La philosophie a par nature pour vocation par nature d’être le carrefour obligé de tous les savoirs. C’est en elle que convergent toutes les réponses, car c’est elle qui pose toutes les questions. Elle est le creuset dans lequel viennent se fondre toutes les interrogations. Cependant, ce serait trop demander à ceux qui l’enseignent d’être au courant de tout. De fait, on peut le regretter, l’enseignement officiel de la philosophie fait l’impasse sur la philosophie extra-européenne, ignore les nouvelles perspectives de la physique quantique comme celles de David Bohm, ou des travaux comme ceux de James Lovelock, de Rupert Sheldrake, ou de Dominique Laplane. Le dossier des NDE fait partie de ces questions passées sous silence. Comme pour d’autres dossiers qui nous semblent importants, nous allons ici tenter de lui rendre justice.
Nous avons vu que la question de la mort pouvait renvoyer à sept réponses différentes, suivant le point de vue que nous prenons sur elle. La quatrième d’entre elles portait sur la possibilité d’une expérience intime de la mort. Nous avons présenté très brièvement quelques unes des recherches portant sur les NDE. Mais le dossier des NDE s’épaissit et prend aujourd’hui une telle ampleur, qu’il n’est plus possible de feindre de l’ignorer. Sur le sujet, nous ne sommes plus au temps des explorateurs, nous sommes au temps de la recherche et de l’interprétation. On ne peut pas s’en tirer sur cette question par un évitement philosophique de principe, même s’il prétend s’appuyer sur des références d’autorité contemporaines.
On ne peut pas indéfiniment ronronner avec des vieilles références quand une provocation nouvelle d’une telle envergure s’impose à nous. Le philosophe doit avoir son mot à dire sur un thème qui le concerne de si près. Il ne s’agit pas d’en faire un tabou officiel et il n’est pas très sérieux intellectuellement de faire complètement l’impasse sur le sujet. Trop de questions importantes sont soulevées, les témoignages ont un poids, une cohérence. Ils forcent l’interprétation et on ne peut pas indéfiniment se défiler devant la nécessité d’une prise en compte de la question. C’est une dérobade sophistique que de tourner les talons en prétendant à la va-vite que la mort « personne ne saurait jamais ce que c’est ». La moindre des choses, avant même de critiquer, serait d’abord de prendre connaissance du dossier. De l’examiner honnêtement, avec ...
En quelques mots la question est celle-ci : Quel enseignement pouvons nous tirer des expériences de mort imminente ?
* *
*
Décrire un
vécu de conscience est
l’approche la plus directe que puisse emprunter le philosophe, car c’est dans la
donation consciente de l’expérience que s’offre le vécu.
C’est dans l’expérience que l’essence se donne pour ce qu’elle est. Un concept,
coupé de toute expérience, est comme une coquille vide, il n’a pas reçu de remplissement intuitif
(R) et reste voué à l’indétermination d’une abstraction vide.
Inversement, une intuition sans concept n’est guère communicable, dans la mesure
où elle ne trouve pas de mots pour se dire. Il est donc de bonne méthode en
philosophie de ne tenir de discours que là où il y a une
expérience possible.
L’expérience possible est comme la clé de voûte de la vérité. Elle supporte le
discours.
Ce qui est attendu, a) c’est bien sûr que l’on prenne appui sur une expérience
authentique, non pas falsifiée ou faussée. b) Il est
aussi souhaitable qu'elle soit d’un ordre aisément accessible tout être humain, afin
que chacun puisse par lui-même relier ce qu’il éprouve à ce qui a été apporté à
titre de description. c) Une expérience prend une valeur
objective quand
elle peut donner des résultats invariants chez tout observateur en possession de
son bon sens. d) Il n’existe pas d’expérience « objective » en soi, toute
expérience est subjective, mais un consensus d’expérience en commun
détermine ce que nous appelons objectivité.(texte)
1) Avec les NDE il est indiscutable que nous sommes en
présence d’un vécu conscient,
tout à fait concret pour celui qui l’éprouve. Nous
disposons de descriptions de cette expérience sous la forme de témoignages.
Quiconque a déjà étudié les récits des experiencer, comme on les appelle
aujourd’hui, ne pourra que reconnaître que l’expérience a aussi un caractère
intuitif, bien que les témoins peinent à
trouver les mots juste pour essayer de décrire ce qui s’est passé. C’est plutôt
un vécu direct, un voir immédiat qui a duré pendant le temps du coma. Ce n’est
pas la démarche inverse consistant à partir de la spéculation avec des concepts
pour raisonner sur un thème précis, celui de la mort, et conclure ensuite vers
des faits. Indéniablement, le critère de l’expérience possible fonctionne.
L’authenticité respire dans ces textes saisis sur le vif. Le sujet des NDE
n’a que rarement de culture spécifique sur le sujet, il rapporte ce qui s’est
passé. Ce n’est pas nécessairement un esprit religieux, bien au contraire. Le
seul problème phénoménologique ...
type d’expérience, de la ...
Notons à ce sujet que ce problème épistémologique du
témoignage n’est pas spécifique aux NDE. Après tout, il se pose avec encore plus
de difficultés dans la plupart des sciences humaines et en particulier en
histoire. Le témoin historique rapporte une situation unique. Une
expérience qui ne peut pas être répétée. Il dit ce qu’il a vu ce jour là, de
l’endroit où il était placé. Il ne rapporte pas une expérience d’un type
spécifique pouvant être connue par d’autres personnes. Pour faire un
rapprochement pertinent, la même question se poserait dans l’ordre de
l’expérience synchronistique. Nous disposons aujourd’hui d’une masse importante
de rapports d’expériences que nous n’avons pas ailleurs, comme dans l’ordre des
témoignages mystiques. Il fallait donc pour les étudier forger une méthodologie
adaptée au phénomène. Ce que plusieurs chercheurs ont fait.
L’histoire
commence avec la parution d’un livre qui va connaître un tirage colossal, La
Vie après la Vie de
Raymond Moody. Nous sommes en 1970, philosophe et
psychiatre, Moody a été interpellé par le témoignage de ses propres
étudiants au sujet de récits rapportés par des proches ayant connu un coma. En
tant que psychiatre, il a eu affaire assez souvent à des réanimations. De nature
très affable, certains de ses patients n’hésitent pas à lui raconter ce qu’ils
avaient vécu pendant un arrêt cardiaque prolongé. Moody commence à prendre des
notes, accumule petit à petit une documentation et décide un jour, un peu par
jeu, pour provoquer ses confrères, de publier la somme de ses réflexions sur ce
qu’il nomme les NDE. Le livre devait être au départ un petit tirage
confidentiel. Il va vite devenir un best seller, faire des vagues et lever tout
d’un coup un tabou, car pour la première fois quelqu’un ose parler de ce que
bien des gens avaient pu connaître, mais n’osaient pas dire, même à leur
proches. Moody procède en paléontologue, il découpe les récits, les compare et
essaye de reconstituer une sorte d’animal étrange, ce que nous appellerons
l’archétype de l’entrée dans la mort.
2) Moody dégage dans ces témoignages une série de
constantes
sous la forme de 14 caractères spécifiques. Par la suite, les chercheurs
travaillant sur le sujet ont précisé différents stades, plus ou moins avancés de
l’expérience. Certains sujets ne vont faire l’expérience que de a), b), ou c),
d’autres rapporteront directement aussi d), e), f) etc.
a) La NDE s’accompagne d’un sentiment d’amour
inconditionnel. Le sujet qualifie directement d’indicible cette expérience,
tant elle diffère de l’expérience habituelle, de l’attachement affectif à
la vie ordinaire. Le témoignage de Philippe Labro : (N°1) « Je n'éprouve qu'une consolante et surprenante
sensation de paix et encore plus d'amour que je n'en ai ressenti récemment, à
l'égard des miens ou des autres. Cet amour est indéfinissable. Je voudrais
pouvoir le donner et l'offrir autour de moi comme du miel, mais je ne suis
entouré que de lumière. Comme des voiles de lumière, des passages et des
courants de blancheur, quelque chose de diaphane, quelque chose de cristallin.
Il n'y a personne vers qui je puisse dispenser l'abondance d'amour qui me
submerge ».
b) Le sujet a la surprise de s’entendre déclaré mort et
tout lui semble soudain étrange. Témoin ces propos, très fréquents chez les
sujets ayant vécu une NDE : (N°2) «
Je n'ai pas compris tout de
suite qu'il
s'agissait de mon corps. Je ne pensais pas que j'étais mort. J'ai entendu
l'infirmière annoncer : " Je ne trouve plus son pouls. Elle ne respire plus,
elle y est passée. " ... Je me sentais très détachée, très à l'aise. Je pensais
en moi-même : qu'est-ce qui t'arrive ? Il y a quelque chose qui ne va pas, je le
sais. Et alors, tout d'un coup j'ai pensé : Oh ! Je suis en train de mourir,
c'est donc ça -- et honnêtement j'en étais heureuse... Et alors je l'ai entendue
(l'infirmière) crier : " Mon Dieu ! Elle est morte…à travers cette obscurité
j'entendis mon mari, comme s'il était très loin, s'écrier : " Cette fois, c'est
fini ! " Et moi je pensais : " Oui, il a raison, c'est fini ! "
c) Le sujet éprouve une sensation profonde de calme et de
paix. Ce que dit assez bien ce témoignage : (N°3) «
Je me sentais
paisible. Je me sentais calme... Je me souviens uniquement de cette sensation de
beau absolu. De paix... et de bonheur ! Oh ! D'un si grand bonheur... le
soulagement... La peur n'existait plus. Je ne ressentais absolument rien si ce
n'est paix, réconfort, bien-être, un grand calme. J'avais l'impression que tous
mes ennuis avaient cessé, et je me disais : " Que c'est doux, que c'est
paisible, je n'ai mal nulle part ».
d) Le sujet entend un son qui lui vient de l’intérieur.
(N°4) «
La première chose dont je me souvienne c'est d'un formidable
grondement. Il me semble avoir entendu comme une espèce de sirène. Une sirène et
quelque chose qui ressemblait à un grand bruissement dans les arbres. Au souffle
d'un grand vent dans les arbres... je commençais à entendre une espèce de
musique : une musique très belle, très majestueuse ». L’expérience alterne
souvent avec son contraire, celle d’un arrière fond d’un Silence jamais éprouvé
auparavant.
---------------e)
Le sujet se sent sortir de son corps et se voit de
l’extérieur. Par exemple : (N°5) «
ma mère et ma bonne criaient et
pleuraient parce qu'elles pensaient que j'étais morte. Je me sentais vraiment
navrée pour elles et pour mon corps ... Juste une profonde, profonde tristesse.
Je peux encore ressentir cette tristesse.(...) puis je me souviens que j'étais
collé au plafond et je regardais les gens en dessous de moi qui s'occupaient de
mon
corps. Après quoi je me retrouvai en train de flotter à peu près à un mètre
cinquante au-dessus du sol, à environ cinq mètres de la voiture. À la suite d'un
accident de la circulation (...) je m'élevais doucement en l'air, et pendant que
je montais je vis d'autres infirmières pénétrer dans la chambre en courant.
Alors j'ai voulu attraper les mains pour les empêcher de me triturer, mais en
vain... (Au cours d'une intervention chirurgicale -- NDA) Je ne sais pas si les
miennes leur passaient au travers ... Je ne sentais pas le contact de ces mains
que j'essayais d'empoigner. J'avais l'impression d'avoir un autre corps (...).
Il était très mince, très délicat. Très léger, très léger. Ce n'était pas un
corps : rien qu'un très léger brouillard, une vapeur.
Cela ressemblait à ces
nuages que produit la fumée des cigarettes lorsqu'ils s'éclairent en passant
auprès d'une lampe (...). Tandis que je sortais de mon corps (...) je les voyais
très nettement (...). Je voyais également ma soeur qui est infirmière à
l'hôpital X (où se trouvait hospitalisé le sujet). (...) Je la voyais entrer
dans l'hôpital pour travailler (...). Quelqu'un lui annonça ce qui se passait et
elle se précipita en haut à toute vitesse. Je l'ai vue faire. Je l'ai vue monter
par l'ascenseur, dire aux gens qu'ils ne pourraient pas sortir à leur étage --
ce qu'elle m'a raconté ensuite et moi de même -- parce qu'elle utilisait le
dispositif d'urgence de l'ascenseur, et elle est montée droit à l'étage ».
-----------
L'accès à totalité de la leçon est protégé.
Cliquer sur ce lien pour obtenir le dossier
© Philosophie et spiritualité, 2005, Serge Carfantan,
Accueil.
Télécharger.
Notions.
Le site Philosophie et spiritualité
autorise les emprunts de courtes citations des textes qu'il publie, mais vous devez mentionner vos sources en donnant le nom
de l'auteur et celui du livre en dessous du titre. Rappel : la version HTML n'est
qu'un brouillon. Demandez par mail la
version définitive, vous obtiendrez le dossier complet qui a servi à la
préparation de la leçon.