La montée au
pouvoir d’un homme porté par l’enthousiasme des masses, le rejet d’un
gouvernement par un peuple, les déchaînements meurtriers des
guerres, les conversions massives dans une
religion, l’avènement d’une
période historique visiblement nouvelle, les
périodes créatives de manifestation artistique, de haute architecture ou de
développements technologiques accélérés, les conduites hystériques
d’une foule dans un stade, un rassemblement citoyen spontané de grande ampleur:
tout cela constitue des événements
collectifs. Ils nous rappellent que l’existence individuelle n’est
pas séparable de la société dans laquelle elle se
déploie. Il ne peut exister dans le réel de système
fermé comme on peut en concevoir dans un laboratoire quand on veut isoler un
phénomène en le soustrayant à la totalité dans laquelle il est engagé. Ce qui
existe, c’est l’interdépendance réciproque à l’intérieur d’un système ouvert.
L'idée dérange. Nous avons une fâcheuse contention en tant qu’ego à vouloir nous considérer comme isolé. C’est la croyance de base de l’individualisme. Ce n’est pas complètement faux, du point de vue du vécu, nul ne peut vivre l’expérience d’un autre. Chacun d’entre nous vit de manière singulière ce qu’il peut vivre, comme il devra rencontrer seul sa propre mort. Pourtant, nous savons aussi qu’à travers la mort d’un être humain, c’est toute la communauté humaine qui est affectée par le deuil. Exactement de la même manière, dans chaque naissance c’est toute la communauté qui est en joie. Ce que chacun d’entre nous éprouve reste perméable à tous les autres. Le vécu n’est pas scellé et mis en bouteille ; un chagrin, une souffrance, une joie est comme un parfum dans la présence d’une personne. Mais l’inverse n’est-il pas tout aussi vrai ? Les mouvements de la conscience collective n’emportent-ils pas comme un fétu de paille par grand vent la conscience individuelle ? Peut-on appeler inconscients ce type de comportement ? Quelle relation existe-t-il entre la conscience individuelle et les événements collectifs?
* *
*
On attribue parfois à Freud la paternité de l’étude psychologique des conduites collectives, mais c’est une erreur. Freud a dans ce registre suivi Gustave Le Bon dont le livre, Psychologie des Foules, est paru en 1905. Freud en a reconnu l’intérêt et repris le contenu pour l’infléchir dans la direction de la psychanalyse. Le travail de Le Bon est original et doit être lu sans la grille d’interprétation de la psychanalyse. Même si le texte reste assez marqué par les mentalités de son époque, il contient quelques observations très pertinentes.
1) Une
remarque pour débuter. L’analyse des
phénomènes collectifs est plus large d’extension que l’analyse des
comportements de foule qui forme un sous-ensemble particulier.
S’agissant des foules, on pense notamment à ce qui se passe parfois dans les
stades, dans les meetings politiques, les manifestations de rue, les réunions
publique, les assemblées festives, les one man show des pasteurs
évangélistes etc. L’analyse des foules
psychologiques est importante, car elle dévoile un aspect
grégaire du
comportement
humain que nous ne devons jamais oublier et dont il faut tenir compte.
« Le fait le
plus frappant que présente une foule psychologique est le suivant : quels que
soient les individus qui la composent, quelque semblables ou dissemblables que
soient leur genre de vie, leurs occupations, leur caractère ou leur
intelligence, par le fait seul qu'ils sont transformés en foule », ils forment
une conscience collective « qui les fait sentir, penser, et agir d'une
façon tout à fait différente de celle dont sentirait, penserait et agirait
chacun d'eux isolément. Il
y a des idées, des sentiments qui ne surgissent ou ne se transforment
en actes que chez les individus en foule ». Qu’un juge lors d’un match de foot
signe un penalty que le public ne reconnaît pas et voici que la colère monte, se
propage comme une onde émotionnelle à l’intérieur du stade, et il s’en faut de
peu pour qu’une masse de supporter ne fasse irruption sur le terrain en criant
« à mort l’arbitre ! » dans un déchaînement de violence.
Il y a sûrement parmi ces gens en délire des personnes qui prises à part sont
fluettes, timides et effacées, mais voilà, portées par la foule la
contagion émotionnelle est très puissante, elle passe directement à l’acte
depuis l’empathie collective. Une foule est tel un gros animal réactif, primaire
et irréfléchi. La foule n’est pas dans la réflexion, elle est tout
dans le réflexe, elle n’agit pas, elle
réagit, elle n’est pas consciente, elle est
plutôt inconsciente. « L'évanouissement de la personnalité consciente
et l'orientation des sentiments et des pensées dans un sens déterminé,… sont les
premiers traits de la foule ». (texte) Le plus étonnant, c’est d’observer que la
présence au milieu d’une foule dont émotionnel est excité procure un
accroissement vital à chacun de ses membres. Une
excitation que l’individu ne connaît pas d’ordinaire dans sa vie rangée et
anonyme. C’est d’ailleurs une raison majeure pour laquelle il ira voir un match
de foot ou de catch qui sont exactement dans le même registre. « L'individu en
foule acquiert, par le fait seul du nombre, un sentiment de puissance invincible
qui lui permet de céder à des instincts que, seul, il eût forcément refrénés. Il
sera d'autant moins porté à les refréner que, la foule étant anonyme, et par
conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient
toujours les individus, disparaît entièrement ». En effet, perdu dans la
masse, « on » ne se sent pas responsable, « on »
est
comme
délivré de la responsabilité personnelle puisque le soi
propre s’est identifié à tous les autres.
Ce qui frappe Gustave Le Bon c’est le phénomène de la contagion émotionnelle (texte) qu’il relie immédiatement à une sorte d’hypnose de groupe. « la contagion, intervient … pour déterminer chez les foules la manifestation de caractères spéciaux et en même temps leur orientation. La contagion est un phénomène aisé à constater, mais non expliqué, et qu'il faut rattacher aux phénomènes d'ordre hypnotique …Dans une foule, tout sentiment, tout acte est contagieux, et contagieux à ce point que l'individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l'intérêt collectif ». Dans le cas de l’hypnose, le sujet accepte de se soumettre aux suggestions de l’hypnotiseur, s’il s’y refusait, l’hypnotiseur ne pourrait rien faire. Mais dans la foule ? L’analogie est toujours valable, car il se produit propagation de suggestions nées dans le mental collectif et aussitôt suivies en masse. Il doit y avoir un assentiment mais il est passif. L’image la plus parlante qui nous vient à l’esprit c’est quand même celle du troupeau de moutons qui d’un seul tenant, suivant l’impulsion de quelques-uns, va se jeter dans un précipice.
C’est un phénomène étrange, car d’ordinaire l’être humain est centré sur son ego, il n’a en vue que son intérêt personnel, mais dans ce phénomène collectif, il y un effet de confusion, le moi se perd dans la masse. La solution que ne donne pas Le Bon serait de dire que la conscience collective fait émerger un ego agrandi, un « nous », face à un « eux », un ego de masse auquel chacun s’identifie. Notons le bien ! En l’absence d’identification, il pourrait y avoir un observateur témoin, mais non engagé, c’est parfaitement possible dans la pleine lucidité, mais celui-là est intérieurement en retrait par rapport à la foule.
Toujours
est-il que, « l'individu plongé depuis quelque temps au sein d'une foule
agissante, se trouve bientôt placé
− par suite des
effluves qui s'en dégagent, ou pour toute autre cause que nous ne connaissons
pas − dans un
état particulier, qui se rapproche beaucoup de l'état de fascination où se
trouve l'hypnotisé dans les mains de son hypnotiseur ». « La personnalité
consciente est entièrement évanouie, la volonté et le discernement sont perdus.
Tous les sentiments et les pensées sont orientés dans
le sens déterminé par l'hypnotiseur.
Donc, évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en actes les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l'individu en foule. Il n'est plus lui-même, il est devenu un automate que sa volonté ne guide plus.
Aussi, par le fait seul qu'il fait partie d'une foule organisée, l'homme descend de plusieurs degrés sur l'échelle de la civilisation. Isolé, c'était peut-être un individu cultivé, en foule c'est un barbare, c'est-à-dire un instinctif. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs ».
2) Une conséquence importante : on parle avec beaucoup d’idéalisme aujourd’hui au sujet d’Internet « d’intelligence collective ». Sur le plan psychologique, l’expression est assez surprenante, elle présuppose l’idéal d’une assemblée de personnes conscientes. Mais si ce n’est pas le cas ? Réponse de Le Bon : on a « une réunion d'imbéciles. Ils ne peuvent mettre en commun en effet que ces qualités médiocres que tout le monde possède. Dans les foules, c'est la bêtise et non l'esprit, qui s'accumule ». La foule est irréfléchie et impulsive, elle se « laisse impressionner par des mots, des images − qui sur chacun des individus isolés composant la foule seraient tout à fait sans action − et conduire à des actes contraires à ses intérêts ». Ce qui est inquiétant, c’est que lorsqu’elle est manipulée, sa logique, déjà primaire, n’est évidemment pas sensée, et peut aller vers le pire, car elle a pour elle l’emportement d’une puissance vitale irrésistible, redoutablement efficace.
De là vient que « la foule est souvent criminelle». Elle « n'est pas seulement impulsive et mobile… Elle n'admet pas que quelque chose puisse s'interposer entre son désir et la réalisation de ce désir. Elle le comprend d'autant moins que le nombre lui donne le sentiment d'une puissance irrésistible. Pour l'individu en foule, la notion d'impossibilité disparaît. L'individu isolé sent bien qu'il ne pourrait à lui seul incendier un palais, piller un magasin, et, s'il en est tenté, il résistera aisément à sa tentation. Faisant partie d'une foule, il a conscience du pouvoir que lui donne le nombre, et il suffit de lui suggérer des idées de meurtre et de pillage pour qu'il cède immédiatement à la tentation ». Nous avons suffisamment d’exemples de ce genre pour que les choses soient claires. Et attention, ici nous ne portons aucun jugement sur les motifs, nous ne faisons qu’observer les faits.
De manière
inséparable, en suivant le même processus, explique Le Bon, la foule
est « souvent …
héroïque.
Ce sont surtout les foules qu'on amène à se faire tuer pour le triomphe d'une
croyance ou d'une idée, qu'on enthousiasme pour la gloire et l'honneur, qu’on
entraîne presque sans pain et sans armes comme à l'âge des croisades, pour
délivrer de l'infidèle le tombeau d'un Dieu, ou comme en 93, pour défendre le
sol de la patrie. Héroïsmes un peu inconscients, sans doute, mais c'est avec ces
héroïsmes-là que se fait l'histoire ».
Nous ne pouvons que souscrire au propos de Le Bon. L’élan patriotique peut être une belle ferveur révolutionnaire, un enthousiasme magnifique, mais entre les mains d’hommes de pouvoir (texte) ambitieux et sans scrupules, il peut être détourné dans la guerre et virer aussitôt à une forme de suicide collectif.
Dans une foule, l’émotionnel est fortement polarisé par la dualité : nous/eux, nos frères/nos ennemis, prolétariat/capital etc. La foule ne connaît pas la finesse des nuances et a encore moins la capacité d’avoir une vision englobante d’une situation. Elle simplifie tout à l’excès : d’où le manichéisme des jugements, le traitement de toutes les questions de manière expéditive et binaire. Ajoutons que le mental de masse « ne connaît ni le doute ni l’incertitude », il va tout de suite aux extrêmes. Le moindre soupçon devient une accusation, le moindre frôlement d’antipathie une désapprobation féroce. « La violence des sentiments des foules est encore exagérée, dans les foules hétérogènes surtout, par l'absence de responsabilité. La certitude de l'impunité, certitude d'autant plus forte que la foule est plus nombreuse et la notion d'une puissance momentanée considérable due au nombre, rendent possibles à la collectivité des sentiments et des actes impossibles à l'individu isolé. Dans les foules, l'imbécile, l'ignorant et l'envieux sont libérés du sentiment de leur nullité et de leur impuissance, que remplace la notion d'une force brutale, passagère, mais immense ».
Disons donc que lorsque l’émotionnel est convoqué, l’assemblée devient foule et en tant que tel « Les foules ne connaissant que les sentiments simples et extrêmes ; les opinions, idées et croyances qui leur sont suggérées sont acceptées ou rejetées par elles en bloc, et considérées comme des vérités absolues ou des erreurs non moins absolues. Il en est toujours ainsi des croyances déterminées par voie de suggestion». Le propre de la mentalité de masse est de ne penser que sous la forme de croyance et d’identifier la vérité à la croyance, car les distinguer reviendrait à réfléchir et pour cela, il faudrait une démarche autonome, personnelle, qui nécessairement sépare l’individu de la foule. (texte)
Cela ne veut pas dire pour autant que la vérité replie sur soi, elle se déploie aussi dans l’échange et le dialogue, mais échange et dialogue se situent dans une atmosphère de communication qui n’est pas le mimétisme émotionnel et réactif de la foule. « N'ayant aucun doute sur ce qui est vérité ou erreur et ayant d'autre, part la notion claire de sa force, la foule » est donc « aussi autoritaire qu’intolérante. L'individu peut supporter la contradiction et la discussion, la foule ne les supportent jamais. Dans les réunions publiques », dès que l’émotionnel de la foule est présent, « la plus légère contradiction de la part d'un orateur est immédiatement accueillie par des hurlements de fureur et de violentes invectives, bientôt suivis de voies de fait et d'expulsion pour peu que l'orateur insiste ».
L’énoncé « la foule est conduite par l’inconscient » a en réalité un
second sens : dirigée par la psyché collective. S’il
fallait s’en tenir à l’idée que l’inconscient collectif est un phénomène de
foule, l’apparition du monde humain, avec son extrême sophistication comme
organisation collective serait incompréhensible. Et pourtant
psychologue, anthropologue
et sociologues font tous référence à un
inconscient collectif.
C’est bien plus subtil et plus complexe. Il en est question, en passant, au tout
début du livre de Le Bon: « Les phénomènes sociaux visibles paraissent être la
résultante d'un immense travail inconscient, inaccessible le plus souvent à
notre analyse. On peut comparer les phénomènes perceptibles aux vagues qui
viennent traduire à la surface de l'océan les bouleversements souterrains dont
il est le siège, et que nous ne connaissons pas. Observées dans la plupart de
leurs actes, les foules font preuve le plus souvent d'une mentalité
singulièrement inférieure » et plus loin : « Qu'y a-t-il, par exemple, de plus
compliqué, de plus logique, de plus merveilleux qu'une
langue ? Et d'où sort cependant
cette chose si bien organisée et si subtile ? » D’une pensée qui émerge de la
psyché collective. Tout ce que l’homme a pu élaborer en tant que structures
sociales, institutions, traditions, coutumes, la totalité de ce qui appartient
à la
culture
émerge de la psyché collective. «
1) Si nous voulons comprendre la relation entre conscience individuelle et événement collectif, il nous faut appréhender le véhicule qui les supporte ; or celui-ci n’est pas apparent. Seule la manifestation physique 3D est apparente. Comme le modèle prédominant dans notre culture est celui que Ken Wilber appelle le quadrant supérieur droit SD, de l’objectivité individuelle, le scientifique ne considère que l’observable, il ne s’intéresse pas au participable. Quand le physicien tente de cerner le niveau quantique du réel, il est loin d’appréhender directement que tout ce qui existe est une manifestation de l’Energie, alors l’idée d’étudier l’âme n’en parlons pas !
Dans le domaine de l’observable, l’homme peut facilement se séparer et se dissocier de ce qui est ; mais au niveau du participable la connexion existe et peut être ressentie. Au niveau de l’observable, le monde semble entièrement factuel, bien défini, et son fonctionnement rattaché à des explications bien connues, explications qui supportent aussi tous les développements technologiques que nous pouvons produire. Nous sommes tellement obnubilés par l’observable que c’est à lui seul que nous concédons une réalité. Et pourtant, ce monde factuel qui est le nôtre ne sort pas de rien et d’atterrit pas de nulle part. Notre vie sociale se manifeste à chaque instant et repose au niveau participable sur le fondement imaginatif et mythique du mental collectif. De là émerge notre créativité artistique, notre savoir, notre technologie, nos institutions, toutes nos créations. La réalité humaine qui est venu couvrir la Terre est en gestation sous une forme imaginative qui est aussi puissante que la Nature elle-même. Elle détermine la factualité du monde réel et l’interprétation que l’esprit humain en donne.
L’aptitude à construire des mythes est tout à fait naturelle à l’esprit humain ; la représentation mythique sert de modèle d’organisation à toutes les civilisations. Sans que nous en ayons clairement conscience. La représentation mythique est aussi un outil d’interprétation dont nous faisons un usage constant pour situer les événements psychiques dans leur contexte historique.
2) Partons d’une analogie : la télévision, telle que nous l’utilisons est un média qui diffuse des représentations de masse, toutes sortes de rêves fabriqués, toutes sortes d’histoires abracadabrantes riches en détails et rebondissement, partagées par des milliers de spectateurs. Dans le monde de l’observable, le niveau physique, les téléspectateurs regardent des programmes. Ils peuvent en consulter plusieurs, suivre leurs drames et voir évoluer les acteurs. Cependant, ils ne comprennent pas pour la plupart comment les images apparaissent sur l’écran. Les acteurs eux-mêmes n’ont qu’une vision très limitée de ce qui entoure la production de leur propre image sur l’écran. Leur rôle se borne à jouer, ils peuvent tenir pour acquis tout ce qui se déroule en arrière-plan dans le studio, puisque des techniciens compétents s’en occupent.
Cependant,
sur le plan du participable de la
réalisation, il doit y avoir toute une
organisation
intelligente, créative, bien structurée qui s’occupe de la programmation et un
réalisateur. Lui sait quand l’émission doit commencer, quels seront les rôles
distribués. Il sait qui seront les héros, qui sera le Don Juan souriant qui va
séduire les filles, qui va jouer le bandit, la mère frivole, le père grincheux
ou l’imbécile, il sait très bien qui peut jouer le bon et le mauvais garçon.
Quand le téléspectateur allume son écran (en état de veille), il ne fait
que pousser un bouton et il est immédiatement pris par le spectacle. La
totalité du travail créatif qui est en arrière-plan lui demeure inconnu et le
processus est tellement habituel et acquis qu’il n’est pas nécessaire de
poser la moindre question. Il dispose d’une orientation, d’un choix, celui de
tel ou tel programme. Toutefois, ce n’est pas comme dans le monde du rêve qui
est privé, d’autres personnes vont regarder le même spectacle et chacune aura
ses propres réactions personnelles à ce qui va se produire.
Donc, imaginons que la manifestation du monde physique se produise de la même manière. Nous sommes familiers avec le théâtre de notre propre vie, nous choisissons l’orientation des événements qui vont se produire dans notre histoire personnelle. Nous sommes le personnage principal au centre de l’action, l’assaillant, le héros, le meneur, le gredin, la victime etc. Cependant, tout comme le spectateur ne sait pas ce qui se déroule dans le studio de télévision, nous ne savons pas ce qui se déroule dans le studio de la réalité avant que de l’expérimenter sous la formes des événements tels qu’ils se déroulent sur le plan physique.
Le studio
de télévision est le mental universel
inconscient. Le plan du vécu est ce que nous désignons comme la
réalité. C’est à l’intérieur du studio que se fabriquent les
programmes, c’est là que s’entrecroisent toutes les intentions
personnelles pour former la réalité de masse que constitue
la société. Toujours pour filer la métaphore de la télévision, nous pouvons
interrompre un programme qui ne nous plait pas. Interrompre tous les programme
en entrant dans le sommeil profond. Ce que
nous faisons toutes les nuits. Revenu à
l’état de veille, il nous
est loisible de nous laisser séduire par tel ou tel canal dont on vente la
qualité spécifique, parce que nous désirons en faire l’expérience. La télévision
ne fait que miroiter la conscience collective de l’humanité en projetant les
rêves de masses les plus communs, des
rêves et des cauchemars qui mettent en scène les angoisses et les délires de
chacun.
Cependant, même si la télévision entre en interaction avec la vie de chacun,
elle n’est pas la vie de chacun, elle ne fait
que représenter. On a beaucoup discuté le fait qu’elle véhicule de la
violence et encourage largement le consumérisme et toutes sortes de pulsions,
c’est exact, mais il faut aussi reconnaître qu’elle est aussi très largement un
reflet de la pensée collective. Les séries télévisuelles
transportent des courants émotionnels qui sont déjà dans l’inconscient
collectif. Aussi, y a t il perpétuellement mis en forme dans le studio mental
collectif des potentiels qui viennent ensuite éclore comme événements dans le
domaine de l’observable.
3) Vu sous
cet angle les mythes ne sont pas la déformation de faits, mais plutôt la
puissance créative dont ils émanent. Les mythes constituent des drames
psychiques collectifs qui, incrustés dans des
croyances, deviennent plus
vrais que les faits eux-mêmes. Une fois qu’ils sont acceptés,
ils précipitent, modèlent les faits qui en émanent et leur donnent un sens.
Ils forment le théâtre permanent des transformations sociales et leur toile de
fond. D’ailleurs, dès l’instant où ils sont ramenés au plan de la factualité,
ils épuisent leur signification. Le mythe n’est pas une donnée pouvant être
considérée de manière littérale. Sa résidence n’est pas dans la pensée
consciente et elle n’est pas non
plus dans la pensée individuelle
avec son histoire, ses drames et ses tourments. Comme Jung l’a bien compris,
nous avons affaire à un niveau du psychisme qui relève de
l’inconscient collectif dans ce qu’il possède de plus dynamique.
Bergson parlait de fonction fabulatrice, ce n’est pas faux du moment que l’on ne
se situe pas sur un plan personnel ni sur un plan physique. Les religions tirent
leur puissance d’évocations de mythes d’une puissance et d’une portée
extraordinaire. Et pourtant les religieux croient donner plus de force à la foi
en tirant les mythes vers des faits réels et authentique. Mais c’est mal
comprendre leur fonction à l’intérieur de la pensée collective. La psyché
collective a ses rêves grandioses et ses élans d’enthousiasme qui propulsent
dans l’histoire le projet de
civilisations
entières, leur achèvement et leur destruction.
Si nous devions entrer dans l’esprit d’un homme du Moyen-Age, nous serions stupéfiés d’y trouver un imaginaire foisonnant et baroque d’anges, de démons, de puissances magiques, de saints et de martyrs : depuis les gargouilles grimaçantes, aux processions des saints, aux madones auréolées de lumière : tout ce que nous trouvons peint et sculpté dans les Eglises. Nous trouverions des histoires de sacrifice, de service des pauvres, de foi, d’héroïsme et de repentir, autour de la figure du Christ sauveur, dans l’attente craintive du Salut sous le pardon de Dieu. Mythe d’une grande force et par là même rêves et cauchemars de masse.
Nous pensons être rationnels. Mais n'est-ce pas juste une croyance de plus ? D’un côté, le rôle de la science est de dégager le savoir de sa gangue mythologique, c’est même exactement la direction prise par la philosophie. Mais attention, point de vue tout à fait élitiste qui n’affecte en rien la pensée collective qui continue d’époque en époque à flotter sur un lit de fantaisies, de croyances et de mythes. La raison est en l’homme la faculté de synthèse du savoir. La rationalité est une manière de mettre en forme le savoir de manière systématique. La rationalité est opératoire, exactement comme la technique est opératoire. Un savoir est rationnel quand il s’ordonne dans un discours cohérent. La rationalité scientifique ajoute une exigence : modeler le savoir sur des paradigmes acceptés par la communauté scientifique ; tout en sachant qu’un paradigme est une construction provisoire qui sort aussi d’un imaginaire bien plus que d’une raison.
Les conquêtes de la science ne peuvent modifier la nature de l’inconscient
collectif et son rôle dans la pensée. Ce qui change d’une époque à l’autre,
c’est le déplacement de l’argument
d’autorité. Le scientifique occupe la place du prêtre. Il faut reconnaître
que pour la pensée collective la science est un distributeur de croyances
très efficace. Elle alimente à son insu le récit culturel de nos
sociétés, elle véhicule toutes sortes de mythes et produit les croyances les
plus étranges et les plus saugrenues. « Les
connaissances fort utiles à la vie » délivrées par la science nouvelle à la
Modernité dont parlait Descartes ont suscité un fol
enthousiasme et donné à la volonté de puissance un élan prodigieux. Condorcet
inaugurait le mythe du progrès, son élan
devait apparaître d’abord dans les fantasmagories de l’imaginaire
collectif. On a commencé très tôt à célébrer la
Machine. L’horloge était sur toutes les églises, les moulins à vent, les
moulins à
eau
étaient présents partout en Europe. Dès le Moyen-Age on imaginait le sous-marin,
l’avion, l’hélicoptère, la fusée et sur cette lancée le monde de la
techno-science allait envahir notre
réalité. L’homme a d’abord dû fantasmer un Frankenstein, pour ensuite
entrevoir la métamorphose hybride de son corps, la fusion avec la machine dans
le cyborg et donc ouvrir la voie aux perspectives du
transhumanisme. La science-fiction a produit les mythes
qui, après avoir hanté l’imaginaire collectif, ont fini par surgir dans la
réalité. On s’étonne de remarquer avec quelle facilité la fiction quitte
le domaine artistique pour venir hanter la réalité, mais le passage n’a rien de
mystérieux, tout ce qui est présent dans le monde a d’abord été en
gestation dans le mental collectif. L’inconscient collectif prépare
l’entrée dans la manifestation du réel sous la forme de mythes que nous
acceptons et qui se reproduisent dans des
croyances inconscientes. La génération
d’adolescents qui vit dans un univers de robots sophistiqués, de superhéros
plongent dans des légendes archaïques où s’affrontent névroses, pulsions,
titans, volonté en quête de soi et désir de perfection. A tout prendre leur
univers mental est tout aussi baroque que celui des hommes du Moyen-Age. Ils
vénèrent la technologie, ils regardent le scientifique comme un magicien, une
sorte d’alchimiste ou comme un savant fou, un personnage parmi d’autres dans
l’imaginaire collectif.
Du creuset de l’imaginaire partagé sort l’invention du réel. Le pire comme le meilleur. Plus souvent le pire que le meilleur quand nous sommes victimes de nos propres mythes, des créations et des créatures que nous avons engendrées dans la fascination hypnotique de nos croyances. Nous pouvons maintenant citer une fois de plus Le Bon : « Les seuls changements importants, ceux d'où le renouvellement des civilisations découle, s'opèrent dans les idées, les conceptions et les croyances. Les événements mémorables de l'histoire sont les effets visibles des invisibles changements de la pensée des hommes ».
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Nous commençons à mieux comprendre ce qu’est la pensée des hommes à l’intérieur du mental collectif. La plupart des auteurs qui ont traité de l’inconscient collectif se sont surtout attachés à l’interprétation des mythes, des légendes, des contes, accessoirement comme Jung, à certaines catégories de rêves qui débordaient largement les limites de l’inconscient personnel. Bref, trop souvent une interprétation très générale de formes de culture, une manière, souvent pertinente, d’enrober un phénomène social de la crème d’une mythologie. Très peu ont eu l’audace de faire le lien entre le magma de croyances de la pensée collective et sa précipitation sous la forme de faits très concrets. Or les choix individuels entrent constamment à l’intérieur des courants fluctuant du mental collectif faisant surgir des événements de masse qui devraient nous frapper, tant ils traduisent des poussées significatives qui ne laissent pas la moindre place à un quelconque hasard.
1) À force ne regarder le spectacle bigarré de nos sociétés à travers nos écrans comme des divertissements, nous finissons par ne plus voir ce qui se manifeste sous nos yeux : la traduction d’un état psychologique dans des faits bien réels.
Dans un
monde dans lequel les croyances partagées tendent à montrer que l’existence est
arbitraire, que l’univers
n’est pas fiable, que le monde est dangereux, que l’on ne peut pas se fier à
l’élan créateur et vivant de l’intériorité, l’être humain perd toute confiance
en lui-même. Perdant toute confiance en lui-même, il craint le pouvoir de peur
d’en faire mauvais usage et se met en position de faiblesse. Au lieu de se
lancer passionnément dans le développement de ses capacités créatives, il
commence à s’enfermer sur lui-même, se met à réprimer ses aptitudes, puis à
contraindre son environnement. Il a peur des autres. Or une personne qui
vit dans la peur ne veut pas de liberté, pas plus mentale que physique
d’ailleurs. Elle veut se mettre à l’abri. Elle est donc en quête d’un
ensemble bien défini de règles à suivre. Elle aura besoin de se faire dire ce
qui est bien ou mal et aura une propension à prendre le pli de comportements
obsessionnels. Elle aura besoin de leaders, qu’ils soient politiques,
scientifiques ou religieux pour diriger sa vie, si possible autoritaires. Si
maintenant nous poussons plus loin cette peur diffuse vers la paranoïa que se
passe-t-il ? Nous savons que le paranoïaque surinterprète la réalité. La
croyance est devenue chez lui tellement aigue qu’elle fausse la libre perception
des événements. Il est hypnotisé par ses croyances au point d’être totalement
convaincu de la validité d’événements que d’autres perçoivent pourtant de
manière complètement différente. Cette surimposition génère de l’illusion. Et la
puissance de l’esprit est telle qu’il est parfaitement capable de créer une
pseudo-réalité, moitié-physique, moitié-onirique et de perdre tout terrain
d’entente dans le monde coprésent de l’expérience de veille. Dans la projection
d’une aberration mentale, le sujet donne
tellement
d’importance à son symbolisme personnel, contre les données primaires des sens,
que le monde perçu devient comme imperceptible et quasiment inexistant. Le monde
physique est devenu un univers onirique et il devient presque impossible de
séparer la projection mentale de l’univers partagé.
Dans une
société qui ne serait pas mentalement dysfonctionnelle, la conduite de ce genre
d’individu sera la risée du voisinage. Mais que se passerait-il si ce n’était
pas le cas ? Que se passerait-il si partout était relancée la suggestion selon
laquelle le monde est mauvais et devient chaque jour encore pire ? Que se
passerait-il dans une société mentalement dysfonctionnelle ? La réitération des
croyances de masse morbides invite inévitablement des tragédies individuelles et
collectives. Quand une guerre éclate, nous la recevons comme un fait
allant de soi. Des milliers de personnes meurent. Ce sont des victimes. C’est
une épouvantable tragédie. Impensable. Incompréhensible. Absurde. Il ne nous
vient jamais à l’esprit que par milliers, les êtres humains sont d’abord
victimes de croyances de masses. Les drones, les fusils, les bombes,
sont bien réels. Il est absolument certain qu’il y a un ennemi terrible bien
identifié et que ses intentions sont manifestement mauvaises. Les
guerres sont des formes exceptionnellement violentes de suicides collectifs.
Elles sont propulsées, déclenchées, entretenues avec une ténacité fanatique,
supportées de toutes les ressources d’une nation par des suggestions de masse.
Ceux qui prennent part à la guerre sont tous intimement convaincus que le monde
est mauvais, que les hommes sont agressifs et belliqueux par nature, que les
étrangers sont toujours hostiles. Il faudra donc écraser du talon la nation
ennemie, avant que d’être détruit soi-même. Et bien sûr en face, sont à l’œuvre
exactement les mêmes processus de masse qui sont à l’œuvre,
seulement les tendances paranoïaques qui se déchaînent sont habilement
dissimulées sous des bannières patriotiques et amplement justifiées, ce qui
empêche
de
voir la démence collective.
Machiavel l’a dit « la fin justifie les moyens », donc il y a « nous » et « eux » et chaque guerre reprend le même credo assassin. C’est là que nous pouvons vérifier en pleine clarté à quel point les guerres de religions ont toujours été dans l’Histoire la manifestation de tendances paranoïaques. Qui d’autre que le fanatique peut craindre les croyances opposées aux siennes et tous les systèmes qu’elles engendrent ? Mais évidemment c’est le même schéma dans toutes les guerres.
2) De deux choses l’une, ou bien nous créons et recréons notre réalité par nous-même, ou bien on la crée pour nous, dans les deux cas se pose la question de nos croyances racines. Nous perdrons d’autant plus d’énergie que nos croyances sont très éloignées de la réalité. Et que dire alors quand les croyances collectives deviennent quasi-délirantes ?
Nous sommes dans cette époque dans une situation très paradoxale. Par rapport aux époques qui nous ont précédées, nous avons l’avantage de mieux comprendre les ressorts psychologiques de l’expérience humaine qui sont maintenant bien moins occultés par des systèmes de croyances. Mais en même temps, la toile de fond de nos croyances ambiantes demeure oppressante. L’homme de la postmodernité croit exister de manière séparée, coupé de la Nature, sans relation intime avec elle. Il conserve l’idée darwinienne d’être membre d’une espèce imparfaite, menant une vie plutôt précaire, voué à la survie. On lui a dit qu’il était divisé : une tête consciente certes, mais, comme Freud est passé par là, plutôt mal à son aise sur le tronc bestial de son inconscient. Il s’est vu répéter que son bonheur dépendait de la libération de ses pulsions sexuelles et il découvre que cette promesse est non seulement fausse, mais qu’elle invite des perversions. Le Dieu des chrétiens a été remplacé par la fatalité, le démon a pris le maquis et ses qualités machiavéliques ont été attribué à l’inconscient. Comme si cela ne suffisait pas, on a dans cette société louangé la compétitivité et l’agressivité des winners, encensé le standard de vie des ultrariches et l’homme découvre partout la violence d’une économie, qui non seulement n’est pas au service des hommes, mais est aussi en guerre contre la Nature. En plus d’être en rivalité avec tous les autres, il se voit divisé contre lui-même, il a dû se résigner à faire partie d’un univers mécanique et indifférent, sans le moindre but ni intention, un univers qui ne se soucie pas de l’individu mais seulement de l’espèce. Si d’aventure il lui venait à l’esprit une vision plus élevée de la vie, il y aurait encore ce recours dans les croyances collectives de penser que c’est sûrement dû à un déséquilibre hormonal, ou à un traumatisme infantile. Bref, dans pareil contexte on est pas tellement aidé et il faudrait donner raison aux critiques qui y voit dans cette matrice un système carcéral dont il faut sortir absolument.
Chaque individu a besoin d’un contexte qui donne sens à sa vie, d’un but qui mobilise son action, d’un scénario dont le thème donnera une signification à ses entreprises personnelles. Or quand le manque de sens est patent dans la société, il engendre une profonde frustration qui mène droit à la révolte, l’homme poussé à bout prend les moyens de se donner un sens, il cherche une dramatique à sa vie, quand bien même intellectuellement il refuserait de l’admettre, parce qu’il est d’ordinaire pris dans des considérations plus ou moins triviales. En effet, quand la grandeur de la psyché est ignorée et que le sentiment d’unité avec la Nature est perdu, le vide intérieur surgit comme une question lancinante qui ne peut plus être ignorée. Il vient se refléter partout dans les travers nihilistes de la société.
Nous
sommes les créateurs de notre propre réalité, nous édifions ce qui constitue
notre expérience collective et individuelle bien au-delà de ce que nous voulons
bien le reconnaître. Au niveau empirique, nous avons l’habitude de faire des
plans, plan de carrière, plan pour les relations intimes, plan pour
l’entreprise, pour manipuler les autres, pour les vacances, pour la retraite
etc. (L’ego adore faire des plans). Et pourtant au milieu de toute cette
agitation demeure sous-jacent le
sentiment
que la vie nous échappe, que nous avons manqué quelque chose. Il doit bien y
avoir dans la vie quelque chose de plus important que tous ces calculs, mais
quoi ? Le sentiment que la vie nous échappe est un rappel de l’âme.
L’appel demande cette fois d’arrêter de faire, de retourner à l’intérieur et
d’être davantage, et de s’ouvrir à notre véritable nature spirituelle.
Bien sûr dans la société actuelle on s’attend à ce qu’une personne trouve un
gagne-pain respectable, forme une famille, jouisse d’une bonne santé afin d’être
productive et satisfaite. Les avantages sociaux, les possibilités
d’emploi, les régimes de santé et les projets urbain etc. sont les moyens
déployés pour satisfaire les masses. Mais quasiment rien n’est donné pour
les besoins innés d’avoir un but et de trouver une signification à la vie. Rien
sur cet élan créateur qui veut que le désir embrasse une action plus vaste, un
drame spirituel de plus grande envergure. Or à moins de trouver un sens à la vie
elle-même, toute existence est insignifiante et toute beauté finit par se
flétrir. Que peut donc créer quelqu’un qui se sent impuissant et dont la vie est
dépourvue de signification ? Il cherchera une cause pour mourir. « Les hommes ne
meurent pour une cause que lorsqu’ils n’ont pas trouvé de raison de vivre ». La
psyché porte en elle une poussée vitale propice au développent de
l’individualité. Elle cherche à concrétiser ses rêves dans la chair et elle
finit toujours par briser le carcan de croyances stériles.
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Distinguer individu et société a-t-il vraiment un sens ? L’âme est-elle une petite « chose pensante » cachée dans recoin du cerveau ? La conscience serait un attribut strictement individuel ? Non. Chacun vit en lui-même ce qu’il vit, mais participe aussi du collectif humain qui a aussi sa vérité en tant que conscience. Conscience collective. La tentative des sociologues de la première heure d’essayer de comprendre la conscience collective par le biais de la morale et de ses prescriptions est très superficielle. C’est manquer la dimension de la psyché. Gustave le bon a eu quelques éclairs d’intuition en cernant de près les phénomènes de foule : l’inconscience collective. Jung a été plus loin en tentant de comprendre cette fois l’inconscient collectif. Il y a de la difficulté à cerner ce qui se noue dans le passage de l’inconscient au conscient, que ce soit au niveau individuel ou collectif. C’est la même texture et la même obscurité. L’esprit conscient est fait de telle manière qu’il puisse permettre de s’orienter dans un monde objectif. Il est plus difficile de tourner l’esprit vers l’intérieur pour discerner les courants mentaux qui traversent la psyché. Ken Wilber n’a pas eu de mal à trouver des erreurs chez Jung. On est en terre inconnue et l’esprit conscient n’est à l’aise qu’avec le connu. Néanmoins l’investigation, comme nous l’avons vu, est nécessaire, car elle permet de redonner aux phénomènes collectif la dimension psychique qui leur manque quand on s’en tient à des considérations « sociétales » ou à la rhétorique de la politique complètement déconnectées de la dimension spirituelle.
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© Philosophie et spiritualité, 2017, Serge Carfantan,
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