De
l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par toutes les options possibles,
c’est un lieu commun : on s’accorde pour dire que les
partis politiques sont nécessaires à la vitalité d’une
démocratie, qu’il se saurait exister de
démocratie
sans partis, d’ailleurs la question ne se pose même pas : comment la politique
pourrait-elle bien fonctionner sans partis ?
Mais un lieu commun peut véhiculer des clichés, des stéréotypes et des croyances infondées. En revanche, nous savons d’un point de vue théorique que la volonté générale ne peut être divisée en volontés particulières. Or l’existence de quatre ou cinq partis dominants, c’est un peu comme s’il n’y avait que quatre ou cinq voix exprimées et non véritablement l’expression d’une volonté générale. En toute logique, Rousseau était contre l’existence des partis. S’il n’y en a qu’un seul, dans un régime totalitaire, comme en Chine ou en Corée du Nord, l’imposition d’un parti unique revient à confisquer la volonté générale en faveur du contrôle du parti et on se demande bien dans ces conditions à quoi peuvent bien servir l’Assemblée et le Sénat. Ils ne sont plus que des chambres d’enregistrement des décisions du parti. À quoi on rétorque que le rejet des partis chez Rousseau est un point faible de sa théorie, dans la pratique, on ne peut s’en passer, car ils sont nécessaires pour fédérer les opinions autour de programmes. Au vu de la situation de la Chine ou de la Corée du Nord, on dira qu’il est indispensable dans une démocratie qu’il y ait plusieurs partis et souhaitable qu’il y ait une alternance au pouvoir.
La cause est bien entendue. Trop bien même. Est-ce par
accoutumance que l’état de fait du fonctionnement
actuel
de nos régimes est considéré comme légitime ? Nous pouvons le craindre. Il y a
des raisons. En 1940, Simone Weil rédigeait un court texte intitulé : Notes
sur la suppression générale des partis politiques. Non content d’être bien
écrit, il est solidement argumenté. Donc,
faut-il maintenir ou bien supprimer les partis
politiques ? Cette leçon gardera en
toile de fond un lien avec le texte de Simone Weil qu’elle se propose de
commenter, mais nous allons aussi faire quelques rapprochements.
* *
*
Dès le
début, Simone Weil prend soin de signaler le sens européen de l’idée de parti et
le sens pris dans les pays anglo-saxons. « Il y a
dans les partis anglo-saxons un élément de jeu, de sport, qui ne peut exister
que dans une institution d'origine aristocratique ».
En effet, cette tradition ancienne se prolonge dans l’affrontement en
travaillistes et
conservateurs.
Inversement en Europe, l’institution des partis est historiquement
davantage plébéienne, car issue de la
révolution et elle se prend de fait davantage au sérieux. Et cependant, il
n’y a aucune logique qui puisse aligner les aspirations révolutionnaires et la
création de partis. La Révolution Française n’a connu que des clubs comme les
Jacobins qui n’étaient que des lieu de discussion. La question est donc de
savoir comment, ce qui aurait plutôt passé comme un « mal à éviter », est devenu
par certains mécanismes qu’il nous faut étudier, une soi-disant nécessité de
fait.
1) Le mécanisme fatal en question dans la période de 1789 a été la situation de la guerre et de la violence civile. « C'est uniquement la pression de la guerre et de la guillotine qui » vit la transformation menant vers un parti totalitaire. Il n’y a rien à redire sur l’existence de club de discussion, mais quand dans la violence civile apparaissent des factions qui luttent les unes contre les autres, comme cela a été le cas dans la période de la Terreur, on a une logique qui mène à la formule de Tomski : « Un parti au pouvoir et tous les autres en prison. » Et nous trouvons ici la thèse de Simone Weil : la tendance au totalitarisme est le péché originel des partis, ce qui veut dire que dès l’instant où nous acceptons l’existence des partis, nous laissons mettre en place des tendances totalitaires de façon quasiment irrémédiable.
Nous avons donc une
conjugaison de deux influences : d’une part, l’héritage du modèle anglais qui a
longtemps séduit les intellectuels du continent comme Montesquieu, qui y voyait
un exemple, un modèle ; d’autre part, il y a
l’héritage de
la Terreur qui nous montre un tout autre aspect, le pouvoir de
division, des partis capables de créer des clans
et des clivages pour dresser un peuple contre lui-même.
La question de fait de la simple existence des partis politiques en va donc pas de soi. « Le fait qu'ils existent n'est nullement un motif de les conserver », on en dirait autant par exemple des centrales nucléaires, des OGM ou de la Bourse, un motif serait que les partis politiques participent du bien, ce qui reste à démontrer. Donc : « Y a-t-il en eux-mêmes une parcelle infinitésimale de bien » ? En bonne logique, si nous pouvons démontrer que leur existence contribue au bien commun, nous aurons des raisons de les conserver, mais s’il s’avère que dans la pratique, ils ne peuvent produire que du mal, nous serions avisés de les supprimer. On juge l’arbre à ses fruits. Voyons de quoi il retourne.
Comment allons-nous reconnaître le bien ? Simone Weil répond : la vérité, la justice, l’utilité publique. Elle précise aussitôt que la démocratie n’est pas en soi un bien, elle ne l’est que comme un moyen que nous estimons efficace en vue du bien, ce qui est différent. Si c’est un pouvoir démocratique produit de la torture, de la violence policière, de la guerre, cela ne donne pas du tout de légitimité à ces actes. (Simone Weil compare la République de Weimar à Hitler). « Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas ».
2) Mais alors, dira-t-on, et
la volonté générale, telle que Rousseau l’a défini dans Le Contrat social ?
Il est exact que notre idéal républicain procède entièrement de la
volonté générale, mais cette
expression n’est plus du tout claire
et
nous nous sommes beaucoup éloignés de ce que disait Rousseau qui avait en vue
notamment bien plus qu’un intérêt général. Rousseau partait de deux évidences :
1) « la raison discerne et choisit la justice et
l'utilité… et que tout crime a pour mobile la
passion ». 2) « la raison
est identique chez tous les hommes, au lieu que les passions,
le plus souvent, diffèrent ». Si sur un problème qui met en jeu le bien
commun, chacun réfléchit et qu’ensuite les opinions sont comparées, elles vont
certainement coïncider dans leur partie juste et raisonnable, par contre elles
vont se séparer là où il y aura des erreurs et des injustices. C’est dans cette
mesure limitée que nous pouvons admettre sur le plan politique que le
« consensus » indique la vérité. L’idée est donc que la vérité et la justice
sont unifiantes, tandis que les erreurs et les injustices sont variables.
Nous adhérons à la démocratie, car nous pensons
qu’elle est susceptible de fournir un mécanisme satisfaisant pour que la
volonté générale s’exprime et
nul doute que le peuple se veut du bien. Donc, un « vouloir commun
à tout un peuple est en fait conforme à la justice, par la neutralisation
mutuelle et la compensation des passions particulières ». Dans la suite, Simone
Weil se sert d’une analogie, celle de la masse d’eau dans laquelle les
particules sont en équilibre, condition qui lui permet d’indiquer correctement
le plan horizontal. De la même manière, quand bien même il y aurait dans la
masse du peuple des individus passionnés. « Une constitution démocratique est
bonne si d'abord elle accomplit dans le peuple cet état d'équilibre, et si
ensuite seulement elle fait en sorte que les vouloirs du peuple soient
exécutés ». L’esprit de 1789 revient donc à soutenir qu’une chose est juste, non
pas parce que le peuple le veut, mais que s’il est correctement exprimé, le
vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la
justice ».
Mais il y a une restriction de
taille. « Le raisonnement de Rousseau tombe dès qu'il y a passion
collective. Rousseau le savait bien. La passion
collective est une impulsion de
crime et de mensonges infiniment plus puissante qu'aucune passion individuelle ».
Simone Weil a reçu les leçons d’Alain, (texte)
son professeur qui se méfiait des exaspérations collectives du peuple, de ses
fureurs aveugles. Ici, nous pourrions en appeler à Gustave Le Bon,
La psychologie des foules. Dans ce cas, les
impulsions mauvaises ne parviennent pas se neutraliser et elles augmentent en
puissance. Pour reprendre l’analogie de l’eau, un courant, cinq ou six courants
vont faire des remous et l’eau ne rendra plus l’équilibre. On aura des bandes de
criminels. Et on devine ce qui sera écrit par la suite : l’existence même des
partis est susceptible
de
créer ces courants violents.
3) Il est indispensable que le peuple puisse exprimer sa volonté pour tout ce qui concerne le bien commun, car il ne s’agit pas seulement d’un choix de personnes, ni de collectivités. Or en 1789 cela a en effet existé dans les Cahiers de doléances. « Tout ce qu'il y avait de vivant à travers tout le pays — et le pays débordait alors de vie — avait cherché à exprimer une pensée par l'organe des cahiers de revendications. Les représentants s'étaient en grande partie fait connaître au cours de cette coopération dans la pensée; ils en gardaient la chaleur; ils sentaient le pays attentif à leurs paroles, jaloux de surveiller si elles traduisaient exactement ses aspirations. Pendant quelque temps — peu de temps — ils furent vraiment de simples organes d'expression pour la pensée publique ». Cette brève période de deux ans était démocratique. Et Simone Weil ajoute avec une profonde lucidité : « Pareille chose ne se produisit jamais plus », car allait s’établir le gouvernement représentatif dont l’objectif avoué était de supprimer la démocratie.
Donc, une fois ces points admis, on voit qu’il importe 1) de donner au peuple la possibilité de s’exprimer sur le bien commun, 2) mais il est essentiel qu’au moment où le peuple est interrogé ne circule pas à travers lui des passions collectives susceptibles de corrompre son jugement. Et c’est là que nous cernons le mieux l’ambiguïté des partis politiques :
« Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective ».
« Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres ».
« La première fin, et, en dernière analyse, l'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite ».
Comment dès lors ne pas voir que « tout parti politique est totalitaire en germe et en aspiration » ? Comment ne pas voir que l’accroissement égotique d’un parti, sa tendance à vouloir être bigger and bigger, mène droit à ce que Jacques Ellul aussi de son côté appelle le retournement entre fin et moyens ? C’est le cas pour l’usage de l’argent, le pouvoir, l’État, la bureaucratie, etc.. L’existence même des partis invite ces retournements. À quoi Simone Weil rétorque que le bien est la seule fin et que tout ce qui appartient au domaine des faits n’est que moyens.
Un parti est en principe un instrument au service d’une une certaine conception du bien public dans laquelle il y a coïncidence entre le bien public et ses intérêts. Ce n’est jamais dit clairement, c’est au contraire dissimulé, mais il n’est pas nécessaire d’être un observateur subtil de la vie publique pour s’en rendre compte. Chose tout à fait remarquable et parfaitement vérifiable, la doctrine d’un parti est toujours de l’ordre d’un discours extrêmement vague. « Aucun homme, si profondément qu'il ait étudié la politique, ne serait capable d'un exposé précis et clair relativement à la doctrine d'aucun parti, y compris, le cas échéant, le sien propre ». D’ailleurs, même un intellectuel qui aurait ferraillé toute sa vie avec des idées n’a que très rarement une « doctrine ». Dans ces conditions, comment comprendre l’adhésion à un parti?
1) Toujours dans le texte,
Simone Weil remarque que l’adhérent d’un parti a toujours du mal à formuler sa
« doctrine » ; devant la difficulté, il avouera peut-être
une incapacité personnelle, pensant que d’autres, comme les
cadres
du parti, sauraient répondre correctement à la question. Mais dans ce registre
le flou demeure et il doit demeurer ; inversement, il est tout à fait judicieux
de parler « de doctrine chrétienne, doctrine hindoue, doctrine pythagoricienne,
et ainsi de suite ». Pourquoi ? Parce que ce qui est désigné transporte
réellement une pensée élaborée, ce n’est pas une chose strictement individuelle,
ni même collective. Une doctrine développe en concepts un point de vue qui met
en jeu la vérité. Ce n’est pas l’objet de ce que nous pourrions appeler la
« doctrine d’un parti », formule qui ne veut rien dire du tout. Un parti n’a
guère de visée aussi intellectuelle et se complaît au contraire dans le vague,
un parti politique n’implique pas toute une érudition, une science ou une
philosophie. Il est très à l’aise avec un discours basique, assez vague et pour
tout dire, avec la langue de bois. Il est donc tout à fait normal que sur les
fins un parti reste dans le vague : « La fin d'un parti politique est chose
vague et irréelle. Si elle était réelle, elle exigerait un très grand effort
d'attention, car une conception du bien public n'est pas chose facile à
penser ». Et on comprend mieux que concrètement, tout est plus facile et
factuel. Il y a un parti et des gens qui adhèrent au parti pour se supporter.
« L'existence du parti est palpable, évidente, et n'exige aucun effort pour être
reconnue ». Le reste de la phrase se laisse deviner: « Il est ainsi inévitable
qu'en fait le parti soit à lui-même sa propre fin ». Comme le parti est sa
propre fin, il est semblable à Dieu qui est fin en soi, et donc il suscite une
certaine forme d’idolâtrie personnelle, le jeu du
charisme (terme à l’origine
religieux).
Ensuite, ce qui en découle est la logique même du pouvoir : on dira alors que pour que le parti puisse servir adéquatement la conception qui est la sienne du bien commun, il faut qu’il possède « une large quantité de pouvoir ». Bizarrement, en pratique, « aucune quantité finie de pouvoir ne peut jamais être en fait regardée comme suffisante, surtout une fois obtenue ». Le parti se trouve toujours en butte à une impuissance qu’il tend à attribuer à l’insuffisance du pouvoir dont il dispose, et même s’il parvenait à être complètement maître du pays, il trouverait encore à se plaindre des circonstances internationales qui lui imposent d’étroites limites. Simone Weil a très bien compris qu’en fait, les limites sont dans l’insuffisance de la pensée d’un parti, dans son caractère fictif. En revanche, l’expansion du pouvoir ne fait que confirmer que « la tendance essentielle des partis est totalitaire ». À partir du moment où la croissance d’un parti constitue ouvertement un objectif recherché, il s’ensuit inévitablement une pression exercée sur la pensée des individus, pression exercée par le biais de la propagande. Or « le but avoué de la propagande est de persuader et non-pas de communiquer de la lumière. Hitler a très bien vu que la propagande est toujours une tentative d'asservissement des esprits. Tous les partis font de la propagande. Celui qui n'en ferait pas disparaîtrait du fait que les autres en font. Tous avouent qu'ils font de la propagande ».
On répondra bien sûr qu’il s’agit de faire œuvre d’éducation « à l'égard de ceux qui sont venus à eux, sympathisants, jeunes, nouveaux adhérents ». Mais qui ne voit pas ici le mensonge ? Il s'agit surtout «d'un dressage pour préparer l'emprise bien plus rigoureuse exercée par le parti sur la pensée de ses membres. Supposons un membre d'un parti — député, candidat à la députation, ou simplement militant — qui prenne en public l'engagement que voici : « Toutes les fois que j'examinerai n'importe quel problème politique ou social, je m'engage à oublier absolument le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivement de discerner le bien public et la justice. Ce langage serait très mal accueilli. Les siens et même beaucoup d'autres l'accuseraient de trahison. Les moins hostiles diraient : «Pourquoi alors a-t-il adhéré à un parti ?» — avouant ainsi naïvement qu'en entrant dans un parti on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice. Cet homme serait exclu de son parti, ou au moins en perdrait l'investiture; il ne serait certainement pas élu ». Par contre, ce qui semble nettement plus normal, c’est que quelqu’un dise : « comme conservateur — » ou : « comme socialiste — je pense que... » en s’alignant sur une soi-disant «doctrine » qui serait celle du parti. Nous savons pourtant depuis Rousseau qu’un citoyen qui s’engage dans une fonction politique n’est jamais qu’un « ministre » du Peuple au service de la volonté générale… et de rien d’autre, ce qui veut dire d’aucun intérêt particulier, aucun lobby. Donc aucun parti.
Ce qui nous mène à un dilemme : ou bien je pense par moi-même pour me demander en pleine conscience, ce qui serait souhaitable pour le bien commun, et je risque de souvent m’éloigner par là des opinions du parti, ou bien je m’y conforme et je reconnais donc par avance que les « bonnes » réponses sont celles du parti, ce qui m’évite de me confronter directement aux questions. Je perds le souci de la vérité. « Si on reconnaît qu'il y a une vérité, il n'est permis de penser que ce qui est vrai. On pense alors telle chose, non parce qu'on se trouve être en fait Français, ou catholique, ou socialiste, mais parce que la lumière irrésistible de l'évidence oblige à penser ainsi et non autrement ». Pas facile de tenir l’entre deux entre liberté intérieure et discipline de parti. Donc, « si un homme, membre d'un parti, est absolument résolu à n'être fidèle en toutes ses pensées qu'à la lumière intérieure exclusivement et à rien d'autre, il ne peut pas faire connaître cette résolution à son parti, il est alors vis-à-vis de lui en état de mensonge ».
Difficile par conséquent
d’éviter ce qui suit : « Si je m'apprête à dire, au nom de mon parti, des choses
que j'estime contraires à la vérité et à la justice, vais-je l'indiquer dans un
avertissement préalable ? Si je ne le fais pas, je mens.
De ces trois formes de mensonge — au
parti, au public, à soi-même — la première
est de loin la moins mauvaise. Mais si l'appartenance à un parti contraint
toujours, en tout cas, au mensonge, l'existence des partis est absolument,
inconditionnellement un mal ». Si maintenant, on maintient la position
habituelle : M. A exposera le point de vue socialiste, M. B exposera le point de
vue… on retombe dans la difficulté soulignée plus haut : « Comment ces
malheureux s'y prenaient-ils pour connaître le point de vue qu'ils devaient
exposer ? Qui pouvaient-ils consulter ? Quel oracle ? Une collectivité n'a pas
de langue ni de plume. Les organes d'expression sont tous individuels ».
2) L’exercice est impossible. Si nous voulons la vérité, il faut accepter le vide du savoir, le désir du vrai exige la nudité, l’absence d’opinion préconçue. « C'est en désirant la vérité à vide et sans tenter d'en deviner d'avance le contenu qu'on reçoit la lumière. C'est là tout le mécanisme de l'attention. Il est impossible d'examiner les problèmes effroyablement complexes de la vie publique en étant attentif à la fois, d'une part à discerner la vérité, la justice, le bien public, d'autre part à conserver l'attitude qui convient à un membre de tel groupement. La faculté humaine d'attention n'est pas capable simultanément des deux soucis. En fait, quiconque s'attache à l'un abandonne l'autre ». Mais les deux positions ne sont pas du tout équivalentes. Il ne faut pas oublier que « le système des partis comporte les pénalités les plus douloureuses pour l'indocilité. Des pénalités qui atteignent presque tout — la carrière, les sentiments, l'amitié, la réputation, la partie extérieure de l'honneur, parfois même la vie de famille ». De quoi y réfléchir à deux fois pour qui s’est engagé. « L'existence de pénalités fausse inévitablement le discernement ». L’exemple qui suit est assez clair : « Si un homme fait des calculs numériques très complexes en sachant qu'il sera fouetté toutes les fois qu'il obtiendra comme résultat un nombre pair, sa situation est très difficile. Quelque chose dans la partie charnelle de l'âme le poussera à donner un petit coup de pouce aux calculs pour obtenir toujours un nombre impair. En voulant réagir, il risquera de trouver un nombre pair même là où il n'en faut pas. Prise dans cette oscillation, son attention n'est plus intacte ». On voit qu’un homme dans cette situation doit tout faire pour échapper à ses bourreaux et s’il peut éviter de se retrouver pris dans une situation aussi peu enviable, il doit le faire. « Il en est exactement ainsi des partis politiques ». La conclusion tombe : « Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l'étendue d'un pays, pas un esprit ne donne son attention à l'effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. Il en résulte que — sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites — il n'est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité. Si on confiait au diable l'organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux ».
Et puisque nous parlons un
langage de religion, allons jusqu’au bout, car il est indispensable de faire un
rapprochement entre les deux. « Il faut avouer que le mécanisme d'oppression
spirituelle et mentale propre aux partis a été introduit dans l'histoire par
l'Église catholique dans sa lutte contre l'hérésie. Un converti qui entre dans
l'Église — ou un fidèle qui délibère avec lui-même et résout d'y demeurer — a
aperçu dans le dogme du vrai et du bien. Mais en franchissant le seuil il
professe du même coup n'être pas frappé par les anathema sit,
c'est-à-dire accepter en bloc tous les articles dits « de foi stricte ». Ces
articles, il ne les a pas étudiés ». Ce n’est pas du tout par hasard si nous
qualifions
parfois « d’hérétique »
celui qui quitte le giron d’un parti ou encore un scientifique qui s’oppose
à la science normale de son temps,
ou un économiste atterré qui n’est pas d’accord avec le dogme néo-libéral.
Qu’est-ce qui est en jeu ? Une forme de soumission à
l’autorité. Une soumission à l’argument
d’autorité. Il est tout à
fait clair qu’elle fonctionne très bien en politique dans l’adhésion aux
opinions du parti. « Comment adhérer à des affirmations qu'on ne connaît pas? Il
suffît de se soumettre inconditionnellement à l'autorité d'où elles émanent.
C'est pourquoi saint Thomas ne veut soutenir ses affirmations que par l'autorité
de l'Église, à l'exclusion de tout autre argument. Car, dit-il, il n'en faut pas
davantage pour ceux qui l'acceptent; et aucun argument ne persuaderait ceux qui
la refusent ». « Ainsi, la lumière intérieure de
l'évidence, cette faculté de discernement accordée
d'en haut à l'âme humaine comme réponse au désir de vérité, est mise au rebut,
condamnée aux tâches serviles, comme de faire des additions, exclue de toutes
les recherches relatives à la destinée spirituelle de l'homme. Le mobile de la
pensée n'est plus le désir inconditionné, non défini, de la vérité, mais le
désir de la conformité avec un enseignement établi d'avance ». L’Église
n’a pas réussi à étouffer complètement le désir de vérité, il s’est même s’est
réfugié dans son propre sein dans la mystique. Dans la suite des siècles la
Réforme et l’humanisme de la Renaissance ont secoué le joug, préparé le terrain
qui mène à la Révolution Française. Les Lumières
avaient auparavant rejeté l’argument d’autorité. Et, pourtant le feu de paille
de la Révolution n’a pas duré avec l’établissement du gouvernement
représentatif. La même structure mentale de
soumission à l’autorité réapparaît avec la « démocratie fondée sur le jeu
des partis, dont chacun est une petite Église profane armée de la menace
d'excommunication ». Bien sûr, en adhérant à un parti, il va de soi qu’un
homme va d’abord y reconnaître des positions qu’il juge bien fondées, mais il ne
connaît pas l’ensemble des problèmes et le reste des questions. Donc, « en
entrant dans le parti, il accepte des positions qu'il ignore. Ainsi, il soumet
sa pensée à l'autorité du parti. Quand, peu à peu, il connaîtra ces positions,
il les admettra sans examen. C'est exactement la situation de celui qui adhère à l'orthodoxie catholique conçue comme fait saint
Thomas ». « Si un homme disait, en demandant sa carte de membre : « Je suis
d'accord avec le parti sur tel, tel, tel point; je n'ai pas étudié ses autres
positions et je réserve entièrement mon opinion tant que je n'en aurai pas fait
l'étude », on le prierait sans doute de repasser plus tard. Mais en fait, sauf
exceptions très rares, un homme qui entre dans un parti adopte docilement
l'attitude d'esprit qu'il exprimera plus tard par les mots : « comme
monarchistes, comme socialiste, je pense que... » C'est tellement confortable !
Car c'est ne pas penser. Il n'y a rien de plus confortable que de ne pas
penser ». De là nous pouvons très facilement en conclure que l’existence des
partis politique est nocive à l’exercice d’une libre-pensée.
Le troisième caractère des partis, à savoir qu'ils sont des machines à fabriquer de la passion collective, « n'a pas à être établi. La passion collective est l'unique énergie dont disposent les partis pour la propagande extérieure et pour la pression exercée sur l'âme de chaque membre ». En toute lucidité, nous devrions reconnaître que c’est un mal dont les effets visibles dans l’Histoire sont patents ; mais notre époque manque de discernement. Les responsables des médias mainstream croient qu’il faut exciter les passions collectives et que le public ne peut être accroché qu’avec de l’émotionnel. À l’heure actuelle, un débat d’idées fin, posé et intelligent semble ne plus avoir sa place dans l’audio-visuel. Point de journalistes, il faut des animateurs, pour chauffer la salle, exciter le mental dans des oppositions binaires, des petites phrases, des brèves de comptoir et tant pis si ce que l’on dit n’est pas vrai, ce qui compte, c’est l’effet. Donc cliver tous les débats avec des pour et des contre, et c’est exactement ce qui convient à l’esprit de parti en politique, mais est-ce bien ce que nous attendons dans la représentation politique ?
1) De ce
qui précède, nous pourrions conclure que « la suppression des partis serait du
bien presque pur », elle serait moralement
légitime, car précisément une
volonté morale veut le bien.
La suite de la phrase ajoute « qu’elle est éminemment
légitime en principe », donc
politiquement légitime, conforme à ce que nous
pouvons attendre d’un régime apte à travailler pour le bien commun. L'existence
des partis est foncièrement antidémocratique. En effet, s’il n’y avait pas de
partis politiques, les futurs représentants du peuple diraient aux électeurs,
non pas : « j'ai telle étiquette » — ce qui pratiquement n'apprend
rigoureusement rien au public sur leur attitude concrète concernant les
problèmes concrets — mais : « Je pense telle, telle et telle chose à l'égard
de tel, tel, tel grand problème ». En l’absence de discipline du parti,
« les élus s'associeront et se dissocieront selon le jeu naturel et mouvant des
affinités. Je peux très bien être en accord avec M. A. sur la colonisation et en
désaccord avec lui sur la propriété paysanne; et inversement pour M. B. Si on
parle de colonisation, j'irai, avant la séance, causer un peu avec M. A.; si on
parle de propriété paysanne, avec M. B ». Le représentant s’exprime après examen
et en conscience sur ce qui lui semble une décision juste concernant tel
ou tel problème. Nous aurions alors la situation où « un député pouvait être en
désaccord, pour toutes les attitudes concrètes, avec un collègue de son parti et
en accord avec un homme d'un autre parti. Combien de fois, en
Allemagne,
en 1932, un communiste et un nazi, discutant dans la rue, ont été frappés de
vertige mental en constatant qu'ils étaient d'accord sur tous les points ! »,
et, pourtant ils étaient censés devoir s’affronter.
L’existence des partis crée cette situation loufoque où une idée excellente est rejetée… parce qu’elle est proposée par le parti d’en face, alors même qu’elle serait acceptée si elle venait de son propre parti ! On voit donc à quel point l’existence des partis est nocive car elle corrompt par avance le jugement ; sans partis nous jugerions sur des idées, des propositions, des décisions. Il n’y aurait pas de querelles de clans puisque les partis seraient supprimés. Notons cependant que cette perversion n’est pas propre à la politique, car elle est caractéristique de l’argument d’autorité ; elle se retrouve partout où il y a des clans et des enjeux de pouvoir, y compris dans le domaine scientifique. C’est une forme de bêtise ordinaire qui consiste à vouloir ranger toute idée dans une boîte, l’idée « communiste », l’idée « socialiste » ou « libérale », « idée de droite » ou « idée de gauche », ce qui permet de ne jamais réfléchir sur une décision à partir du moment où elle n’a pas été proposée par son propre camp. Ce genre de bêtise ne se remarque plus, probablement parce que noyée dans un type de fonctionnement mental grégaire dont nous ne savons plus nous dégager.
Si nous considérons maintenant le débat public, « hors du Parlement, comme il existerait des revues d'idées, il y aura tout naturellement autour d'elles des milieux. Mais ces milieux devraient être maintenus à l'état de fluidité. C'est la fluidité qui distingue du parti un milieu d'affinité et l'empêche d'avoir une influence mauvaise. Quand on fréquente amicalement celui qui dirige telle revue, ceux qui y écrivent souvent, quand on y écrit soi-même, on sait qu'on est en contact avec le milieu de cette revue. Mais on ne sait pas soi-même si on en fait partie; il n'y a pas de distinction nette entre le dedans et le dehors. …Mais personne ne songerait à penser ou à dire : « en tant que lié à telle revue, je pense que... » Cela n’a aucun sens car nous sommes dans le milieu de la communication. Et d'ailleurs, puisque le Parlement est le lieu où l’on parle, il devrait aussi s’entendre comme un lieu de communication, et non pas cet enfantillage d’affrontement de personnes ou de partis.
Ce que Simone Weil veut donc nous dire, c’est qu’il ne faut en aucun cas nous soustraire à l’obligation de la réflexion personnelle, or la manie de vouloir tout trancher en raison/tort, pour/contre, est tellement accentuée par l’existence des partis que ce serait déjà une libération de l’intelligence si nous pouvions nous en débarrasser. Le malheur, c’est que « presque partout — et même souvent pour des problèmes purement techniques — l'opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s'est substituée à l'obligation de la pensée. C'est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s'est étendue, à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée. Il est douteux qu'on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques ». L’obligation de la pensée demande de prendre en compte tous les aspects d’une question, d’en faire une sérieuse investigation et c’est seulement après que, l’on peut savoir quelle décision prendre en direction du bien commun. Il est suffisamment clair qu’une décision raisonnable n’a rien à voir avec des positions partisanes prises à l’avance, ni avec la pensée dualiste en général, mais dans une vision globale et non-duelle.
Ajoutons
cependant que ce n’est pas en supprimant les partis que l’on mettra fin à la
pensée duelle, car elle réside dans le mental lui-même, dans son fonctionnement
le plus basique. Nous pourrions même renverser les choses, disant que c’est
la pensée duelle qui a engendré, comme son ultime concrétion (ou décadence si
l’on préfère), l’existence des partis. La véritable difficulté, c’est qu’alors
nous perdons le sens englobant de l’intelligence. Simone Weil a
parfaitement raison, supprimer les partis serait déjà un bon point en faveur
d’une restauration de l’intelligence, un signal fort pour dire que le mode de
pensée à partir duquel les partis procèdent est
complètement
inadéquat et obsolète. À défaut de ne pouvoir politiquement en supprimer la
cause, au moins pourrait-on ne pas aggraver le mal en maintenant une structure
qui ne fait que répliquer une perversion de la pensée.
2) Ce n’est pas tout. Il y a aussi le volet juridique et financier. En France, les partis politiques sont censés être des associations loi 1901, donc sans but lucratif. En tant qu’associations loi 1901, ils devraient vivre des cotisations de leurs adhérents. Mais c’est une illusion, il y a loin entre ce statut et la réalité. Un grand nombre d’affaires politico-financières ont démontré à l’envie que par le jeu de mécanismes occultes, les partis se sont transformés en véritables organisations commerciales, en particulier grâce aux dons d’entreprises couvrant des avantages. On ne compte plus depuis les années 1980 les affaires d’emplois et de prestations fictives, de manigances de rétro-commissions sur des marchés publics. La législation a bien tenté d’encadrer le financement des partis, mais elle n’est pas parvenue à assainir une situation qui est en fait structurellement une insanité. Ainsi s’explique la prolifération incroyable des associations de collecte de fonds. En 2015 la Cour des Comptes dénombrait 338 associations politiques contre 123 en 2008. Pourquoi ? Plus la législation se durcit et… plus se multiplient les organismes, les micros partis, pour la contourner dans la légalité. La raison est à trouver dans le plafonnement légal des dons. Si une petite dizaine de partis occupent en aval la scène politique officielle, en France, au total, il y a en amont tout un étalage de réseaux de collecte de fonds, au final le pays compte 15 fois plus de partis qu’en 1990 !
Or dans le même temps toutes les enquêtes montrent une désaffection générale des partis. Le déclin des partis est même devenu un thème récurrent du discours politique. La fidélité des électeurs n’est plus ce qu’elle était dans les années 60 ; s’il reste un noyau dur de sympathisants, il y a de moins en moins d’attachement à un parti et cette tendance est attestée dans l’ensemble des gouvernements représentatifs de par le monde. Cela veut dire que depuis 40 ans, dans nos démocraties, de moins en moins de personnes s’identifient à un parti, en particulier les jeunes. Un nombre croissant d’électeurs font leur choix au cours de la campagne, voire le jour même de l’élection, sans attachement réel au parti auquel ils accordent au bout du compte leur suffrage.
Alors comment expliquer cette contradiction ? Par la personnalisation phénoménale de l’élection. L’attraction du pouvoir n’a rien perdu de sa superbe et la volonté de puissance ne s’exprime nulle part ailleurs mieux qu’en politique. Or, pour obtenir les postes du pouvoir… il faut beaucoup, beaucoup d’argent. Donc, beaucoup d’organisations pour collecter des dons. Il est extrêmement rare, en raison même de la nature même du processus électif, qu’un candidat puisse se faire élire au Parlement sans le soutien d’un parti qui a pignon sur rue. Il faut pour exister occuper les médias, car la politique n’existe que dans l’opinion et l’opinion est façonnée par les médias. Désormais, les partis mènent des campagnes massives dans les médias, mais au service de la personnalité d’un dirigeant. De sorte que si nous voulions prendre réellement le problème des partis à sa racine, il faudrait supprimer l’élection. Mais l’élection est devenue dans nos mentalités synonyme de démocratie et donc, très logiquement, d’une croyance mère, vers les croyances filles, nous devons accepter ce qui fait corps avec elle. Donc, les partis deviennent ipso facto des machines à élire des hommes politiques. Il ne faut pas se leurrer, les campagnes concentrent l’essentiel de l’énergie des partis, ce qui explique la formidable montée en puissance des dépenses électorales. Il faut des experts grassement rémunérés, des publicitaires, des agents marketing, des études d’opinion, etc. Le recours à des professionnels fait dramatiquement monter les coûts. Si dans les années 60 les militants et les adhérents constituaient le gros des forces d’un parti, aujourd’hui la dynamique est différente, elle est entretenue par un dirigeant entouré de professionnels, ce qui n’empêche pas, bien au contraire, que l’on ait besoin de militants pour… collecter des fonds. Et ce n’est pas du tout contradictoire, bien au contraire, avec l’orientation vers la propagande et la pensée minimaliste d’un parti. Ce qu’a fort bien vu Simone Weil. La propagande légitime l’appel des dons, la manne financière entretient la machine élective[1] qui réassure la propagande qui n’a qu’une fin la conquête du pouvoir. C’est une boucle fermée dont le fonctionnement tend dangereusement à s’écarter de ce pour quoi la politique nous semble justifiée ; il n’est donc pas étonnant que nous ayons l’impression tenace que les dirigeants parvenus au pouvoir par de tels moyens vivent coupés du peuple. Un parti politique est rigoureusement parlant une machine à fabriquer une oligarchie. Il l’est non pas de manière accidentelle, mais de façon nécessaire. Ce qui fait alors vraiment question, car nous ne voyons pas du tout pour quelle raison nous devrions continuer à mettre ensemble ces deux mots qui se tirent la langue « démocratie » et « partis politiques ».
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Nous pouvons retourner la chose en tous sens, le texte de Simone Weil est court mais incisif, remarquable de par sa cohérence et la puissance de son argumentation. Que peuvent bien répondre les politiques ? Ils diront que « les partis ont accompagné le développement de la démocratie », que leur existence est « consacrée par la Constitution », qu’ils sont « un lieu privilégié de l'expression démocratique », mais il faudra alors expliquer pourquoi ils ont délibérément été utilisés pour supprimer la démocratie, comme le parti nazi en Allemagne ou le Parti communiste en Union soviétique. Ce qui n’est que la traduction in concreto de leur tendance totalitaire. Et là on comprend que si les régimes totalitaires ont supprimé les partis politiques sans en nier le concept, c’était à condition de n'en avoir qu'un seul et de régner sans partage. Qu’il n’y en ait que deux, comme dans le bipartisme n’arrange rien, car cela ne fait qu’accentuer la pensée dualisante sans laquelle ils ne peuvent pas exister, pensée qui est dans sa nature même réductrice et profondément nocive. Il faudrait encore s’interroger sur le sens exact du mot « démocratie » qu’il ne faut pas confondre avec le gouvernement représentatif. Il faudrait aussi comprendre qu’un peuple peut parfaitement changer la Constitution et qu’il le fait systématiquement dans toutes les révolutions. Et pourquoi ne pas y écrire que les partis politiques seront interdits ? Cela n’empêche nullement qu’il y ait une agora publique, des lieux de discussions, des revues, des échanges, des clubs ouverts à la communication.
Laissons la parole pour finir à Jacques Ellul : « Le citoyen qui, parce qu’il répond à une convocation d’un meeting, croit participer à la vie politique, cède à la plus lamentable illusion, confondant participation au parti, avec participation à la politique réelle[2] ».
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[1] Très curieusement, (il suffit de modifier le vocabulaire), cette dérive fait fortement penser au fonctionnement des sectes.
[2] Jacques Ellul, L’illusion politique, p. 230.
© Philosophie et spiritualité, 2017, Serge Carfantan,
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