Leçon 42.   Le sens du travail      

    Il est assez habituel de voir le travail justifié par des raisons terre à terre du genre: « on travaille par nécessité, parce qu’il faut bien survivre, se nourrir, se vêtir, pourvoir aux besoins de sa famille etc. » Il est sous-entendu alors que c’est une nécessité tout extérieure qui nous presse à travailler, une nécessité économique comparable à la lutte pour la vie, la nécessité qui régit le comportement des espèces dans la Nature. L'entrée dans le monde du travail, c'est donc la fin de la liberté sous sa forme légère, adolescente, tandis que tombe sur nos épaules le poids écrasant de la nécessité économique. Ce genre d'opinion fataliste est très largement partagé par les élèves au lycée. Elle imprègne aussi la mentalité commune et, on peut le dire, la culture occidentale.

    Pourtant, cet argument ne suffit pas. Il laisse penser que la vie pourrait avoir un sens uniquement dans l'ordre du divertissement. Il est très naïf de le croire. Que serions-nous sans travail ? Nous avons besoin du travail pour bien d'autres raisons que des raisons économiques. Nous en avons besoin pour le plaisir même d'agir, pour satisfaire au besoin de se sentir utile, de se sentir quelqu'un, (texte) etc. Privée de travail, notre vie serait privée de sens. Le travail a un sens et il est pourvoyeur de sens, bien plus qu’il n’est peut-être une nécessité extérieure. En quel sens peut-on dire que le travail est une nécessité ?

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A. La tradition laborieuse

    Il faut d’abord observer que ce mot travail emporte avec lui charge affective considérable à l’intérieur de la culture occidentale qui est la nôtre. Son origine est liée au latin tripalium, un instrument de torture. Le mot évoque d’emblée la sujétion, l‘esclavage. Ce n’est évidemment pas un hasard. Nos mythes culturels se reflètent très largement dans la représentation que nous avons du travail. ll y a des implications immenses qui sont enveloppées dans ces mots, des implications qui sont liées aux racines de la culture Occidentale.

    ---------------1) A la Grèce antique tout d’abord. Les grecs n’ont jamais valorisé le travail au sens du travail manuel. Pour un homme libre dans la Grèce antique, le travail est une activité servile qui ne constitue pas un idéal, ou un attribut de l’homme libre. C’est pourquoi il est plutôt perçu comme une déchéance qui relève du statut de l’esclave. Ce sont les esclaves qui travaillent et non les hommes libres. L’idéal de la vie humaine que se donnait les grecs ne faisait pas du travail le but de la vie, ils voyaient plutôt le but de la vie humaine, son achèvement dans la contemplation plutôt que dans l'action pragmatique. La vie idéale, c’est un corps sain et un esprit sage qui se consacre à la Culture, donc aux œuvres de l'esprit. Que l’on puisse voir dans le travail le but de la vie, voilà qui paraît servile et étranger à la mentalité grecque. (texte) Hannah Arendt rectifie ainsi un préjugé que nous avons tendance à projeter sur la conception grecque du travail : « croire que le travail était méprisé parce qu’il était réservé aux esclaves », c’est complètement se méprendre : « les anciens faisaient le raisonnement inverse : ils jugeait qu’il fallait avoir des esclaves à cause de la nature servile de toutes les occupations qui pourvoyaient aux besoins de la vie ». (texte) Ne viser que la satisfaction des besoins est une motivation quasi- animale, ce n’est là que la nécessité à laquelle est soumise tout homme, mais ce n’est pas une motivation digne de l’homme libre. Le Destin soumet les hommes à la nécessité du travail, la seule manière de secouer le joug de cette nécessité, c’est de s’en libérer en confiant le travail à un instrument qui l’exécutera. L'homme qui était vaincu dans une guerre, subissait ce coup du sort qui le métamorphosait en un être proche de l’animal domestique. Il avait perdu sa liberté et devenait esclave. Mais d’un autre côté, personne n’est à l’abri du Destin. Le revirement du sort pouvait tout aussi bien renverser la nécessité. Sous le coup d’un changement politique, ou des conditions de vie sociale, l’esclave pouvait aussi retrouver la condition d’homme libre, en étant affranchi. Il était aussi possible que certaines activités changent de statut, retrouvent une noblesse qui leur enlevait leur caractère servile. L’esclavage pour les grecs n’avait pas d’abord une justification économique, pour se procurer de la main d’œuvre à bon marché, comme cela a été le cas aux États-Unis avec la traite des noirs dans les plantations de coton. Il participait essentiellement d’une conception de la vie cherchant à « éliminer des conditions de la vie le travail ». L’homme libre ne pouvait pas considérer comme humaine cette soumission à la nécessité qui au fond ravalait l’homme au rang d’animal domestique.

    Aussi, le fait que nous disposions aujourd’hui de machines capables de faire le travail subalterne à notre place, ne modifie en rien cette conception. Il est assez curieux de noter qu'Aristote dit que si les navettes circulaient toutes seules (cf. le métier à tisser), les maîtres n'auraient pas besoin d'esclaves. Nous avons de telles machines. C’est aux machines de se charger de la servitude du travail, (texte) afin que l’homme libre jouisse dans le loisir de sa liberté retrouvée et puisse se consacrer à la contemplation, à la connaissance, aux œuvres les plus élevées de l’esprit, aux activités de l’art et à la culture physique. L’idéal grec défendait une certaine aristocratie de l’esprit contre les valeurs serviles du travail plébéien.

    2) Mais ce n’est pas en fait l’influence qui a le plus marqué notre conception du travail. La tradition judéo-chrétienne leste le travail de présupposés beaucoup plus lourds. La Bible dit que le travail est la conséquence d’un châtiment, la conséquence du péché d’Adam et Ève chassés du paradis. En raison du péché originel, Adam se voit « condamné à gagner son pain à la sueur de son front ». Plus loin, quand Caïn tue son frère Abel, il est dit qu’en plus, non seulement il devra travailler la terre, mais en plus, son travail restera stérile. Cela laisse supposer que dans un état paradisiaque, l’homme pouvait se donner du loisir, mais aussi que la vraie vie, est ailleurs et au-delà, sans ce fardeau qu’est le travail. La chute de l’homme, c’est sa déchéance, et la déchéance l’entraîne à être jeté hors du paradis, maudits pour avoir goûté le fruit défendu et sa punition est consommée dans le travail et la souffrance, puisqu’en plus, la femme, elle, se doit « d’enfanter dans la douleur ».

    Ce relent de malédiction jeté sur le travail pèse lourd dans le destin de l’Occident, car il nous autorise à voir dans le travail une sanction. En un sens, au Moyen Age, entre le bagnard qui casse des cailloux sur les routes et le serf qui toute sa vie travaille pour un Seigneur, il n’y a théologiquement guère de différence ! L’un et l’autre sont des "réprouvés de Dieu". Le bagnard est en plus un réprouvé de la société. Il est facile de relever dans toute la littérature chrétienne ce dolorisme attaché au travail. Bien que la religion ait beaucoup perdu de son empire, dans la conscience populaire demeure un certain fatalisme, une résignation sourde à l’égard du travail, « que voulez-vous, mes hommes doivent bien travailler, c’est comme çà ! ». L’ombre de l’ancienne malédiction flotte toujours sur le travail. Un arrière-fond de pensée mythique gît dans l’inconscient collectif. En Occident, le travail a été marqué par l’idée religieuse de la culpabilité de l’homme. Cet arrière-fond mythique a été plus décisif dans la conception du travail en Occident que l’héritage grec.

    3) Cependant, le christianisme a été capable, tout en continuant de porter la malédiction attachée au travail, de la surmonter. C’est l’éthique protestante qui a su remarquablement montrer que le travail est le moyen de racheter l’existence misérable de homme, pour en faire un moyen de salut. Il a suffit pour cela de faire du travail un acte sacré, de donner à entendre aux hommes, que le travail sauve l’homme de la perdition, qu’il redonne sous le regard de Dieu une valeur à l’humain. Honte donc à l’oisiveté mère de tous les vices ! Le travail fait plaisir à Dieu parce qu’il glorifie sa Création. Le loisir, même sous la forme de la contemplation, est directement répréhensible. Le Protestantisme a réussi ce tour de force consistant à présenter le travail comme l’équivalent de la prière.  C’est pour cette raison que Max Weber dans L'Éthique protestante et l'esprit du Capitalisme situe l’origine du capitalisme et sa conception du travail dans la morale protestante. (texte) Luther a réussit à imposer cette idée extraordinaire selon laquelle, la contemplation plaît moins à Dieu que le travail dans l’accomplissement d’un métier. Le métier, c’est la volonté de Dieu dans sa providence particulière. La Providence crée la vocation du travail pour chaque homme. Le travail, c’est la seule voie ouverte pour l’homme, par laquelle il peut trouver le salut. Le protestantisme a toujours regardé avec suspicion les ordres religieux reclus et la mystique contemplative, il a favorisé une « mystique du travail ». Aussi, « la contemplation inactive, en elle-même dénuée de valeur, est-elle directement répréhensible lorsqu’elle survient aux dépens de la besogne quotidienne. Car elle plaît moins à Dieu que l’accomplissement de sa volonté dans un métier. Le dimanche n’est il pas là d’ailleurs pour la contemplation ?». L’Occident a trouvé là une caution religieuse du travail, une sacralisation de la mentalité besogneuse qui était le revers de sa caution négative comme malédiction. Que réclame l’homme besogneux ? Qu’on lui dise qu’il accomplit le but même de la vie ! Il admet que le sens de la vie réside dans le travail et puisque c’est surtout la religion qui a pourvu de sens la vie humaine, c’est à la religion elle-même de tenir ces propos. Le travail « constitue surtout le but même de la vie, tel que Dieu l’a fixé. Le verset de Saint Paul : « si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus » vaut pour chacun, et sans restriction. La répugnance au travail est le symptôme d’une absence de la grâce ». En d’autre terme, l’homme est sur Terre pour travailler, non pas pour se donner du loisir et se divertir. Celui qui découvre la tâche dans laquelle il peut réaliser l’œuvre la meilleure, découvre par là le sens de la vie qui lui est propre. La Providence a prévu pour chacun un métier auquel il doit se consacrer, non pas au non d’un destin fatal qui imposerait résignation, mais à titre de « commandement de Dieu » qui enjoint à l’homme de travailler à la gloire divine.

    Suffit-il d’être riche pour se dégager d’une telle obligation ? Non, le riche, comme le pauvre, se doit de travailler. « Le possédant lui non plus ne doit pas manger sans travailler, car même s’il ne lui est pas nécessaire de travailler pour couvrir ses besoins, le commandement divin n’en subsiste pas moins, et il doit lui obéir au même titre que le pauvre ». C’est là un commandement moral, mais qui participe d’une éthique religieuse ; tant que la religion conserve son autorité, elle impose ses prescriptions. La motivation de la richesse comme but avoué du travail reçoit alors une justification importante. Le christianisme, dans ses textes fondateurs, avait jeté un discrédit violent sur l’argent. Souvenons-nous des paroles des Évangiles : « Maudits soient les riches ! ». Le riche entrera au paradis seulement après la prostituée ! Rechercher l’argent, c’est mal, c’est succomber au péché de l’avidité. Pourtant, si la richesse est le résultat d’un travail conduit dans le seul but de glorifier la Création, elle participe aussi de la Volonté de Dieu. Dieu désire que l’homme demeure son intendant et fasse fructifier son Œuvre. La Terre lui a été donnée en partage. « Travaillez donc à être riche pour Dieu, non pour la chair et le péché ». Ainsi la morale protestante parvient à concilier tout à la fois 1°) un certain ascétisme qui discrédite le désir de richesse pour soi-même et s’oppose à la jouissance immédiate, 2°) la déculpabilisation du désir de richesse, du désir d’acquérir dans sa légitimation, qui se voit libéré de toute inhibition. Le désir d’acquérir entre dans la légalité, parce qu’il était entré dans la moralité, puisque voulu directement par Dieu. Toutes les conditions étaient dès lors réunies pour que le travail puisse trouver un sens à la mesure de ses ambitions les plus frénétiques : l’acte de travail était un équivalent d’une prière, le choix du travail un signe de la Providence, la richesse, un dessein de Dieu pour les hommes sur la Terre. Il n'en fallait pas d'avantage pour donner ton son élan au capitalisme.

    Nous autres contemporains, avons hérité de cette tradition, nous en sommes si imprégnés qu’il nous est presque impossible d’aborder le travail avec un esprit vierge de tout présupposé. Dans d’autres contexte culturels, le travail n’a pas subit le contrecoup de cette interprétation. Le confucianisme en Chine n’a pas commencé par jeter sur le travail un discrédit. L’hindouisme voyait dans le travail le moyen de réaliser le dharma, le devoir de chacun. Le système des castes renvoyait chacun au travail qui lui revenait, à son rôle social, ce n’était pas la conséquence d’une malédiction qu’il aurait fallu ensuite contourner ou récupérer. Peut-être faut-il voir dans l’élan du capitalisme une sorte de retour du refoulé !

B. Travail et technique

    A cette éthique protestante, qui deviendra la morale du capitalisme, s’ajoute en Occident les conséquences formidables du tournant moderne de l’orientation du savoir. Si les Anciens avaient conçu le savoir dans une vocation contemplative, les Modernes, eux suivront une voie plus pragmatique. Ils suivront la devise de Descartes, selon laquelle la science doit nous rendre "comme maîtres et possesseurs de la Nature". La Renaissance est une ère d’inventions techniques. Les Lumières sont fascinés par les prodiges de la technique et les découvertes de la science ; ce dont témoigne par exemple la rédaction de l’Encyclopédie par Diderot (texte) et ses comparses. L’inventivité technique qui va se développer à la Renaissance pour rejeter bien loin les tabous qui auraient encore pu régner, quant à la valeur du travail manuel. Le développement de la technique est à la source d’une valorisation sans précédent du champ de la pratique. Cette valorisation va aller jusqu'à installer dans la conscience collective de l’Occident l’idée selon laquelle le travail, en tant que transformation de la Nature, est d’abord essentiellement travail manuel. Comment le développement de la technique a-t-il modifié les conditions et la signification du travail ? (texte)

    1) La main de l’artisan qui œuvre pour transformer la Nature se sert de l’outil. Par nature, la main de l’homme est supérieure à celle des autres animaux. (texte) Elle lui permet d’opposer à la matière (outil) une multitude d’instruments divers. Tant que la force de travail dépend de l’énergie de l’homme, de sa force vitale, la transformation de la Nature exige une main d’œuvre abondante, des bras pour tailler, coudre, bâtir, creuser, découper, chauffer, polir etc. L’outil, s’il est perfectionné, permet de répartir judicieusement l’effort. Un levier est plus efficace qu’une poussée de plusieurs personnes. Un burin permet de tailler certaines formes, un faux de couper d’une manière précise. Toute la question est de connaître la manière de s’en servir. A ce stade, dans la civilisation artisanale, il n’y a pas de différence entre le travail de l’artisan, du serf et le travail de l’artiste. Tous les trois manipulent une matière avec des outils, tous trois développent une habileté dans le maniement des outils.L es possibilités créatrices sont alors directement entre les mains de l’homme. Le travail manuel est l’ingéniosité, l’habileté, la créativité en mouvement. Il laisse libre l’initiative, tout en contribuant aux richesses que les hommes possèdent.

    2) Tout change avec l’arrivée de la machine. (texte) a) Le contact direct avec la matière disparaît et se fait beaucoup plus distant. A l'avènement de l'ère industrielle, la machine s’interpose entre l’homme et la matière. Le travail n’est plus une manipulation exigeant des efforts intenses, une certaine habileté. Il devient un contrôle des possibilités de la machine. b) La charge de déployer l’énergie est dévolue à la machine, que cette énergie soit thermique, dans les premières machines à vapeur, ou thermochimique, dans le moteur à essence ou électrique dans la plupart des machines employées dans les usines. C’est une délivrance à l’égard de l’effort humain que cette prise ne charge, mais en même temps, les possibilités créatrices du travail, autant que ses limites ne sont plus celles de l’homme, mais celles des machines. Certaines travaux sont  «techniquement réalisables » par la machine et d’autres non. Ce qui importe, c’est que l’on ait dans l'usine des ouvriers qualifiés, qui possèdent une grande maîtrise d’un type particulier de machine : le tour, la fraiseuse, la rectifieuse, l’engin de terrassement etc. On en vient alors que c’est la machine qui « travaille » pour l’homme qui la contrôle. Ce qui marque déjà un étrange renversement. Il subsiste une valeur d’habileté humaine, mais qui revient à la maîtrise d’une machine. (texte) D’où la notion de qualification conféré à l’ouvrier le tourneur P1, P2, P3, d’où ces grades que l’on donne à celui qui a acquis une « grande expérience » dans la manipulations de certaines machines. La période qui s’ouvre avec l’apparition des premières machines, a été celle de la machine outil, dont le type est par exemple, le tour ou la fraiseuse, le métier à tisser. C’est aussi l’acte de naissance de l’ouvrier qualifié. L’ouvrier qualifié n’a pas l’initiative de ce qu’il produit, il n’est pas un artisan. La production a été planifiée en vertu de considérations économiques et le concept du produit a été pensé par le bureau d’étude. L’ouvrier ne fait qu’exécuter ce que l’on attend de lui. Il garde pourtant une initiative, celle dans la méthode pour obtenir la réalisation de telle ou telle pièce, comme il conserve aussi une certaine responsabilité. Son habileté et son expérience sont reconnues. Ce statut explique pourquoi la tentation est grande, chez Marx, d'assimiler l'ouvrier aux artisans des corporations du Moyen Age dont il semble effectivement assez proche.

    3) La poussée de la technique et son influence sur le travail ne s’arrête pas là.. L’impératif d’un rendement optimal, qui surgit de l’économie, a conduit à la rationalisation du travail. Celle-ci vise à améliorer de plus en plus les moyens de production. Très vite, une machine se voit considérée comme vétuste, dépassée par les nouvelles technologies. L’industrie va absorber de plus en plus une part importante de ses bénéfices dans le renouvellement du parc de ses machines. Mais surtout, l’idée va naître d’une organisation scientifique du travail (texte) qui va objectiver le travail sous forme de tâches élémentaires. Le souci de la rentabilité conduit à diviser le travail en parcelles les plus simples possibles, pour les répartir successivement sur des postes. Une chaîne de montage transportera alors la pièce d’un poste à l’autre pour qu’elle puisse subir une opération après l’autre. Ici des fixations seront percées, là une tôle sera ajoutée, là une peinture sera faite etc. C’est l’étape dominante dans notre monde contemporain, celle du travail à la chaîne. Ces méthodes sont d’abord apparues dans l’industrie automobile avec le taylorisme, et elles se sont répandues dans la confection, l’électroménager etc. etc. On appelle rationalisation du travail la tentative consistant à en objectiver le processus dans le moindre détail pour en contrôler la production. C’est ce type d’usines, sous forme de chaînes, que l’on rencontre en masse dans les pays d’Asie du Sud-est où la main-d’œuvre est bon marché.

    Les incidences sur le monde du travail sont immenses. Avec le travail à la chaîne, est apparu l’ouvrier spécialisé dont le travail n’a plus rien à voir avec celui de l’ouvrier qualifié. L’O.S. est formé sur le tas, en quelques minutes parfois. Il n’a aucune compétence particulière, aucune qualification ; il exécute une tâche répétitive, comme celle de visser un carter, de coller des étiquettes, d’installer une pièce en place. Son travail est par nature fragmentaire. Il est le bouche-trou de la mécanisation. Le mot ouvrier spécialisé est doublement menteur. Il ne fait pas une « œuvre » comme l’artisan d’autrefois. Il n’est pas du tout « spécialisé », c’est le manœuvre, l’homme à tout faire. Il n’a de situation que précaire, tant que le patron n’a pas de machine pour effectuer ce pourquoi l’O.S. est employé. Tant que le salaire de l'O.S. n’est pas trop coûteux, le patron peut le conserver. Dès que ces conditions ne sont plus satisfaisantes, une machine prendra avantageusement la place de l'ouvrier. Le travail, devenu purement technique, est objectif, précis, standardisé, il ne laisse place à aucune initiative. Seul le bureau d’étude possède l’initiative. C’est une activité mécanique et monotone, (texte) le travail en miettes ennuyeux et déprimant. La seule justification que l’on puisse lui trouver, c’est l’argent que l’on y gagne. L’effet de la rationalisation du travail a été de le dépersonnaliser, de lui ôter la valeur de l’habileté et la reconnaissance qui lui était associée.  Du jour au lendemain, n’importe qui peut prendre sa place : vingt ans d’ancienneté sont balayées en une demie heure de formation sur le tas. De plus, ce travail ne délivre même pas la fatigue de l’investissement des forces dans une œuvre ou un projet. Ici, la fatigue est nerveuse, liée à la répétition d’une tâche que l’on exécute assez facilement, sans même faire très attention. Il est possible d’être absent, de penser à autre chose, car on n’a pas vraiment d’intérêt pour ce que l’on fait. Ce qui est répétitif ne nécessite jamais beaucoup d’attention. Au fond l'ouvrier n'est pas très loin d'un robot. Dans le travail à la chaîne, l’ouvrier ne peut pas vraiment aimer ce qu’il fait, il vend sa force de travail et c’est tout. Il se vend lui-même pour un salaire.

    ---------------4) La logique des améliorations techniques et le souci de la rentabilité, se développent logiquement vers l’étape suivante du travail automatisé. L’automatisation est en passe de pouvoir faire disparaître le travail à la chaîne. Elle apparaît quand, sur la chaîne, tous les ouvriers spécialisés ont été remplacés par des robots. On appelle robotique cette discipline qui se consacre à l’élaboration de chaînes complètement automatiques d’où le « travail à la chaîne » a été lui-même supprimé. Le type de machines qui s’y trouve, comporte des processus d’autorégulation, des dispositifs d’auto-commande (feed-back) pour fonctionner d’elles-mêmes. Une telle usine, ne comporte plus d’O.S. mais des ouvriers de fabrication. Là où il fallait autrefois 2000 O.S. pour obtenir une production A, on peut maintenant produire A avec seulement 50 ouvriers de fabrication. Le travail n'est alors plus le même.  L’ouvrier de fabrication est un technicien, il contrôle, répare, entretient, alimente, régule ce que la chaîne automatique produit. Son travail est nettement plus responsable, plus créatif, plus précis, intelligent que le travail de l’O.S. Il a reçu une meilleure formation et il doit régulièrement participer à des stages pour suivre les évolutions de la technique. A cette étape, ce qui domine c’est le travail de l’ingénieur et du technicien. La distance entre l’homme et la matière s’est accrue au maximum. L’objectivation du travail réglée par le bureau d’étude est à son sommet, on ne parle plus d’organisation scientifique du travail (O.S.T. des bac technologiques), mais de robotique. Les pays technologiquement les plus avancés construisent, surtout dans le domaine de la haute technologie, toute une industrie fondée sur l’automatisation. Par contre, ceux qui sont en voie de l’être, qui disposent d’une main-d’œuvre abondante et bon marché, maintiennent le système du travail à la chaîne. Les choix en matière de travail sont dirigés par des considérations économiques : quand une industrie trouve que les coûts sont trop élevés pour franchir le pas de l’automatisation complète, elle opère ce qu’on appelle une délocalisation, en construisant ailleurs ses unités de production, ce qui revient à alimenter le travail à la chaîne d’un pays pauvre pour obtenir une production à bas prix, au dépend du travail dans un pays riche. La mondialisation des échanges joue un rôle important dans le statut du travail technique. C'est elle qui peut décider du maintien d’une forme de travail à caractère aliénant ou de sa suppression en faveur d'un travail plus humain. (texte)

    Résumons. Nous voyons qu’à l’étape 1) le travail conserve une valeur créatrice, la valeur d’un engagement vivant au contact direct de la matière. Ce contact s’estompe à l’étape 2), bien qu’une part de responsabilité, d’habileté subsiste. A l’étape 3) le travail se vide de sa substance, en devenant le seul instrument du machinisme. A l’étape 4) le travail retrouve une valeur, mais il y en a alors beaucoup moins et il est bien plus technique. Même si le système économique, telle que nous le connaissons, devait être dépassé, il n’en resterait pas moins que la technique resterait. La technique s’est insérée dans le monde du travail pour le modifier de fond en comble. Il n’y a plus guère de travail aujourd’hui qui ne soit soumis à l’influence de la technique. Les machines sont partout. La technique n’est plus seulement dans les ateliers de fabrication, elle est dans les bureaux où par exemple l’ordinateur (texte) a remplacé la calculette et la machine à écrire. Les nouvelles technologies exercent une influence considérable qui oblige le travailleur à répondre à une alternative : ou bien suivre l’évolution technique par une formation permanente, ou être relégué en dehors du domaine du travail. En raison des bouleversements techniques, il est aussi devenu impossible de croire que l’on pourra faire exactement la même chose toute sa vie. C’est donc non seulement la quantité de travail qui a été remise en cause par l'irruption de la technique mais aussi la qualité du travail qui a été transformée.

    La conséquence de la montée en puissance des améliorations techniques est telle que, d'un point de vue purement technique, il ne semble plus nécessaire qu’autant de personnes travaillent et travaillent aussi longtemps. (texte) L’augmentation de la productivité, la mécanisation à outrance, (texte) le développement de la consommation de masse, depuis les années 1950, font que le travail n’apparaît même plus comme une nécessité, comme il pouvait l’être dans une société où la production était faible et les besoins immenses, (texte) dans une société où il fallait tout reconstruire à la suite de la guerre. Ce qui pose d’évidence de très graves problèmes. Comment devons-nous, dans nos sociétés postmodernes, gérer cette productivité accrue d’un point de vue économique ? (texte) Comment donner un sens au travail dans ces conditions?

C. Travail et conscience dans la postmodernité

    Nous vivons dans la postmodernité une époque de remise en cause complète de la signification du travail. Nous ne pouvons plus souscrire à la religion du travail des hommes de l'après-guerre, à l'esprit puritain qui voyait dans le travail une exaltation du dieu du Progrès, à la religion du sacrifice dans le travail. Nous vivons un temps dans lequel les slogans "travail, famille, patrie" tombent à plat. Pourquoi?

    1) Parce que la consommation de masse a pris une ampleur démesurée. Les mentalités se sont modifiées dans le sens d'une idéologie de la consommation. La postmodernité vise globalement la promotion du plaisir et qu'elle ne peut plus se reconnaître dans une justification du travail de l'ordre d'une obligation sociale, (texte) de l'effort et du sacrifice. Pour Gilles Lipoveski dans Le Crépuscule du Devoir : "L'avènement de la société de consommation de masse et ses normes de bonheur individualiste ont joué un rôle essentiel : l'évangile du travail a été détrôné par la valorisation du bien-être, des loisirs et du temps libre". Ce sont les valeurs hédonistes qui mesurent toutes les autres valeurs, si donc le travail doit conserver un attrait, il faut qu'il puisse participer de la fun morality  de notre époque. (exercice 8d)

    Mais la contradiction n'est pas mince en l'affaire : c'est la même société qui professait la morale du travail, qui en même temps entreprenait de le déshumaniser pour transformer l'ouvrier en automate sans pensée (texte). Du coup, dans la postmodernité, une opinion s'est définitivement installée dans nos mentalités : la vie commence après le travail. La vie, c'est mener la "vraie vie", celle qui commence après le labeur quotidien quand on peut s'amuser. Cela veut dire que l'homme postmoderne vit dans la représentation de la dualité travail/loisir. Dans l'usine moderne, l'ouvrier travaille seulement pour de l'argent et il commence à vivre quand il sort du boulot, quand il prend des vacances. Huit heures par jour il s'ennuie. Onze mois sur douze il s'ennuie. La vraie vie est ailleurs, après le travail, elle est dans le loisir, les plaisirs quotidiens, elle est dans la consommation, elle commence affalé sur le canapé devant la télévision. Elle n'est pas dans le travail. Il faut donc multiplier les ponts, ménager des horaires flexibles, le temps du travail,  pour sans cesse gagner de la vie en temps libre. L'hédonisme postmoderne dit qu'on ne profitera de la vie qu'en dehors du travail. Le travail, cela permet de profiter en donnant l'argent qui permet d'acheter son bonheur sur les étalages, de se payer des vacances et tout ce dont on rêve. Avec l'argent vous pouvez tout avoir et donc la priorité est de s'en procurer pour vivre, c'est à dire profiter de la vie. L'incantation de la publicité est là pour harceler le consommateur et l'inciter à la fuite : "rêvez donc, nous ferons le reste" ! Mais il vous faut de l'argent pour cela !! Donc essayons de posséder le premier avoir qui donne accès à tous les autres, l'argent. Après, nous aurons le droit de vivre dans l'euphorie de la consommation. 

    2) Tant que notre conception du travail n’aura d’horizon que celui du profit, nous n'aurons pas d'autre alternative que d'y voir un simple moyen ; nous n’aurons pas d’autre choix que de passer notre existence à tenter de gagner davantage pour acquérir davantage, pour avoir plus. Nous serons incapables de voir dans le travail autre chose qu'un moyen de profiter, de capitaliser. Mais cela vaut-il vraiment la peine de perdre sa vie tout en cherchant à la gagner ? Ne sommes-nous pas piégés par la représentation postmoderne de la vie?

     Que cherchons-nous exactement dans le travail ? La plupart d’entre nous répondront : « un moyen de gagner de l’argent ». Mais nécessité qui nous pousse à chercher du travail et à travailler n’est elle pas bien plus qu’économique ? C'est la jouissance entière de la Vie que nous cherchons. Elle n'est pas seulement en dehors du travail. Elle est aussi dans le travail. Au fond de nous, chacun aspire à un travail qui soit un accomplissement de soi. Travailler c'est aussi se réaliser. Nous cherchons dans le travail un vrai plaisir, une satisfaction, une reconnaissance sociale, nous cherchons dans le travail une justification du sens à donner à notre vie. Nous avons besoin de nous sentir utile pour les autres et de nous sentir justifié à nos propres yeux. Il y a donc beaucoup d’hypocrisie à vouloir justifier le travail pour des motifs purement économiques. Les vraies raisons sont bien plus profondes. Chacun  travaille pour l’estime de soi, comme le dit Kant, chacun travaille pour soi. Fondamentalement, et même si cette conscience n’est pas très claire, nous ne travaillons pas pour avoir, mais surtout pour être et nous sentir être davantage. C’est la raison pour laquelle le travail peut nous procurer de la joie. Il ne s’agit donc pas seulement de chercher à gagner sa vie tout en la perdant, ce que font hélas la plupart des gens, en ne voyant de justification du travail qu’économique. Il s’agit plutôt de gagner sa vie, tout en gagnant la Vie. La nécessité qui pousse l’homme à travailler, c’est la nécessité de s’accomplir en tant qu’être humain. Le travail, comme toute autre activité, est une forme d’expansion de la conscience, une jouissance et conquête de soi. (exercice 10a)

    A contrario, c'est exactement ce qui disqualifie le travail le plus inhumain, le travail sous sa forme la plus aliénée. Comment pourrait-on donner une valeur à un travail dans lequel le travailleur n'est qu'un travailleur-objet? Le travail n'a jamais été "objectif". L'objectiver, c'est le nier. C'est seulement quand le travail donne à la subjectivité toute son expression, qu'il est à même de réaliser son essence, dans une expansion de soi.

    ---------------Mais attention. Cela dépend d'une condition, en effet, tout dépend de notre attitude à l’égard du travail lui-même. Pourquoi pensons-nous que travailler est un enfer ? Pourquoi trouvons-nous difficile d’accorder la même attention à notre travail qu’à nos loisirs ? Pourquoi divisons-nous la vie entre des heures de labeur pénible dans le travail et de petits moments de joie dans le loisir ? De quoi nous privons-nous en persévérant dans une telle attitude ? De la valeur extraordinaire de la présence de la Vie à elle-même à chaque instant. Voir dans le travail une continuelle venue à soi de la Vie dans le présent de l’attention, est la seule manière d’en faire un chemin expérience consciente. Le travail prend son sens, quand il est en même temps un travail sur soi.  Il faut renouveler entièrement notre compréhension du travail en explorant en profondeur la dimension de la conscience dans le travail, en regardant le travail sous son angle phénoménologique. La conscience qui travaille est une conscience qui se plonge dans une action qui contribue à une œuvre. L’expansion de soi dans une œuvre est la clé qui permet de penser le sens originel du travail. 

    On pourrait distinguer sous cet angle deux éthiques du travail, l’ancienne, qui a oublié la dimension spirituelle du travail et la nouvelle qui la retrouve. J'emprunte ici un passage d'un texte consacré à la spiritualité au quotidien. En fouillant dans les préjugés pour accentuer les oppositions, cela donnerait ceci : (compléter)

 

Préjugés traditionnels sur le travail

Nouvelle éthique du travail

"Les enfants jouent, les adultes travaillent, le travail est ce qui fait de vous un adulte. La vie n'est pas un jeu".

 

"Le travail est chose que l’on doit chercher hors de soi dans le monde, qui nécessite une lutte constante, la lutte pour la vie".

 

"Le travail, c’est le sérieux, ce qui fait vivre la famille, le reste est secondaire".

 

"le travail se fait seulement loin de chez soi, à l’usine, au bureau, au magasin. A la maison, c’est seulement le loisir pour compenser le travail".

 

"La mère travaille à la maison, mais ce n’est pas un travail".

 

"Le travail est une chose que l’on n’est pas censé choisir ni aimer, mais qu'il faut supporter".

 

"les gens qui ne travaillent pas sont, soit très riches ou soit très pauvres".

 

"Les pauvres qui ne veulent pas travailler sont des paresseux méprisables".

 

"Perdre son travail est la plus grande honte qui puisse nous arriver, car il faut demander la charité et les gens vous considèrent comme un parasite".

 

"Le travail libère l'homme de l'ennui et de l'oisiveté".

 

    Ce tableau met l’accent sur l'importance d'un changement de conscience à l’égard du travail. L’analyse du travail doit non seulement examiner le travail dans son contenu (telle tâche, telle opération etc.) mais aussi la nature du rapport au travail. Le rapport conscient de l’homme au travail n’est pas moins important que le travail lui-même, mais aussi important. Si l'homme est voué au travail, ce n'est pas seulement en vertu d'une contrainte extérieure, mais parce que le travail est aussi dans sa nature. Kant observe que la Nature a été très économe en mesurant la dotation de l'homme par rapport à ses besoins, de telle manière qu'il se doit d'assurer par lui-même son contentement en le tirant de son travail. C'est comme si la Nature "voulait que l'homme dû parvenir par son travail à s'élever à la plus grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de pensée et par là (autant qu'il est possible sur terre) au bonheur". Aussi, Kant estime que le travail reconduit l'homme plus à une estime de lui-même et de ce qu'il a pu accomplir, qu'au bien être. 

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    Une modification radicale de notre manière de concevoir le travail doit s’opérer, pour que le travail retrouve sa dimension consciente. Le travail ne peut plus être regardé seulement comme une sorte de police sociale, comme le disait Nietzsche (texte). Le travail n’est pas une manière de seulement consumer l’énergie de la Vie pour la dévier de son accomplissement. Derrière le travailleur expliquait Nietzsche, il y a l’affirmation du l’individu, l'affirmation de soi. 

    Qu’enfin la Vie puisse se vouloir elle-même au lieu de sacrifier son temps pour de l’argent est une issue inéluctable. Certes, le sentiment religieux de nécessité subsiste dans la conscience occidentale du travail. Il traîne à sa suite une interprétation fataliste qui n’a pas fini de hanter nos mentalités. La conjugaison de l’éthique protestante et du technicisme ont fait que cette fatalité a été déterminée en termes économiques. Mais sous cette sédimentation culturelle, il y a la dimension vécue du travail, dimension à partir de laquelle le travail doit être réévalué. Le sens du travail est donc bien plus complexe que la représentation courante ne le croit. Nous avons l'habitude de mettre en avant une seule justification, l'argent. Cela traduit plus nos mentalités que le sens réel du travail. 

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Vos commentaires

Questions:

1. Qu’est-ce que la mondialisation a modifié au niveau du travail technique ?

2. En quel sens l’attitude à l’égard du travail contribue-t-elle à son appréciation comme pénible ?

3. Est-il pertinent de voir dans  transformation de la nature la visée ultime du travail ?

4. En quel sens le travail participe-t-il de la culture ?

5. Faut-il considérer qu’un homme qui commence à travailler n’a plus besoin d’apprendre ?

6. Comment expliquer le maintient de part le monde d’une  forme de travail aliénante ?

7. Peut-on réellement que dans le divertissement permanent, sans un acte de service à l’égard d’autrui, la vie humaine aurait toujours du sens ?

 

     © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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