le règne sourd des compromissions malsaines
que personne ne dénonce, mais qui deviennent une habitude invétérée. Graisser la
patte des responsables pour obtenir ce que l’on veut. Le degré de corruption
qu’ont atteint nos sociétés est endémique et partout très élevé sur cette
planète. On peut sans hésitation affirmer qu’à l’échelle du
monde dans son ensemble, jamais la
corruption n’a été aussi répandue, c’est un cancer universel qui empoisonne tous
les échanges. Inversement, on doit souligner qu’en raison de cet état de
fait, nous sommes devenus beaucoup plus exigeants dans nos attentes vis-à-vis
des politiques. La conscience, l’intégrité, l’honnêteté et la sincérité
seront les qualités des dirigeants à venir, ceux qui seront capables de redonner
à la fonction politique sa véritable signification, en dehors de la corruption
actuelle.
Enfin, quand le politique quitte la sphère publique pour retourner à la sphère privée, que fait-il ? On observera que l’Assemblée et le Sénat savent très bien jouer des lois pour assurer à leurs membres des retraites confortables. Mais bon, ce n’est là que mesquinerie. Ce qui est plus grave, plus symptomatique et tout à fait révélateur du monde dans lequel nous vivons, c’est la destination de retour des élus public. Un circuit semble établi et qui n’a fait que s’amplifier. C’est un va et constant des responsables: des banques vers la politique, de la politique vers les affaires et retour. Entre BNP, Goldman Sachs, Rothschild et compagnie, c’est un pontage intempestif qui dure depuis plus d’un siècle, alors que dans une démocratie qui ne serait pas contaminée par l’affairisme il nous semblerait plus normal que la corrélation soit établie entre l’élite de l’éducation et la politique. Enfin, c’est ce que Platon dirait. Mais pas du tout ce que nous voyons.
Considérons maintenant l’hypothèse la plus sombre, ou même disons-le carrément, la plus paranoïaque. Elle consiste à soutenir ceci : dans son orientation la plus cynique, le pouvoir politique a toujours été lié au pouvoir financier. Mais il ne cherche qu’à s’accroître de lui-même comme pouvoir, par la domination des hommes et leur asservissement. Le pouvoir financier est seulement un moyen au service de la volonté de puissance. Il n’est donc pas du tout « Souverain » dans le sens habituel, très idéaliste, que lui donne la philosophie politique. En réalité, la souveraineté politique des peuples est un fantasme qu’on doit leur servir pour leur faire croire qu’ils y ont droit dans un régime dit « démocratique ». On peut décliner cette interprétation en deux versions : celle du conspirationnisme et celle du machiavélisme achevé.
1)
Pour le conspirationnisme, cela fait des siècles
que les "force de l'ombre" manipulent
l’humanité. Les romans dans le style du Da Vinci Code et le cinéma ont
beaucoup brodé sur le thème. Celui d’une élite appelée les « illuminati »
qui contrôleraient le pouvoir politique en coulisse. Il s’agit à l’origine d’une
confrérie occulte créé en 1776 par un certain Adam
Weisshaupt et qui se serait
perpétuée par la suite sous la forme de différentes loges. Elle serait liée
directement à la franc-maçonnerie, à qui elle emprunterait ses rites et ses
grades. Son but serait d’infiltrer tous les secteurs politiques de la société et
de former les esprits à la nécessité d’établir
un « Nouvel Ordre Mondial », Novus Ordo
Seclorum, qui serait entre les mains de ses seuls initiés. Elle compterait
parmi ses membres des banquiers internationaux, des industriels, des hommes de
science, des dirigeants militaires, des politiques dévoués, des éducateurs, des
économistes, etc. Tous auraient souscrit à un "Plan Luciférien" pour gouverner
le monde. Les conspirationnistes ne manquent pas de montrer à l’appui de leurs
thèses une numérologie secrète cachée partout, à
consonance biblique, tel le 666 dit de « la Nouvelle Babylone ». Ils pointent
aussi du doigt toutes sortes de symboles ésotériques,
tel l’œil dans le triangle du dollar américain, les dragons etc.
On citera comme justification Les
Mémoires de David Rockefeller qui se défend en
écrivant : « Quelques-uns
croient même que nous (la famille Rockefeller) faisons partie d’une cabale
secrète travaillant contre les meilleurs intérêts des États-Unis, caractérisant
ma famille et moi en tant qu’internationalistes et conspirant avec d’autres
autour de la Terre pour construire une politique globale plus intégrée ainsi
qu’une structure économique – un seul monde si vous voulez. Si cela est
l'accusation, je suis coupable et fier de l’être ». Du même David Rockefeller
on citera encore un discours prononcé en juin 1991, lors d’une réunion de la
Commission Trilatérale, à Baden Baden : « Nous sommes reconnaissants au
Washington Post, au New York Times, Time Magazine et d'autres
grandes publications dont les directeurs ont assisté à nos réunions et respecté
leurs promesses de discrétion depuis presque 40 ans. Il nous aurait été
impossible de développer nos plans pour le monde si nous avions été assujettis à
l'exposition publique durant toutes ces années. Mais le monde est maintenant
plus sophistiqué et préparé à entrer dans un gouvernement mondial. La
souveraineté supranationale d'une élite intellectuelle et de banquiers mondiaux
est assurément préférable à l'autodétermination nationale pratiquée
dans
les siècles passés ».
Le « Nouvel Ordre Mondial » viserait la réduction drastique de la population mondiale et manipulerait dans les coulisses l’Histoire pour favoriser les destructions, les crises et les guerres. Son ambition ne serait pas de viser à atteindre un sommet de richesses, car il l’aurait déjà obtenu, mais d’obtenir la jouissance d’un contrôle total sur l’humanité. Ils incarneraient le profil de ce que nous avons appelé ailleurs le niveau 0, infra-humain, en matière de conscience morale.
Selon le conspirationnisme, il faudrait chercher derrières les initiatives les plus importantes prises par les politiques dans le monde les machinations de ceux qui dans l’ombre tirent les ficelles. Toujours dans la même direction, le conditionnement humain et sa mise en servitude. Les politiques, qu’ils soient « démocrates » ou « républicains », de « droite » ou de « gauche », ne serait que des pions sur un jeu d’échecs mondial et la main qui les déplace serait celle d’une organisation occulte. Il faudrait donc raisonner dans la théorie du complot pour déchiffrer les événements dramatiques majeurs dont notre histoire est parsemée et retrouver les marques d’une conspiration universelle. Dans cette perspective, la faillite des États et le chaos économique seraient, de la part des maîtres du monde, soit directement voulus, afin de permettre une prise de contrôle totale impliquant la visée d’un génocide de l'humanité ; ou bien, s’ils ne parvenaient pas à leurs fins, ce serait une politique de la terre brûlée.
2)
Seconde hypothèse, celle que nous appellerons
machiavélisme achevé. En bref, elle
pourrait se formuler ainsi : Il faut distinguer les fantasmes ésotériques de la
conspiration de l’histoire réelle, mais concéder que dans les faits, la violence
du pouvoir politique a le plus souvent été au service des puissances de
l’argent. Si on regarde ce qui s’est produit dans les cinquante dernières
années, on ne peut douter du fait que le pouvoir politique s’est servi de
l’opportunité des crises et des désastres pour imposer les programmes les plus
destructeurs du capitalisme ultralibéral.
C’est la thèse défendue par Naomi Klein dans La Stratégie du Choc. Au chapitre 3, elle cite Machiavel dans Le Prince : « le mal doit se faire en une seule fois, comme on a moins de temps pour y goûter, il offensera moins ». Machiavel disait que le bien doit se distribuer par petites doses et dans la durée pour qu’il soit apprécié du peuple, mais quand il s’agit d’effectuer des réformes violentes, il faut agir tout d’un coup. Comme lorsque l’on veut briser la volonté d’un prisonnier sous la torture pour l’amener à un état d’apathie où il sera malléable. (texte)
Dans les
années 50 Ewen Cameron, un psychiatre américain, abandonnait les méthodes de
cure par la parole pour essayer d’agir sur le cerveau et tenter de recréer la
personnalité de ses patients. Son but était de déstructurer leur personnalité
pour les faire régresser à un état où l’esprit deviendrait une « table rase » à
partir de laquelle on pourrait réécrire la personnalité. Pour y parvenir, il
utilisait les électrochocs. « Pour déstructurer ses patients, Cameron utilisait
un appareil relativement nouveau, le Page-Russell, qui administrait jusqu’à six
chocs consécutifs… Frustré de voir ses patients s’accrocher aux vestiges de leur
personnalité, il avait recours, pour les désorienter encore davantage, à un
arsenal de tranquillisants, de stimulants et d’hallucinogènes… Une fois la
déstructuration complète obtenue et la personnalité antérieure effacée de façon
satisfaisante… Cameron faisait passer à ses patients des messages enregistrés,
comme « Vous êtes une bonne mère et une bonne épouse et les autres se plaisent
en votre compagnie ». En bon behaviouriste, il croyait fermement que les
patients, s’ils absorbaient les messages figurant sur les bandes enregistrées,
commenceraient à se comporter autrement ». Au milieu des années 50 les
chercheurs de la CIA s’intéressèrent aux travaux de Cameron et il obtint en 1957
une subvention, d’où sorti l’élaboration d’un
manuel de torture.
Au même
moment, à Chicago, un universitaire ambitieux et charismatique, Milton Friedman,
était en plein ascension. (texte) Son credo, c’était de débarrasser le système
économique de toute intervention, de le ramener à un état vierge primordial. En
clair : déstructurer les sociétés soumises à une ingérence gouvernementale
excessive, pour revenir à un capitalisme pur. Selon lui, pour remettre les pays
mal en point, il fallait un traitement de choc, qui devait être l’élément
clé de la stratégie politique pour les mener à une libéralisation complète du
marché. Pour l’école de Chicago, au sein du libre-marché absolu, les forces de
l’offre et de la demande s’équilibrent à la perfection « l’offre influant sur la
demande à la manière dont la lune attire les marées ». De son propre aveu, c’est
l’amour des chiffres, des belles équations et des systèmes qui avait attiré
Friedman vers l’économie. Et effectivement, la force de l’école de Chicago a été
de donner une belle allure théorique à son système, ou pour mieux dire, à son
credo. Prémisse de départ : le libre marché est un système scientifique
parfait. Problème : inflations ? Chômage ? Solution : le marché n’est pas
entièrement libre, il faut le déréguler davantage. Appliquer de manière la plus
rigoureuse le credo de base. « Comme toute foi intégriste, la science
économique
prônée par l’école de Chicago forme, pour ses tenants, une boucle fermée ».
(texte)
Et la logique de ce beau système scientifique (texte) ne pouvait que séduire les plus fortunés et les multinationales. En effet, « ce qui est irréfutable, c’est le fait que le libéralisme économique défendu par Friedman et les brillantes stratégies qu’il préconise pour l’imposer procurent à quelques-uns une extrême prospérité et une liberté quasi-totale – laquelle leur permet de contourner les règlements et la fiscalités, de faire fi des frontières nationales et d’accumuler de nouvelles richesses ». « Bien qu’enrobée dans le langage des mathématiques et de la science, la vision de Friedman coïncidait point pour point avec les intérêts des grandes multinationales, qui par nature, se montrent avides de nouveaux marchés déréglementés ».
Il fallait
donc répandre la doctrine partout dans le monde et la mettre en œuvre avec
des
essais grandeurs nature. Par chance (sic) à cette époque de guerre froide, on
voyait des communistes, des staliniens partout en Amérique Latine et il fallait
engager le combat pour prouver la supériorité du modèle du capitalisme. Les
marxistes étaient engagés dans des stratégies de développement mettant l’accent
sur la protection étatique des couches sociales les plus défavorisées. Ce qui
impliquait un contrôle sévère des ressources et une méfiance vis-à-vis des
multinationales du pétrole, des téléphones, de l’agro-alimentaire etc. Il
fallait donc pour l’ultralibéralisme éradiquer le développementalisme et ouvrir
les marchés. La première expérience de grande ampleur se fit au Chili où l’école
de Chicago entreprit de parrainer massivement des étudiants en science
économique… afin de les convertir à son orthodoxie.
Mais le contexte politique d’un Chili à gauche n’était pas favorable à l’époque… « La dictature se révèlerait plus accommodante » ! D’où la remarque : Si les théories de Friedman lui ont valu devant le monde le prix Nobel, pour les chiliens, ça a été Pinochet ». 11 septembre 1973 coup d’État. Renversement de Salvador Allende. 36 partisans d’Allende repliés dans le palais présidentiel, 24 missiles lancés contre eux. Pinochet dans son tank « tenait à ce que l’événement fût aussi spectaculaire et aussi traumatisant que possible… le Chili avait joui de 160 années d’ordre démocratique pacifique, dont les 41 années qui précédaient sans interruption ».
------------------------------ Le choc. Très efficace pour tétaniser toute une nation. Les
Chicago boys de Friedman pouvaient jubiler. Ils avaient travaillé d’arrache
pied pour imprimer « la brique », une somme de programme économique destinée à
la junte et le 12 septembre 1973 tous les généraux qui devaient avoir une
fonction gouvernementale en avait un exemplaire sur leur bureau. « Les
propositions contenues dans le document ressemblaient à s’y méprendre à celles
que formule Friedman dans Capitalisme et Liberté : privatisation,
déréglementation, et réduction des dépenses sociales – la trinité néolibérale en
somme ». Comme on pourrait s’en douter, Pinochet était certainement doué
pour le pouvoir autoritaire, mais il ne connaissait rien en économie. Mais il
s’empressât de s’entourer de conseillers économiques... des diplômés de l’école
de Chicago. Los technos. Pendant 18 mois il appliqua à la lettre les
recommandations: privatisation des sociétés d’État, autorisation de la finance
spéculative, ouverture aux importations. Et tout le tintouin néolibéral. Ce qui
produisit immanquablement une calamité. Inflation jusqu’à 375%, prix
des denrées
alimentaires explosé etc. « Les seuls bénéficiaires des réformes étaient des
sociétés étrangères et une petite clique de financiers connus sous le nom de
« piranhas », à qui la spéculation rapportait gros ». Ce qui n‘empêcha pas
Friedman de se faire inviter à Santiago en mars 1975, d’être célébré par la
junte et d’avoir droit à une audience privée avec Pinochet. La junte, disait-il,
était « sur la bonne voie » (!) mais elle devait adhérer encore plus aux
préceptes du néolibéralisme (!!). Il utilisa même « une expression qui n’avait
jamais été brandie dans une crise économique : « traitement de choc » » (!!!).
Le seul remède possible. « Pinochet avait délibérément plongé son pays dans une
profonde récession, sur la foi d’une théorie non éprouvée voulant qu’une
contraction subite provoque un redressement de l’économie ». Mais les analogies
sont frappante, car les psychiatres des années 50 eux aussi croyaient, en
administrant des électrochocs faire redémarrer le cerveau des patients.
Si l’exemple ne suffit pas… il y a encore six cent pages derrière dans La Stratégie du Choc. Où l’on voit comment la séduction néolibérale a pu de manière machiavélique envoûter les politiques et comment l’ivresse du pouvoir a conduit systématiquement à servir les intérêts des financiers. (texte)
Mais bof. On peut rejeter en bloc l’idée de conspiration et mettre dans le même sac la stratégie du choc. Écarter les thèses en les jugeant caricaturales, paranoïaques et gauchistes (!). Considérer qu’elles déforment outrageusement le libéralisme sans voir ses aspects constructifs qu’il faudrait souligner et distinguer. Penser surtout que de toutes manières, il n’y a pas en face d’alternative crédible (there is no alternative). Dans un contexte comme le nôtre, on dira que gouverner, c’est gérer au coup par coup et au mieux. En cela les gouvernements font tout ce qui est en leur pouvoir, ils assument une fonction et obtiennent des résultats à la mesure des choix qu’ils engagent. Malheureusement, toute situation politique suppose un complexe de difficultés à résoudre, le financement des États en fait partie, ainsi que le bon fonctionnement de l’économie. Résumons l'argumentaire le plus fréquent :
1) Prosopopée néolibérale : "Selon le pragmatisme affiché par nos dirigeants, il faut cesser de diaboliser le politique et lui prêter des intentions cachées. C’est peut être bon pour les films et les romans policiers, mais la réalité est plus modeste et plus triviale. Les arcanes du pouvoir, ce sont les bureaux des technocrates, les salles de réunion des conseils, les meetings publics, les audiences privées des représentants. Le responsable politique est ce qu’il est, un responsable politique désigné et rien de plus. Il n’est pas en fonction parce qu’il serait membre d’une secte étrange qu’il devrait servir et il n’est pas non plus un fanatique démoniaque du pouvoir. C’est un élu du peuple qui assume une position ou un employé de l’État à qui incombent des charges. Pas de quoi se monter la tête dans des complots et des conspirations qui n’existent pas. N’existent que les difficultés du terrain et les rivalités de personnes et rien de plus. Il ne faut pas confondre les déviances autoritaires du pouvoir et l’exercice normal du pouvoir en démocratie. En un sens, le politique, tel qu’on le présente à la télévision est exactement celui qui est montré : un homme de parole et de responsabilité qui présente ses orientations dans un programme et les met en œuvre quand il est en fonction. L'apparence est la réalité et il n'y a pas de double-fond.
D’un
autre côté, il faut aussi sortir de la diabolisation de l’argent et arrêter
d’accabler les politiques pour cette raison. Nous ne vivons plus dans une
société où l’argent est un tabou. Pour jouer sur le titre du livre de Freud, l’argent
est plutôt le totem de notre civilisation. Symbole de la richesse de notre
culture occidentale. Il n’y a aujourd’hui plus de honte à parler d’argent ni à
vouloir en gagner beaucoup. Celui qui prétend ne pas être intéressé par l’argent
est anormal ou hypocrite. Nous voulons tous gagner des millions. C’est un rêve
banal. Le million, c’est l’unité monétaire du loto ! Vouloir afficher avec
ostentation son argent est une
caractéristique de notre époque sans laquelle elle ne serait pas ce qu’elle est.
Et c’est aussi ce qui fait que nous sommes enviés du reste du monde. En un sens,
la publicité ne fait que refléter nos tendances les
plus profondes et rien de plus. Reprocher au politique d’aimer l’argent est
absurde, il n’est pas différent des autres. En entrant en politique, il n’a pas
fait vœu de chasteté, ou d’austérité, il peut apprécier les
femmes, le luxe
et son ostentation. Ce à quoi on a normalement droit quand on est arrivé à une
certaine réussite sociale". (doc)
Ce qui fait la vitalité du libéralisme, c’est de permettre à chacun de réussir. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse choisir sa vie, son métier, sa religion, sa manière de vivre, en éliminant le plus possible les contraintes collectives qui pèsent sur l’individu dans l’État. Dès son origine le libéralisme a voulu s’opposer à toutes les formes d’absolutisme en affirmant la primauté de la liberté individuelle. En affirmant la liberté, il suppose que l’être humain possède des droits qui doivent être respectés. Il soutient activement les droits de l’homme. Il cherche à organiser la vie sociale de telle manière que chacun puisse profiter d’un maximum de liberté ; pour la même raison, il soutient la libre entreprise, la libre concurrence et le libre jeu du marché.
2) Le
problème avec les plaidoyers du libéralisme, c’est qu’ils sont d’une ambiguïté
extraordinaire, vu les sens variés que l’on donne tout à tour au mot liberté.
Au niveau individuel on peut y voir l’éloge d’une
liberté responsable,
alors qu’on peut aussi l’entendre comme une licence de faire ce que l’on
veut, un laxisme (texte) qui se contrefiche éperdument de la
responsabilité
citoyenne. Au niveau collectif, on peut y voir un encouragement à la libre
entreprise, alors qu’il peut aussi être compris comme un laisser faire
généralisé qui contribue à la mainmise des multinationales et de la spéculation.
Si on critique l’état de fait, (R) aussitôt le contradicteur se placera du point de
vue du droit. Et si on se place du point de vue du droit, la position devient
inattaquable et peut être défendue avec le paralogisme du
faux dilemme: « vous
êtes contre la liberté ? Vous êtes
communiste ? Non. ? Alors vous êtes
forcément d’accord avec nous » ! C’est le tour de passe-passe favori des
rhéteurs libéraux. On séduit les masses en flattant la liberté, avec le
sous-entendu non-formulé du laxisme, tout en mettant la politique libérale sur
un piédestal, drapée dans la compétence technique et
économique. En réalité, ce
qui est suggéré, c’est : « vivez comme vous l’entendez, nous on s’occupe des
affaires, nous avons la maîtrise que confère la science économique. Et nous
savons en quoi elle consiste : appliquer la règle, en toutes choses, laisser au
marché l’initiative de se réguler par lui-même. Il harmonisera finalement tous
les intérêts pour le bien de tous. C’est un piège qui pour le sens commun, avec
la répétition, devient quasiment hypnotique. Mais attention, du point de vue des
doctrinaires libéraux comme Friedman, c’est le bras armé et
conquérant d’une
pure idéologie qu’il faut impérativement mettre en œuvre. Or, il faut le
dire et le répéter, les marchés financiers n’ont pas de conscience politique,
ils ne
connaissent que le gain et la perte, les paris risqués et les
opportunités de profit. De même, en tant que phénomène global, la
technique ne connaît que les problèmes technique qu’elle peut poser et qu’elle
peut résoudre, elle n’a pas de conscience politique. Le trader et le
technicien l’un comme l’autre
peuvent fort bien s’en passer et être
redoutablement efficaces chacun dans leur domaine propre. Mais nous faire
croire que, par on ne sait quelle magie, cette efficacité servira
automatiquement le bien commun, c’est ou bien rêver les yeux ouverts ou prendre
les gens pour des crétins. On ne peut pas fonder une conscience politique sur
le laisser-faire, c’est un oxymore. Une conscience politique implique un choix
éclairé de ce qui est le meilleur, l’idée la plus élevée que nous nous
donnons de l’humanité.
D’autre part, il ne peut y avoir d’exercice normal du pouvoir en démocratie sans refus de la dictature de l’argent, sans rejet de l’avidité, sans la volonté de remettre la finance à sa place. Qui n’est pas au premier rang des préoccupations du bien commun. La surexcitation, les phases hystériques ou dépressives du marché ne sont que l’ambiance de leur salle de jeu. Elles sont déphasées par rapport à l’économie réelle et ne sont pas garantes du bien commun.
Alors pourquoi leur attribuer autant d’importance ? De manière purement factuelle, bien évidemment parce que les États sont devenus dépendants du marché auquel ils empruntent depuis des lustres leurs capitaux. Les masses de dettes et des montagnes d’intérêts qui se sont accumulés, imposent l’obligation des remboursements. Et comme il n’y a pas d’autre moyen de financement que d’emprunter encore et encore auprès du secteur privé, alors on lorgne avec angoisse et sueurs froides sur la montée des taux, en priant le saint patron des marchés que la bénédiction du AAA soit toujours accordée.
Implicitement, cela veut dire que l’on fait comme si rien ne pouvait être changé, comme si le système actuel était planté là pour l’éternité. A la racine de cette lubie, il y a l’a croyance néolibérale selon laquelle le « marché » serait une entité intemporelle. Mais, comme l’avait montré Karl Polanyi, dans La Subsistance de l’Homme, le « marché » est une invention moderne. Il n’a pas toujours existé. On n’en trouve aucune trace dans l’Antiquité par exemple. Sa domination est historique, or tout ce qui est historique ne dure que le temps où règne un paradigme, avant qu’il ne soit remplacé par un autre. Cohérent, Polanyi ne croyait pas aux vertus soi-disant « harmonisatrices » du laisser-faire. Pour lui, le raisonnement qui consiste à dire qu'il faut toujours plus de marché et de concurrence, et toujours moins d'État, est un sophisme d’économiste. (texte) Maintenant, si on transforme ce qui, au mieux, ne peut être qu’une simple hypothèse ouverte à discussion en un dogme auquel il faut adhérer et qu’il faut imposer on obtient… le néolibéralisme.
3) Alors, de deux choses l’une :
a) - ou bien le néolibéralisme a été inventé et promu pour faciliter à grande échelle l’accaparement massif les richesses de la planète dans très peu de mains.
b) - ou bien il a été inventé et promu parce qu’une élite d’économistes et de politiques croyaient sincèrement qu’il était LA solution universelle pour conduire l’humanité à davantage de prospérité.
Dans le
premier cas, la faute est si grave qu’il faudrait sans ménagement traduire tous
les responsables devant un tribunal international pour crime contre l’humanité.
Dans le second cas, il faudra reconnaître un degré d’inconscience et
d’aveuglement qui reste inégalé dans toute l’histoire humaine et se réveiller
d’urgence de ce coma de l’esprit. (texte) Il y a sur les cinquante dernières années des
preuves accablantes qui nous montrent à l’envi comment, à chaque fois que la
doctrine néolibérale a été appliquée au pied de la lettre dans un pays, les
protections sociales antérieures ont été attaquées, les richesses ont
systématiquement pillées par les multinationales, l’économie a été gangrenée par
la spéculation, le fossé s’est creusé entre les riches et les pauvres,
l’exploitation du travail et la mise en servitude s’est accrue, la conversion au
consumérisme à l’occidentale a détruit les cultures traditionnelles, la
spoliation des terres et la domination du marché mondialisé a ruiné les paysans
et entraîné avec elle des famines. Tout bénéfice pour les 1% qui ne savent même
plus quoi faire de leur argent, mais au final une calamité pour les 99% qui se
demandent bien comment on a pu, sans fausse honte, identifier le « bien commun »
aux intérêts des 1%. Nous pouvons certes nous rassurer en pensant que nous
autres, dans les pays développés, avons évité les guerres, ce qui n’est déjà pas
si mal. Mais il faudrait y regarder de plus près et nous demander si le système
économique actuel n’entretient pas un état de guerre permanent.
« Un conflit armé entre nation nous horrifie. Mais la guerre économique ne vaut pas mieux qu’un conflit armé. Ce dernier est comme une intervention chirurgicale. Une guerre économique est une torture prolongée. Et ses ravages ne sont pas moins cruels que ceux qui décrivent si bien les ouvrages sur la guerre. Nous nous préoccupons moins de la guerre économique parce que nous sommes habitués à ses effets mortels. Le mouvement contre la guerre est juste. Je prie pour sa réussite. Je crains pourtant qu’il ne soit voué à l’échec s’il ne prend pas à la racine le mal : l’avidité humaine ». Gandhi.
Ce n’est pas cet état de guerre dont parlait Hobbes, (texte) qu’il croyait immanent à l’état de nature et dont on devait sortir en instituant l’état civil, mais un état de guerre maintenu dans l’état civil, relancé, sans cesse prolongé sous la pression de l’avidité. Dans de telles conditions, la puissance de l'argent est d'autant plus violente qu'elle demeure anonyme ; elle ne montre jamais directement son visage, mais montre partout ses effets. L’Horreur économique selon le titre de Viviane Forester.
Restons-en là. Il n'y a pas d'alternative? OK! Il n'y a pas d'alternative... que de se débarrasser de la doctrine de ceux qui disent qu'il n'y a pas d'alternative, que de se débarrasser du néolibéralisme pour créer un monde différent.
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Dans un
article récent au sujet de la crise politique actuelle, un commentateur disait
qu’en
définitive, il y a trois réponses
possibles quant à l’action des gouvernements : 1) Ou bien ils ont un projet pour
renverser la crise et reprendre le contrôle après une période de chaos, tout en
sachant qu’il ne pourra se mettre en place que par des mesures qui écraseront
les plus faibles. 2) Ou bien ils sont ignorants ou inconscients, ils ne
comprennent rien à la gravité de la situation et croient réellement que leurs
réformes vont permettre de surmonter les difficultés. 3) Ou bien ils comprennent
la gravité de la situation et ils savent pertinemment que, mécaniquement, elle
va empirer, mais ils ne peuvent plus faire autre chose qu’obéir à la pression du
pouvoir financier qui est la plus forte.
D’après ce que nous venons de montrer l’option 1) pourrait être appuyée par les thèses conspirationnistes, thèses assez répandues dans le public, mais qui manquent de preuves solides. Par contre la position du machiavélisme achevé en rendrait compte. L’option 2) est peu crédible, ce serait admettre que nous sommes gouvernés par des imbéciles, ce qui n’a guère de sens en dehors de la polémique verbale. Reste l’option 3) qui, d’après ce que nous venons de voir, tient la route. Même si elle n’est ni enviable, ni glorieuse. Une politique complètement désemparée et au bord du gouffre. Si elle était vérifiée, elle ne ferait que confirmer ce que nous avons vu précédemment : l’effondrement du capitalisme sous la pression de la dette et la déconstruction du monde dont parlait Pierre Thuillier.
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Questions:
1. Suffit-il de dire de dénoncer la corruption des politiques sans mettre en cause le système dans lequel nous vivons?
2. Dans quelle mesure l'épithète "conspirationniste" doit-elle être considérée comme une injure?
3. Quelles critiques peut-on adresser à la notion de "main invisible"?
4. Entre liberté et licence il y a une différence, comment l'appliquer en politique?
5. On dit souvent que l'argent corrompt, mais la formule de doit-elle pas être précisée?
6. Le libéralisme présuppose-il le darwinisme économique?
7. La paranoïa critique est très difficile à tenir sans tomber dans l'émotionnel, mais n'a-t-elle pas aussi des vertus?
© Philosophie et spiritualité, 2011, Serge Carfantan,
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