Dans une précédente leçon, nous avons commencé notre investigation de la monnaie, en tirant parti de l’argument selon lequel l’État était à la fois :
- trop grand pour gérer les petites choses. Il faut faire confiance aux communautés et relocaliser l’économie. Un moyen utile pour y parvenir est l’adoption d’un système de monnaie locale.
- trop petit pour gérer les grandes choses. Second volet ouvrant sur l’opportunité d’une monnaie mondiale. Nous avons intérêt à ce que disparaissent les tensions des changes et la spéculation sur les devises nationales, ce qui logiquement nous ramène vers l’instauration d’une monnaie mondiale. Le succès de l’euro a montré qu’une monnaie collective est un gage de stabilité. Elle est extrêmement utile dans les transactions, puisqu’elle élimine la nécessité, dans la zone qu’elle recouvre, d’une conversion d’une devise dans une autre. Elle est plus attractive, parce qu’elle ne dépend pas d’un seul État, de sa suprématie politique et des aléas de son économie. Étendu à toute la planète, le principe est donc très séduisant, tellement que les sceptiques y voient une utopie. Notons que l’idée n’a rien d’original, elle a depuis longtemps été avancée par des auteurs d’horizons philosophiques, idéologiques, politiques et économiques très différents.
La monnaie mondiale a aussi ses détracteurs. Sur le plan idéologique, certains y voient le danger de l’apparition d’un « nouvel ordre mondial » totalitaire à la botte des financiers et qui achèveraient par là l’emprise qu’ils possèdent déjà sur l’économie. C’est la version conspirationniste. D’autres, rêvent de la restauration de l’État-nation et demandent un retour du contrôle de la monnaie par le pouvoir politique. Il faut dire que la monnaie a été et reste encore un symbole puissant d’identité nationale. On comprend que ceux qui y sont attachés puissent souhaiter son rétablissement.
Faut-il souhaiter l’instauration d’une monnaie mondiale ? Sous quelles conditions ? Nos institutions actuelles peuvent-elles supporter un tel projet ? Peut-il y avoir monnaie mondiale sans gouvernement mondial ? Est-il possible d’obtenir une réforme d’une telle ampleur sous un contrôle démocratique ? Ne prend-on pas le risque, au lieu d’empêcher les dérives de la spéculation, de renforcer encore la puissance de l’argent ?
* *
*
Il est assez facile de se réfugier derrière l’argument selon lequel une idée nouvelle est une « utopie ». L’argument a été employé à tour de bras contre toutes les innovations techniques, tandis que l’histoire finissait par transformer ce qui était auparavant une possibilité en réalité concrète. Cependant, pour éviter de se lancer dans l’abstraction théorique, il faudrait tout d’abord se demander si l’instauration d’une monnaie mondiale ne va pas tout simplement nous apparaître comme une urgence et une nécessité.
1) Ce n’est désormais plus un secret pour personne, comme le dit Paul Jorion: « Les pertes causées par les bulles financières quand elles éclatent dépassent désormais en taille la capacité d’absorption des États. » C’est un des signes caractéristiques d’une crise systémique et qui la différentie d’une crise simplement historique. Le processus de la dette accumulée à l‘intérieur et à l’extérieur des économies des États pouvait être ignoré, tant que le système, dans une fuite en avant éperdue, tournait à plein régime. Le monstre dévorant de l’endettement poursuivait tout le monde, mais nous avions toujours quelques foulées d’avance. C’est au moment où le système se bloque qu’il nous rejoint pour réclamer sa pâture. Et sa faim est prodigieuse, si bien que les banques centrales ont beau jeter des milliards pour tenter de le rassasier, la gueule du monstre s’ouvre sur un abîme sans fond. La conséquence qu’il est très difficile d’éviter est celle-ci : La crise systémique actuelle devrait dans son processus détruire les monnaies nationales et ruiner les États.
---------------Quelques
chiffres. Depuis 2000 le yen avait déjà perdu 63 % par rapport à l’euro. Depuis 2008
le zloty polonais a perdu 36% de sa valeur, le forint hongrois 25% et la
couronne tchèque 22%. Toutes les devises d’Europe de l’Est qui auraient pu être
sauvées par le passage à l’euro sont engluées dans une spirale de dépréciation.
Beaucoup de spécialistes pensent que, vu l’énormité de l’endettement américain,
le dollar ne devrait pas non plus résister et s’effondrer dans le courant de
l’année 2009. Pour l’euro, il semble n’y avoir qu’un délai accordé, car la bombe
est seulement à retardement.
Tôt ou
tard, les financiers vont se retrouver devant un impératif de survie : remplacer
le système d’argent-dette actuel par un système d’argent sans
dette. (texte) Toute
la question étant de savoir s’il est possible d’effectuer une mutation d’une
telle ampleur sans
l’opération radicale consistant à instaurer une monnaie
mondiale. Aujourd’hui, on tergiverse pour tenter de sauver le
système. Le
malheur des banquiers tient dans une supplique désespérée adressée aux
politiques : il faut trouver quelqu’un qui rachète les
dettes ! Mais il n’existe
pas à l’échelle de la planète de trésor commun capable de le faire ! On demande
aux États de créer des bad bank, des structures pour se défaire de la
masse d’actifs toxiques en circulation, ce qui implique : a) que les États vont
devoir se charger d’un poids de dette supplémentaire pour des montants
astronomiques, b) au bout du compte que ce sont les contribuables qui vont être
ponctionnés sévèrement pour éponger l’ardoise des banques impliquées partout
dans une démence spéculative dont elles ne peuvent plus se sortir. Un mois de
salaire au minimum pour chaque contribuable américain. c) que les monnaies
nationales ne vaudront quasiment plus rien dans ces conditions, car leur valeur
sera éventrée par la dette d’État. d) Autant parler désormais de faillites des
États ; processus qui a déjà commencé.
Alors la question devient : vaut-il mieux mettre en faillite mettre en faillite les États ou mettre en faillite le système bancaire lui-même et faire une purge de grande ampleur ? La première solution mon capitaine ! C’est du moins la direction prise ces temps-ci. La question qui nous taraude est donc : comment peut-on bâtir un système bancaire immunisé contre la cupidité ? Est-il raisonnable de penser qu’il serait possible de le faire sans une refonte complète du système? Le grand corps malade de l’économie a besoin d‘un remède de cheval.
Petit retour sur l’histoire de la cupidité organisée. Quelle est la définition du fascisme ? Mussolini lui-même disait que : "le Fascisme devrait plutôt être appelé corporatisme, puisqu’il s’agit en fait de l’intégration des pouvoirs de l’État et des pouvoirs du marché." Bien vu. Un système politique devient passablement criminel quand il soumet le pouvoir de l’État à la cupidité du pouvoir du marché. L’économiste Howard Scott, en toute logique répond donc : "Un criminel est une personne avec des instincts prédateurs qui n’a pas suffisamment de capital pour former une corporation !" Dans la hiérarchie de la cupidité organisée au sein des corporations, la palme revient bien sûr à la spéculation financière, car elle forme la quintessence de l’abstraction de toutes les valeurs dans une seule : l’argent. Déconnectée de la Vie, arrachée à la Terre, coupée de toute relation avec les vraies richesses, la spéculation a fini par nous monter à la tête, tandis que nous devenions aveugle au cortège de destructions que produisait au fil des ans le diktat du profit. Nous sommes désormais au pied du mur dans un moment historique. Il nous faut décider si nous voulons maîtriser la machine économique ou bien si c’est elle qui nous maîtrise. Et au pied du mur, cela veut dire les pieds sur Terre devant un obstacle à franchir. Le marché peut-il être régulateur s’il n’est pas lui-même régulé ? Et régulé suivant quelle logique ?
2) La politique de création monétaire nationale sous la forme d’emprunts publics, dans la droite logique de l’argent comme dette, au lieu de rétablir la confiance, sape la crédibilité des monnaies nationales. La stabilité de l’une par rapport à l’autre n’a plus rien à voir avec la santé de l’économie réelle de chaque État, elle ne tient qu’à la mesure de la faiblesse des devises concurrentes sur un marché des changes volatile et emporté par des poussées de fièvre complètement irrationnelles. La solution rationnelle consiste dans la création d’une monnaie mondiale gérée cette fois en fonction de l’intérêt général de toute l’humanité et non dans l’intérêt des corporations du profit. De toute manière l’économie, qu’on le veuille ou non, qu’on le déplore ou pas, est déjà mondialisée. C’est un fait. Alors pourquoi ne pas prendre en main cet état de fait au lieu de le laisser à la dérive, tout en continuant de raisonner dans un paradigme complètement obsolète ? Le changement radical de paradigme dont nous avons besoin pour sortir de l’impasse économique actuelle n’implique-t-il pas nécessairement l’adoption d’une monnaie mondiale ? Le comble dans cette affaire, c’est l’attitude paradoxale des États. Même si le navire de l’État coule, personne ne veut renoncer à la souveraineté monétaire ! Il y a quelque honte à afficher clairement le recours à la bonne vieille méthode de la planche à billet, le recours à la création monétaire pure et simple. Mais dans la pratique, sans le dire… c’est ce qui se fait ! A côté de cela, l’ironie, c’est qu’il existe déjà un organisme, le FMI, qui possède la faculté de créer de la monnaie à un niveau mondial. Mais ce que l’on fait en coulisse, sans le dire, il ne faudrait pas le faire au niveau international… en le disant !!. Nous avons déjà avec l’euro toute l’expérience nécessaire du passage depuis les monnaies nationales vers une monnaie globale. Que l’on ne parle pas d’utopie, ce qui semblait impossible a déjà été fait. Bien sûr qu’il y a un casse-tête diplomatique dans cette opération, quant à négocier des conditions d’exigibilité, une conversion de l’ancienne monnaie vers la nouvelle ; mais quitte à choisir, que préférons-nous ? Le prolongement chaotique d’une crise et ses dégâts collatéraux sur le plan social, environnemental, envenimés ensuite de complications militaires ? Ou une sortie possible par le haut, même si elle doit emprunter les tunnels plus ou moins tordus de la diplomatie et de l’expertise ?
Combien de
temps faudra-t-il aux dirigeants politiques qui nous gouvernent pour qu’ils
prennent enfin au sérieux la menace de dislocation des États et des équilibres
géopolitiques qui se profile dans la droite ligne de la crise systémique
actuelle ? Si le pouvoir politique a un sens, c’est en tant qu’il reste
souverain et non qu’il reste soumis à une autre puissance telle que l’argent.
La
souveraineté ne tient sa légitimité qu’à son aptitude à soutenir le
bien commun,
ce qui implique toute la pyramide de l’existence depuis sa base. La première
économie systémique n’est pas celle de l’homme, mais celle de la Nature. Le
maintien des écosystèmes qui assurent la
vie sur Terre est une priorité qui conditionne toutes les autres. La hausse
artificielle des semences a montré dans l’embrasement des émeutes de la
faim à
quel point le poison du système spéculatif était mortel. Nous sommes les
intendants de la Terre et si nous sommes incapables de protéger et de
promouvoir
la vie, nous hypothéquons dangereusement notre futur. Selon un très joli titre
d’article récent, dans cette crise, nous devrons
sortir du rouge par le vert.
(texte) Dans la foulée, la cohésion du système éducatif, du système de santé doit
être à nouveau assurée au sein de chaque communauté vivante. La
relocalisation de l’économie
s’avère dès lors incontournable. Le mouvement est déjà en cours. Il implique la
relocalisation au pays de l’appareil productif qui a été
délocalisé ailleurs, dans des zones où le coût de la
main d’œuvre était
faible et pour le seul bénéfice du profit. Cette orientation nouvelle aura pour
effet un renouvellement de l’engagement dans le travail au service de la
communauté vivante. Pour que la cohérence sociale soit stimulée et maintenue, il
faudrait aussi y adjoindre des systèmes de monnaie locale qui, dégagés de
la
logique du profit, favorisent la coopération et l’échange de services.
Si rien n’est fait dans cette direction, on ne pourra plus contenir très longtemps le ressentiment des opinions publiques et il faut s’attendre à ce que les esclaves trop longtemps enfermés dans les calles du navire jaillissent sur le pont le couteau entre les dents. La métaphore est dure, mais la situation est grave et ce n’est pas le moment de se payer de propos lénifiants. Le calme peuple d’Islande est descendu dans la rue et a renversé son gouvernement, coupable d’avoir mené le pays à la faillite. Aux États Unis, l’opinion publique peut difficilement supporter de voir englouti des milliards pour « sauver » des banques responsables des désastres actuels. (texte) Au même moment, des milliers des hommes sont réduits au chômage et se voient contraints de quitter leurs logements, parfois pour aller vivre sous la tente aux abords des grandes villes. L’urgence, ce sont des filets de protection à tous les niveaux, pour parer au plus pressé, mais cela ne va pas suffire. Il faut qu’advienne un changement de conscience radical au sein de la sphère économique. Faut-il, à terme, créer une monnaie mondiale afin d’assurer à chaque être humain sur Terre un revenu minimum d’existence ? L’idée est dans l’air. Elle demande peut être trop à cet intermédiaire de l’échange qu’est la monnaie, mais elle mérite d’être examinée.
Historiquement, le passage du troc vers la monnaie, instaure une convention : adopter tel ou tel support (métal, coquillage, plume etc.) comme intermédiaire symbolique de l’échange. La convention comporte un aspect purement technique et elle repose sur une entente collective basée sur la confiance établie dans une communauté. La monnaie mondiale diffère-t-elle entièrement sur ce point de la création historique des monnaies ?
1) Un représentant de commerce qui voyage partout en Europe est obligé de transporter avec lui un paquet de prises électriques de différents formats. C’est encombrant, passablement idiot, car on se dit qu’il suffirait que les États s’entendent sur un standard unique et cela simplifierait l’usage. D’un point de vue technique la multiplicité des standards ne crée que des complications. La standardisation fait partie de l’évolution normale de la technique. Il en est de même pour les mesures. L’étalon du mètre pour les longueurs, du gramme pour les poids, du litre pour les liquides etc. une fois accepté, est une commodité dans l’échange et le partage d’un savoir. Il dispense d’une conversion permanente d’un système dans un autre. Un kilo de farine en Guadeloupe, en Russie, en Chine ou en Australie, c’est toujours un kilo de farine. Deux kilomètres, c’est toujours et partout deux kilomètres. Il existe d’ailleurs des services officiels d’étalonnage (cf. les pompes à essence) et une répression pour sanctionner un contrevenant. La rationalité scientifique et technique s’oppose à l’usage de systèmes différents, elle cherche plutôt à bannir cette complication.
Toutefois,
il ne faut pas confondre la complication et la
complexité. La complication relève d’une
stratégie de mental confus dont la rationalité est discutable et qui produit au
minima des pertes de temps, au pire, un enlisement permanent dans des problèmes
fictifs. L’adage de l’intellect confus, c’est « pourquoi faire simple quand
on peut faire compliqué ! ». Et avec cet adage, vous pouvez faire de la
bureaucratie inutile, de la technocratie fumeuse, et une politique qui conduit à
la pagaille
généralisée. A la différence, la complexité a rapport avec la
richesse de texture du réel, richesse que ne se laisse pas réduire sous le coup
des simplifications abusives. Nous avons vu combien la pensée duelle devient
dans la polémique simplificatrice. Le monde est complexe, il faut l’admettre et
en tenir compte, mais il faut aussi l’aborder avec un esprit de simplicité et ne
pas créer des complications inutiles.
Or dans une économie qui est de fait mondialisée, le principe des monnaies nationales relève à l’évidence d’une complication inutile des échanges. On peut toujours dire que nous disposons du dollar comme monnaie commune. Mais ce n’est pas un étalon. Un étalon de mesure physique est très fonctionnel parce qu’il est stable, fixé sur une constante qui ne peut être discutée. Une monnaie d’État n’a aucune stabilité, elle fait du yoyo sur le marché. L’instabilité de la monnaie est elle-même utilisée comme arme monétaire pour réguler les flux entre exportations et importations. Aucune monnaie nationale ne peut être considérée comme un étalon. Une monnaie étalon nationale est un oxymore, même en ce qui concerne le dollar qui sert effectivement beaucoup dans les transactions et semble en apparence servir d’étalon. Le fait même d’utiliser le dollar comme monnaie commune est un avantage outrancier concédé à une nation et un préjudice pour toutes les autres. Il faut différencier « monnaie commune » et « monnaie mondiale ». Seule une monnaie mondiale peut exercer la fonction d’étalon des échanges économiques.
Les avantages liés à l’adoption de la monnaie mondiale comme véritable étalon monétaire sont nombreux et résultent pour une large part d’un effet mécanique. Le plus immédiat, c’est que la monnaie mondiale supprime de fait toute spéculation sur les devises et le change. Nous pouvons d’ors et déjà imaginer l’impact formidable qu’aura la création d’une monnaie non thésaurisable sur les échanges internationaux. Elle calmera les marchés et par ailleurs, elle invitera les acteurs du monde économique à se tourner davantage vers l’économie réelle. Elle impliquera une plus grande transparence dans les échanges. Elle mettra les pays pauvres à l’abri des fluctuations monétaires, tout en supprimant l’avantage que confère à une poignée de privilégiés la possession d’une devise plus forte. En mettant chacun sur un pied d’égalité devant l’argent, elle agira comme un contrepoids aux effets induits par la mondialisation. Jusqu’à présent, le capitalisme n’a tenu qu’en refusant le principe de transparence, en cultivant toutes formes de secrets et de manigances. L’adoption de la monnaie mondiale introduira immédiatement plus de vérité dans l’échange, en rendant très visibles les différences de salaires, de prix, de conditions sociales. La visibilité accrue dans le champ économique porte en elle une prodigieuse capacité de transformation. C’est tout aussi vrai dans le champ politique, nous n’avons montré, car c’est exactement ce qui rend impossible le machiavélisme du pouvoir.
---------------Mais
l’innovation la plus révolutionnaire apportée par la monnaie mondiale sera la
possibilité de création directe de monnaie sans dette. Nous savons que dans
l’état actuel des choses, la quasi-totalité de l’argent qui existe en
circulation est créé ex nihilo sous la forme de dette injectée dans le
système par les banques commerciales lorsqu’elles accordent un prêt. Nous avons
vu dans une précédente leçon que les banques créent l’argent qu’elles prêtent,
mais qu’elles ne créent pas l’intérêt qu’elles exigent en retour. Or cet intérêt
doit être remboursé par les emprunteurs, mais cet argent là n’a pas été crée,
c’est un vide, un trou noir. C’est le vide aspirant de la dette collective et de
la dette des États eux-mêmes qui en sont directement victimes. Mais attention
cette folie est organisée et elle l’est au bénéfice direct des financiers.
Ceux-ci n’ont pas de raison de vouloir améliorer le système. Ils savent qu’il
est défectueux et qu’il ne cesse de produire des crises. Mais quand un problème
apparaît, parce qu’il a été généré par le système, le financier est déjà sur
pied pour apporter… sa solution technique… qui va à nouveau perpétuer les
dysfonctionnements de l’ensemble. En termes de théorie écologique, on dit que la
finance recourt à des remèdes hétérotéliques (nuisibles au
Tout) pour
maintenir à flot un système qui est lui-même hétérotélique. Ce processus
démentiel à un moment atteint sa limite mathématique, limite à partir de
laquelle il n’est plus possible de payer l’intérêt sur la dette. Cela s’appelle
un krach. Quand cela se répercute par effet domino partout sur la
planète, c’est une crise systémique. On voit donc l’important énorme qu’il y a à
sortir de l’argent-dette. A partir du moment où l’argent sera émis sans dette
et conformément à l’intérêt de la totalité de l’humanité, l’économie deviendra
immédiatement plus saine.
2) Les objections les plus courantes. On peut rétorquer que :
a) « Les États ne voudront pas abandonner leur monnaie, partie pour des raisons qui tiennent à leur souveraineté en droit, partie parce que la monnaie incarne de fait l’identité nationale. Dans l’histoire des monnaies, c’est la fierté nationale qui a emporté bon nombre de décisions ».
- R : Ce genre d’argument ne porte pas pour les pays développés très affectés par la crise actuelle. Les pays pauvres n’y tiendront pas non plus, ils ont tout à gagner à changer leur monnaie pour une devise plus solide, y compris pour leur indépendance. Bref, l’argument ne fonctionne que pour les devises de pays riches très peu affectés par la crise. Combien ? Qui ? Les grands pays en voie de développement ? Ils doivent affronter leurs problèmes sociaux et économiques internes. Au final, l’argument parait obsolète, très daté historiquement et peu convaincant.
b) « Concéder un plus grand pouvoir à une organisation internationale tel que le FMI en lui confiant le soin de créer une monnaie et veiller simultanément à son usage démocratique est une proposition irréaliste ».
- R : Irréaliste au vu du fonctionnement actuel, mais pas impossible, ce qui est sûr c’est qu’alors nous irions vers une refondation en une seule entité de la Banque Mondiale et du FMI sous l’étroite surveillance de l’ONU. Vaste chantier il est vrai, mais avons-nous vraiment le choix ?
c) « La présente crise a son origine historique dans le fait que les États ont été dépossédés du pouvoir monétaire en faveur des banques centrales. La solution serait alors de réintégrer le pouvoir monétaire à l’intérieur de la souveraineté politique de chaque État… ce qui est bien sûr exactement le contraire d’un projet de monnaie mondiale ».
- R :
Voir réponse (a). Le réflexe identitaire et la tentation
protectionniste sont
possibles et même prévisibles dans l’urgence, mais ce serait un recul, un repli
dans le chacun pour soi qui ne peuvent être
efficaces à long terme.
d) « Certains économistes plaident pour le retour à une parité d’échange fixe fondée sur l’étalon or, en s’appuyant sur le fait que, pendant toute la période où ce système a été utilisé, la stabilité des monnaie a été remarquablement assurée ».
- R : Nous savons que dans l’histoire l’or a permis de nombreux trafics et manipulations. Est-il vraiment opportun de les relancer ? Cela a été fait dans la Rome antique et c’est une des causes qui a contribué à sa chute. Si l'or redevenait la seule base légale de l’argent, il y aurait de grandes disparités. Ceux qui n'en n’ont pas n'auraient plus d'argent. Il faudrait sévèrement limiter l’émission de monnaie au stock d’or disponible. Cette rigidité est incompatible avec la souplesse exigée par une réponse pertinente à une situation de crise.
e) « Les taux de changes sont actuellement utilisés pour arbitrer les flux caractéristiques des situations de concurrence. L’abandon des monnaies nationales retirerait cette soupape de régulation des taux de changes en fonction de la conjecture. Lorsque la croissance fléchit, la baisse du change permet de relancer l’exportation. Inversement, la hausse du taux de change refroidit l’économie ».
- R : Exact. Cela fait partie du transfert de pouvoir depuis les Banques Centrales vers la Banque Mondiale. Tout reste à inventer pour obtenir une régulation à partir d’une monnaie mondiale.
f) « Il existe déjà une monnaie internationale et c’est le dollar. Ce référent est fonctionnel et en accord avec la suprématie économique des États Unis. Il assure 50% des échanges commerciaux et 80% des transactions financières mondiales. Le système monétaire a peu changé, mais il a imposé une adaptation, comme disait un secrétaire américain du Trésor : « le dollar est notre monnaie, mais votre problème ».
- R : Si c’est notre problème et qu’il vient à s’effondrer dans très peu de temps, ce sera aussi le problème des États Unis et celui du monde entier. Il y a de solides raisons de penser que la devise américaine risque gros dans la période à venir, il suffirait d’une pichenette de la Chine pour obtenir sa dépréciation massive. Que restera-t-il alors comme autre solution viable à part l’instauration d’une monnaie mondiale ?
g) « Quand on voit avec quelles difficultés travaille le Conseil de Sécurité des Nations Unies, on peut avoir de sérieux doutes quant à la possibilité de voir un jour fonctionner une Banque Centrale Mondiale gérant de manière acceptable une monnaie mondiale ».
- R :
C’est un problème sérieux. Répondre en disant qu’il faudra à terme mettre en
place un
gouvernement
économique mondial c’est multiplier les problèmes et soulever les inquiétudes de
ceux qui refusent une fédération mondiale unifiée et qui ne veulent surtout pas
entendre parler d’un gouvernement mondial. Mais là encore, une fois surmontées
les réticences, il faudra apprendre à penser et à décider sur un plan mondial.
C’est une question de volonté politique.
h) « Trouver une consensus sur les cours de conversions appropriés, pour passer des monnaies nationales à la monnaie mondiale, produirait une bataille épique et interminable qui risquerait de s’enliser dans des querelles d’experts et des luttes de pouvoir, pour n’aboutir au final qu’à une situation pire qu’auparavant ».
- R : Le pire n’est pas certain, il n’est qu’une hypothèse, le chemin de croix de la recherche d’un consensus acceptable l’est. C’est encore une question de volonté politique.
i) « La monnaie mondiale impliquerait en période favorable un cycle d’activité mondial en croissance simultané, ce qui est un risque d’inflation élevé. Inversement, en période de difficultés économiques, la récession deviendrait synchrone, ce qui est un fort risque de dépression ».
- R : La monnaie mondiale posera par avance un contexte de stabilité et donnera aussi de nouveaux instruments de régulation. Mais il est incontestable qu’elle n’est pas une simple « réforme structurelle ». Elle implique une remise en cause du capitalisme, une transformation complète de l’économie et un projet radicalement neuf pour la Terre, parce qu’elle suppose une solidarité de l’humanité qui n’a jamais été envisagée jusqu’ici.
j) « La monnaie unique suppose une convergence des politiques et des économies. Or on voit mal comment le Burkina, le Canada et le Japon, par exemple, auraient la même monnaie alors que leurs développements et leurs structures sont très différentes. Le risque serait à terme de voir distribuer de manière aléatoire la richesse internationale ».
- R : La distribution aléatoire des richesses est précisément un des reproches majeurs que les économistes adressent au système actuel. L’adoption de la monnaie mondiale favorisera un meilleur équilibre entre le Nord et le Sud.
Pour le meilleur - et jusqu’à présent surtout pour le pire - l’économie est mondialisée, l’isolement d’une économie par rapport à une autre est illusoire. La séparation est une fiction et non un fait. Le fait réel c’est l’interrelation constante au sein de l’unité. Là encore, nous avons beaucoup à apprendre de la vision systémique. Toute action humaine sur l’environnement en un point du globe est en corrélation et entre en résonance avec la Terre entière. La conséquence est qu’une action intelligente, tout en ayant au moment même où elle est effectuée le caractère d’une intervention locale, doit simultanément être perçue de manière globale. Il n’y a rien de surprenant à ce que nous découvrions dans l’économie des processus systémiques analogues à ceux que l’on trouve dans la Nature. La prise de conscience du caractère systémique de l’économie implique qu’elle doit être unifiée, non pas au gré des fluctuations erratiques d’un marché, mais autour d’une gestion mondiale. Et à partir de là, la perception de l’utilité d’une monnaie mondiale devient une évidence.
1) La crise financière que nous traversons est le symptôme d’une crise bien plus profonde et d’un changement d’époque tel qu’il s’en est rarement produit au cours de l’Histoire. Mais l’histoire peut-elle donner les clés de sa résolution ?
Selon les
historiens, (texte) tout s’est joué dans la période entre 1945 et 1975. En 1944 il fut
décidé que les États unis s’engageraient à convertir leur dollar en or à la
demande des autres banques centrales au prix de 35 dollar l’once. Les autres
banques centrales devaient aussi maintenir une définition or de leurs monnaies
nationales. Le système des monnaies arrimé à l’or dura jusqu’en 1968. Mais la
banque centrale américaine, voyant ses stocks d’or diminuer, fit
pression sur
ses alliés pour qu’ils évitent de convertir en or leurs réserves de dollars. Et
on en arriva ainsi à la décision du 15 août 1971 où Nixon abolissait de fait la
convertibilité du dollar, mettant ainsi fin à la dernière forme d'étalon-or qui
pouvait encore subsister. En 1976, aux accords la Jamaïque, la convertibilité
était juridiquement abandonnée. Il est patent aux yeux des économistes que la
convertibilité des monnaies en or a assuré une stabilité pendant le siècle
précédent et que l’inflation massive ne s’est développée que lorsque les États,
pour financer leurs dépenses, ont supprimé cette convertibilité. L’or était en
effet utilisé comme étalon fixe. Pendant la période où l’étalon or
a dominé, les monnaies occidentales n’avaient pas varié de plus de 1% les unes
par rapport aux autres. Aujourd’hui, en comparaison, il suffit de quelques
semaines pour voir l’euro fluctuer de plus de 30% par
rapport au dollar. Nous
sommes dans un système éminemment instable, sensible à des mouvements
chaotiques
dont l’amplification peut être accentuée massivement par la
spéculation. Le
système monétaire n’a aucun axe fixe. De plus, à partir du moment où il
existe une diversité de monnaies, où le laisser-faire règne au niveau de la
finance, chaque monnaie devient elle-même un objet de spéculation. La monnaie
est totalement asservie à la loi de l’offre et de la demande. Et il faut ici
se souvenir que la quasi-totalité de l’argent qui circule aujourd’hui dans le
monde vient d’une forme de virtualité. Les banques crée de l’argent ex nihilo
(texte)
mais qui est ensuite converti en monnaie fiduciaire. Dans ces conditions,
la monnaie n’a plus du tout fonction d’intermédiaire des échanges, ou mieux,
cette fonction subsiste mais elle est devenue très secondaire. La monnaie est un
objet spéculatif d’échange comme un autre. Si donc on veut maintenir des
monnaies d’États, il paraît de bon sens, plutôt que de laisser le système a
volo, de retirer les devises des mains des spéculateurs… Mais dans la
pratique, c’est impossible à réaliser ! Le problème réside dans l’existence
même d’une multiplicité de monnaies. Alors, il ne reste plus qu’à entrer en
religion et croire que la magie d’une
main invisible va donner de la cohérence à
ce chaos et que de là sortira un joli taux de
croissance. Ce qui est sûr, c’est
que si on veut sauver le système actuel, il faut nécessairement donner aux
banques centrales un contrôle sur le taux de change. Pour citer Robert Mundell :
« Il est ridicule que les banques centrales puissent réguler les taux d'intérêt
quand elles le veulent, mais qu'elles soient impuissantes devant les taux de
change ».
Dans cette énorme complication qui frôle l’absurde, comment peut-il y avoir un rapport quelconque entre la richesse réelle et la monnaie mise en circulation ? Que valent ces billets qui passent entre nos mains ? Qui contrôle et oriente en définitive les flux monétaires? Au bénéfice de qui circule la monnaie ?
La monnaie doit bien être émise. En vertu de quelles règles ? Selon les théoriciens de l’économie, en raison de la loi de l’offre et de la demande, la valeur d’une monnaie diminue quand sa quantité augmente. Les périodes d’inflation de l’histoire corroborent cette proposition qui vaut aussi pour l’augmentation d’un étalon physique tel que l’or. Ainsi, au 16ème siècle, il y a eu une importante inflation en Europe, due aux grandes quantités d'or et d'argent ramenées par les conquérants espagnols. De même, plus on fait tourner la planche à billet, en complète déconnection avec l’économie réelle, et plus ce qui en sort devient du papier sans valeur. Du papier qui n’a pas d’autre valeur que la croyance collective selon laquelle il en a, que la croyance selon laquelle le billet émis par un État vaut plus… que son équivalent dans un jeu de Monopoly. The dark night of the soul pour l’actionnaire, c’est que brutalement ses titres s’effondrent et qu’il se retrouve dans le néant complètement ruiné. Au niveau d’une nation, l’effondrement d’une monnaie, c’est la catastrophe qui fait qu’un jour il faut apporter une brouette de billets au marchand pour obtenir un morceau de savon.
2) En 1944, après les accords de Bretton Woods, plusieurs pays avaient avancé l’idée de créer une monnaie mondiale, mais le projet est resté lettre morte. On a donc laissé l’économie fonctionner telle qu’elle, tout en maintenant soigneusement son paradigme classique. En fait, on a libéré toutes les potentialités qu’il pouvait contenir… jusqu’à ce que ses contradictions internes éclatent et le mènent au collapse final.
Pour cela, il fallait lâcher totalement la bride à l’économisme. Il fallait que l’économie prenne le pas sur la politique. Le XXème siècle a connu la manifestation violente des idéologies politiques, autrefois porteuses d’utopie, et leur effondrement sanglant. Les expériences totalitaires du XXème siècle ont fini par ruiner la plupart des grands projets politiques. Comme la pensée occidentale avait clamé sa suprématie en investissant beaucoup dans le champ politique, les déconvenues de l’Histoire ont vu sa mise à mort. Ce qui a laissé un vide d’idéal dans les mentalités, vide dans lequel s’est engouffré le seul projet qui avait collectivement encore un sens… celui de l’hédonisme de la consommation de masse ! « On veut pas changer le monde, on veut en profiter ! ». S’en est logiquement suivi la prise de pouvoir massive des économistes (texte) et la promotion de l’économisme comme pensée unique. (texte) La vulgate du discours des médias, de l’école à l’université a consisté à offrir au peuple Le Meilleur des Mondes de la consommation. Solution de remplacement éminemment pacifique et démocratique. Quoi de plus pacifié qu’un bon consommateur repu ? Quoi de plus accessible en vérité qu’un idéal de bien être se résumant en une accumulation de toutes ces acquisitions bien confortables qui font le bonheur ? Quoi de plus béatifique que de pouvoir, enfoncé dans un canapé, roter devant un écran plat géant ? Impossible d’oser imaginer qu’en cherchant massivement à bien avoir… on se fasse aussi bien avoir. C’était un modèle de développement très solide, très populaire, très consensuel, très efficace et - ce qui est très pratique - qui ne supposait surtout pas un haut degré de culture. Au contraire. La prise de pouvoir par l’économisme ambiant a donc pu se faire en douceur, dans l’ébriété de la publicité et dans un reality show médiatique permanent. Debord appelle cela La Société du Spectacle.
---------------La promesse
des économistes, désormais relayés intégralement par les politiques tout à fait
convertis, était d’atteindre ces merveilleuses finalités par la
croissance.
Du coup, le mot devenait partout une incantation obsessionnelle et une réponse à
tout (texte). Il était très facile d’imposer ce point de vue, d’autant plus qu’entre
temps, les économistes devenaient les maîtres à penser du pouvoir financier… et
les seuls maîtres à penser tout court ! Les succès des
traders devenaient
l’incarnation de la réussite. Le gratin de la jeunesse nouvelle n’avait plus
qu’un seul but, un seul rêve, une seul foi : entrer dans la
finance ! Pour ceux
qui n’avaient pas trop de moyens, il restait encore l’exaltation d’entrer… dans
une école de commerce. Bref, gagner beaucoup d’argent. Comme les choses sont
vraiment bien faites dans le disneyland économique, il se trouve que la
seule culture que la jeunesse absorbait massivement était aussi celle qui la
consignait dans son adolescence ; c’était de la
publicité, du cinéma dans le
même registre et puis on y a même ajouté ensuite les jeux vidéo dans le même
registre aussi. Le tout le plus souvent taillé dans de l’émotionnel, du
glamour,
de l’insouciance légèrement effrontée, ou carrément gore comme on aime à la
télé. Produit par l’émotionnel pour l’émotionnel et comme standard, que l’art
lui-même s’est empressé d’imiter au point que la limite ne devenait plus
perceptible entre le gadget rigolo et insignifiant et des
produits artistiques
s’ingéniant à une création du même ordre. Mais ce qui est « surprenant », c’est
que dans ce monde, tout se ramène finalement à ce que l’on peut acheter.
L’unique point de mire, la plus forte hallucination ici, c’est le fantasme
prodigieux désormais cristallisé autour de l’argent, au point que
l’accomplissement de la vie ne pouvait avoir qu’un seul sens : la réussite
qui vous en met plein les poches.
Bon,
c’est vrai qu’un taux de croissance,
cela n’a jamais soulevé l’enthousiasme des foules et la
saturation
du discours de l’économisme débouche souvent sur des révoltes, comme celle de mai 68.
Mais quand la conscience collective n’est pas mûre, la
révolte passe et l’inertie
ramène dans le rang. Il faut vraiment que tout s’effondre pour qu’un réveil
global soit possible. Nous sommes parvenus collectivement à ce point zéro : plus
d’avenir, plus de projet de société, plan de croissance en panne, chômage en
expansion, explosions sociales, épuisement des ressources naturelles en vue,
menace écologique
sans précédent, émeutes de la faim. C’était prévisible, tout système
quantitatif, parce qu’il est unidimensionnel, finit un jour par développer ses
contradictions et manifester ses limites. Les arbres ne montent pas au ciel
et tout ce qui vit ici bas est astreint à des limites, les
rondes limites de ce qui est parfait en soi
dans son imperfection même. La rondeur des choses vraies dans la rondeur des
vrais jours. Comme dit
Giono. La limite des limites est la Terre elle-même, ronde elle aussi dans
la beauté de ses limites. Nous ne disposons pas de quatre ou cinq planètes pour
satisfaire notre appétit de croissance. Nous ne pouvons raisonner ici-bas en
pensant que nous quitterons un jour la Terre, nous devrons apprendre à y vivre
dans les limites que la Terre nous prescrit.
Notre devrons réintroduire dans la vision économique les dimensions qu’elle a complètement occultées. La vie est multidimensionnelle et elle ne peut être appréhendée et servie à l’intérieur d’une représentation qui la réduit à sa seule dimension quantitative. Ce que dit et répète Muhammad Yunus. (texte) Remplaçons en économie le PIB, par l’IPA, l’Indicateur du Progrès Authentique en prenant en compte la complexité de la Vie et toute sa richesse qualitative. Ramenons l’argent à sa valeur d’intermédiaire et reconnaissons en lui le flux vivant des échanges humains.
L’ancien paradigme n’a plus d’avenir, mais l’avenir lui, est là dans le présent, dessiné par les choix que nous faisons maintenant en direction du futur. La vie n’a jamais été sur des rails. La vie est une création constante et une cocréation dans laquelle la totalité de l’humanité se trouve engagée. L’humanité doit maintenant inventer un nouveau projet de société qui sera désormais mondial et prendra en compte la Terre comme Patrie. Remplaçons la notion désormais obsolète de croissance quantitative, par celle de promotion qualitative de la vie. Rendons à l’économie son enracinement local dans des communautés humaines responsables. Le travail dans ce contexte ne manquera pas. Il faut refaire l’urbanisme dans un souci qualitatif élevé et en accord avec le respect de la Nature. Il faut d’urgence reverdir ce que nous avons désertifié, aider au renouvellement et à la préservation des écosystèmes. Ou du moins de ce qu’il en reste. Il faut rendre à l’éducation la place qui lui convient, c'est-à-dire la première place, car nous ne pourrons faire naître un futur que dans l’enthousiasme d’une connaissance nouvelle et d’une sagesse retrouvée. Apprenons aux générations à venir le sens de la simplicité volontaire, de la joie trouvée dans une sobriété qui sera attentive aux ressources de la Terre. Il est trop tard pour conjurer les conséquences des erreurs commises de par le passé. Le bilan est lourd, le déséquilibre de l’écosphère et de la biosphère sont patents. Nous allons devoir affronter le poids des conséquences et trouver une nouvelle solidarité humaine dans les désastres. Nous allons devoir partager pour nourrir l’humanité et lui donner une vie décente. Cette nouvelle orientation du temps balaye et renvoie aux oubliettes de l’histoire la vision économique distillée dans les précédentes décennies.
On peut rêver d’un monde sans argent, mais ce n’est qu’un rêve eu égard à notre forme de conscience actuelle. Avant d’en arriver là éventuellement, il y a une étape cruciale qui pourrait clarifier nos échanges, l’étape de l’instauration d’une monnaie mondiale. Il serait même parfaitement possible : a) d’accompagner, comme certaines le proposent, la création d’une monnaie mondiale de l’instauration d’une revenu minimum versé à chaque être humain sur Terre. Une monnaie mondiale pourrait aussi, b) pour la première fois dans l’Histoire, prendre en compte la contribution de chacun à l’épanouissement de tous, l’apport de chacun au soutient de la vie. Ce serait honorer les citoyens de la Terre qui, par leur don de soi, favorisent la promotion de la vie. Cela nous changerait un peu des salaires exorbitants versés à des escrocs professionnels où à des marchands d’illusion. Si nous parvenions un jour à mettre davantage de gratitude dans l’argent, au nom de toute l’humanité, nous lui rendrions une dignité qu’il a complètement perdu.
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En attendant, n’ayons pas peur des mots. Les monnaies nationales sont à terme condamnées. Nous avons beaucoup mieux à faire que de soutenir des instruments qui perdent toute crédibilité dans le contexte actuel. Mieux à faire au niveau local en développant le micro-crédit et la monnaie locale. Mieux à faire au niveau international en développant la monnaie mondiale.
L'idée de monnaie mondiale va sortir du registre où on la range ordinaire des "utopies". Elle va apparaître comme une initiative pertinente. Il serait bon que des hommes politiques et des économistes sérieux s'en fassent le relais et que d'ors et déjà le débat soit introduit. Nous espérons que la modeste contribution de cette leçon aura au moins proposé quelques informations dans ce sens.
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Questions:
1. Y a-t-il contradiction entre monnaie locale et monnaie mondiale?
2. Le risque d'une monnaie mondiale ne serait-il pas de relancer follement la consommation sur la planète, au mépris des ressources limitées qu'elle comporte?
3. La notion de monnaie implique-t-elle oui ou non une diversité de monnaies?
4. Plutôt que de viser une monnaie mondiale, ne vaudrait-il pas mieux supprimer l'argent?
5. Pour abolir la dette, la monnaie mondiale ne pourrait-elle pas simplifier toutes les procédures en indexant d'un seul coup la monnaie mondiale sur la richesse réelle des États?
6. Le capitalisme n'est-il pas par nature lié à une diversité monétaire?
7. Les politiques ne risque-t-ils pas de refuser l'idée de monnaie mondiale, sous le prétexte qu'elle impliquerait de renoncer à leur rôle en encourageant la réduction des prérogatives des États?
© Philosophie et spiritualité,
janvier 2009, Serge Carfantan,
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