Leçon 243.  La psychologie de la santé     pdf téléchargement     Téléchargement du dossier de la teçon

    « Freud a découvert la psychologie pathologique… il reste maintenant à faire la psychologie de la santé », c’est ce qu’écrit Abraham Maslow dans un livre datant de 1968, Toward a psychology of Beeing, Vers une Psychologie de l’Être. Curieux programme si nous y réfléchissons un peu. Est-ce à dire que la psychanalyse Freudienne a poussé la psychologie à ne s’intéresser qu’au pathos humain au point de perdre de vue la psychologie de l’homme sain ? Ce serait un bilan assez désastreux qui pourrait expliquer sa désaffection actuelle. Mais, plus radicalement, comment peut-on étudier la maladie mentale si on a aucune idée de ce  qu’est la santé psychique ? C’est absurde. Il faut bien que le psychologue en ait une prénotion, ne serait-ce que pour des raisons liées à la dualité. Dans le champ du relatif, la plupart des concepts fonctionnent par paires.  Sain/malade vont ensemble et non séparément. Celui qui définit un symptôme psychologique comme pathologique doit bien avoir une idée de ce qu’il considère comme un comportement sain.

    Bien sûr, on pourra toujours rétorquer que la santé de l’esprit est quelque chose qui va de soi et qui n’a nul besoin d’être étudié. La santé n’est pas un problème, la maladie si ; et, apparemment, ce qui intéresse les psychologues, c’est avant tout les problèmes ; - à moins que ce soit notre intérêt pour la psychologie qui soit déterminé par nos problèmes-.  L’argument serait bon si nous avions une intuition parfaitement claire de la santé psychique et qu’elle soit si universellement partagée qu’il est inutile de la préciser outre mesure. Mais ce n’est pas le cas. Disons que cela pourrait être vrai sur une autre planète où les comportements seraient moins dysfonctionnels que sur la nôtre. La question est très embrouillée comme ...

     Est-il possible de définir de manière adéquate la santé psychique ? Comment un paradigme de la santé psychique pourrait-il refonder la psychologie?  Maslow a beaucoup été caricaturé par sa récupération dans le management. Nous allons tenter dans cette leçon de lui rendre un peu justice, ainsi qu’à la psychologie transpersonnelle qu’il a contribué à fonder.

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A. La psychologie transpersonnelle et l'orientation vers la santé

    « Toutes les époques sauf la nôtre ont eu leurs modèles, leurs idéaux, qui ont façonné notre culture : le saint, le héros, le gentleman, le chevalier, le mystique. Nous avons abandonné tout cela au profit de l’homme bien adapté… voilà un substitut pâle et douteux ». Et si « l’adaptation » est la norme de ce que nous considérons comme psychologiquement sain, nous risquons de complètement pervertir l’idée même de santé psychique. Que peut-il y avoir de « sain » à être parfaitement « adapté » à une société mentalement très dysfonctionnelle ? Et d’où vient une idée pareille ?

    1) Nous avons déjà vu, sur le plan biologique avec Georges Canguilhem, qu’il faut se montrer très circonspect ; l’opposition sain/pathologique doit être distinguée et non pas confondue avec la dualité normal/anormal. La norme est statistique, le normal est dans la moyenne, l’anormal dans ce qui s’écarte de la moyenne. Je suppose que dans une population obèse à 60 % (on y arrive ) n’avoir que 30 kg de graisse en trop est « normal ». Mais ce n’est pas très sain. Si les conduites névrotiques sont le fait de plus 80% de la population, comme elles induisent une réaction inadaptée au réel, nous devons penser qu’une personne inadaptée au réel, mais adaptée au social, doit être considérée comme « saine ». Mais qu’est-ce que veut dire adapté au social? Savoir manier du couteau, s’entraîner dans un club de boxe, gueuler haut et fort  pour se faire respecter quand on vit dans des quartiers difficiles ? Non. Par adaptation on entend une définition limitée ; adapté ne veut en fait pas dire adapté au réel, dans une réponse juste et intelligence à ce qui est, mais avoir une conduite conforme ...

    Mais, ce faisant, nous ne tenons pas compte du vécu personnel. Et c’est là que nous entrons dans le propos de Maslow : si nous voulons comprendre la santé psychique, il faut prendre « pour but la croissance et l’accomplissement de l’être humain et viser le développement intégral des possibilités de l’homme, le libre accomplissement de sa structure intérieure plutôt que sa répression ». Tenons-nous le pour dit, l’essentiel a été formulé. Le concept d’adaptation, tel qu’il est employé dans l’opinion est négatif. Ce n’est pas qu’il soit dépourvu de sens, mais il est trop restrictif et il n’atteste nullement le fait positif par excellence de la santé psychique, l’épanouissement de la conscience de soi. Maslow a creusé la question toute sa vie. Il a même renoncé au concept de psychologie humaniste, trouvant qu’il était insuffisant pour cerner la réalisation de  Soi. D’où sa préférence avouée pour son orientation dans la psychologie transpersonnelle.

    Vu sous cet angle, le questionnement de la psychologie sur le monde change du tout au tout, il est très différent de la position freudienne. Il devient : « Comment favoriser le libre développement de la personnalité ? Quelles en sont les meilleures conditions éducatives, sexuelles, économiques, politiques ? Quel monde faut-il bâtir pour que des personnes saines s’y épanouissent ? Et quel monde vont-elles ensuite promouvoir ? Les malades sont les produits d’une culture pathogène. Une culture saine favorise la santé psychique ». La seule ...est d’améliorer la santé des individus. Tant que ce point ne sera pas assimilé, nous ne ferons que coller rustine après l’autre sur un pneu fragile qui est percé de toutes parts. L’art de coller des rustines s’appelle aujourd’hui la solution technique et il ignore complètement qu’à la racine nos problèmes sont d’abord et avant tout humains avant que d’être « techniques » et tant qu’ils ne sont pas résolus sur le plan psychique, ils produisent nécessairement du chaos.  Le monde n’est que le reflet de nos pensées. Si elles sont chaotiques, alors nous produisons un monde chaotique. Se focaliser sur l’intégrité psychique de l’individu est essentiel et l’approche de la psychologie inaugurée par Maslow a ceci de particulier qu’elle cherche à redonner du pouvoir à chacun sur sa propre vie. Inversement ; si, avec Freud, nous nous focalisons sur le pathos ; nous nous mettons d’emblée en situation d’impuissance et de dépendance, car « il est très difficile de se guérir soi-même de ses pulsions pathologiques ou de ses obsessions ». Il est plus aisé d’exercer le pouvoir que nous avons en nous même et sur nous-même, en prenant notre vie en main, pour en faire un chemin de réalisation de soi. Choisir cette orientation est libérateur. Prenons le concept de surmoi chez Freud. Outre qu’il s’agit d’une fragmentation inutile du psychisme, alors qu’il n’est qu’un aspect de l’ego, le surmoi implique que l’idéal est à rechercher dans l’autorité parentale. « Freud suppose que le surmoi… est constitué par l’intériorisation des désirs, souhaits et idéaux du père et de la mère, quels qu’ils soient en eux-mêmes. Supposons que ce soient des criminels. Quel genre de conscience va avoir l’enfant ? Et dans le cas où le père est un moralisateur dénué de tout sens de l’humour, ou un psychopathe ? ».

    C’est une situation dont l’enfant en grandissant doit apprendre à se relever, et chacun de nous doit sortir du conditionnement reçu et ce n’est possible que par un autre forme de conscience que celle qui est imprimée dans la dépendance. Quelle forme de conscience ? Celle qui réside dans l’intériorité, la conscience de soi qui émerge dans la perception préconsciente « de notre propre nature, de notre destinée, de nos capacités, de notre vocation ». « Elle demande que nous acceptions notre nature intérieure, que nous ne la refusions pas par faiblesse, par intérêt, ou pour toute autre raison. Celui qui est doué pour la peinture et qui vend des chaussettes, celui qui est intelligent et qui mène une vie stupide, celui qui sait la vérité et qui n’en dit rien, … tous ceux-là perçoivent profondément qu’ils ne sont pas vrais avec eux-mêmes et ils se méprisent eux-mêmes ». Et la conséquence de cette autopunition est une névrose programmée. Ce qui veut dire qu’il faut se méfier des distinctions trop faciles entre santé et maladie psychique, car dans ce cas c’est une sorte de maladie de croissance pour l’intériorité qui est réprimée ; que saute les blocages, et nous verrons ce que produit l’indignation véritable, le courage, le respect de soi d’avoir –enfin – fait ce qu’il fallait, en s’autorisant à être soi. Inversement, l’absence de symptômes apparents chez celui qui est très « intégré » socialement ne veut pas dire qu’il n’y ait pas un déséquilibre profond de la personnalité. « Parmi les nazis d’Auschwitz et de Dachau, lesquels étaient en bonne santé ? Ceux qui avaient la conscience tranquille ou les autres ? »

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    2) Est-ce à dire que la psychologie transpersonnelle milite pour une sorte d’engagement semblable à celui que prône l’existentialisme ? Le Livre de Maslow que nous venons citer date de la même époque. Ce type de psychologie se caractérise par .... Nous en avons vu le prolongement chez Ken Wilber. Maslow retient de l’existentialisme le concept d’identité, ainsi que la valeur d’une démarche phénoménologique fondée sur l’expérience personnelle. Il souligne la situation précaire de l’époque contemporaine, situation élevée jusqu’au tragique dans l’existentialisme,  une époque caractérisée par « l’effondrement des valeurs extérieures à l’individu ». Mais, tandis que les existentialistes européens ont suivi la pensée de Nietzsche sur la mort du dieu moral, jusqu’à la mort de Marx ; les psychologues américains de leur côté ont suivi un chemin différent. Ils « ont appris que la démocratie politique et la prospérité économique n’apportent pas de réponse aux problèmes des valeurs fondamentales. Il n’y a alors pas d’autres solution que de se tourner vers l’intérieur, vers le soi comme lieu des valeurs ». D’où l’importance cruciale de la question de l’authenticité. L’authenticité implique que « chaque personne, par la force des choses, assume une relation nouvelle avec les autres et avec la société en général. L’homme est plus ce qu’il est. Il est plus que … Il devient de plus en plus membre de l’humanité et pas seulement un élément d’une groupe local ».

    Il y a cependant un certain nombre de critiques que nous pouvons déjà deviner. L’erreur de certains existentialistes est qu’ils « insistent trop unilatéralement sur la construction du moi par le moi » et pas assez sur le dépassement du moi. (texte) D’où l’importance de expériences verticales dans l’existence, expérience que Maslow appelle « paroxystiques ». Nous ajouterions en général que l’existentialisme ne comprend guère comment fonctionne l’ego et il ne voit pas que les constructions mentales du moi ne font que maintenir sa structure. Ils se fait de l’ego une idée toute spéculative, sans l’observer de près.  Le moi résiste au changement qui le propulserait au-dessus de lui-même. Il ne veut pas changer du tout. Maslow note que la plupart des problèmes psychologiques sont de l’ordre des résistances au changement qui vont dans le sens de la réalisation de soi. « La plus grande partie de ce que nous appelons actuellement psychologie est constituée par l’étude des ruses que nous employons pour éviter l’anxiété de la nouveauté en faisant croire que le futur ressemblera au passé ». L’observation est profonde. Il est naïf de rechercher dans l’ego une puissance capable de délivrer un épanouissement véritable.  Nous avons vu  que l’idée même d’un « moi » accompli est une lubie. Mais que le moi puisse être le véhicule d’un dépassem

 

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Vos commentaires

Questions:

1. Qu'est-ce que la santé mentale?

2. Est-il pertinent d'aborder la question de la santé d'un point de vue exclusivement biologique?

3. La notion d'accomplissement de soi peut-elle être strictement personnelle?

4. En quoi l'image de la pyramide est-elle insuffisante?

5. Faut-il parler d'une ou de plusieurs psychologies?

6. Le béhaviourisme conserve-t-il un sens dans une psychologie de la santé mentale?

7. Comment formuler la différence entre "psychologie humaniste" et psychologie transpersonnelle"?

 

  © Philosophie et spiritualité, 2014, Serge Carfantan,
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