Les anciens accordaient une importance fondamentale à l’éducation morale en vue du développement de la vertu. De Platon à Aristote, d’Épictète à Sénèque, le mot revient sans cesse. Mais pour nous c’est un terme qui ne va plus de soi, un terme que nous trouvons un peu niais, vieillot et démodé. Nous sommes dans la postérité de Sade avec Les infortunes de la vertu. Petite vertu de la virginité, vouée à la perte dans la consommation de la sexualité. Un étudiant a beaucoup de mal a comprendre le sens ancien du mot vertu et il lui est très difficile de faire une explication de texte sur ce thème. Signe tout à fait caractéristique, ce que l’on désignait autrefois sous l’appellations des « vertus », tel que l’honnêteté, le courage, la fidélité, la pudeur etc. est aujourd’hui interprété sous un nom différent : nous parlons nous de « valeurs ». Or être attaché à des valeurs n’a pas le même sens que de cultiver des vertus. Cela nous engage moins.
Le livre récent d’André Comte-Sponville Petit Traité des grandes Vertus a donc beaucoup surpris par l’archaïsme de son projet. Remettre à la mode une notion aussi ancienne que la vertu dans un contexte postmoderne passe pour une gageure. Cependant, le défi mérité d’être relevé. Nous reconnaissons aujourd’hui que l’éducation morale est indispensable. Il se pourrait bien que seule la vertu puisse sauver le monde du chaos. Nous aimerions donner aux générations à venir les rudiments d’une morale civique. Mais comment nous y prendre ? Faut-il revenir aux leçons des anciens ? Devons-nous redonner un sens à la vertu ? L’éthique peut-elle en donner une définition claire ? Qu’est-ce que la vertu ? Une habitude acquise de conformité aux bonnes mœurs ? Un effort persévérant vers le bien ? Un qualificatif purement relatif de ce que nous opposons à ce que nous prenons pour des vices ? Un idéal moral ?
* *
*
Dans le domaine du relatif, une chose ne peut être pensée sans son contraire ; la vertu est indissociable de son opposé le vice. Vertu/vice ne peuvent pas plus être séparés, que plaisir/douleur, (cf. Hume texte) bien/mal, ou bonheur/malheur etc. Dans l’attitude naturelle, une vertu est une qualité qui fait l’objet d’une louange et d’une approbation morale, et le vice est un défaut qui fait l’objet d’un blâme et d‘une réprobation. Il est par exemple assez curieux de remarquer que dans la représentation commune l’idée est de connaissance de soi est d’abord entendue ainsi : « c’est important de connaître ses défauts et de ne pas sous-estimer ses qualités » ! De même, on entendra dans le même sens la connaissance d’autrui (voir les « bons côtés » de quelqu’un, ne pas trop s’attarder sur ses « défauts »). La signification du terme de "vertu" est obscure; et nous ne parlons plus de vertu. Pourquoi ?
1) L’homme postmoderne n’emploie pas le mot « vertu » et il réserve le mot « vice » uniquement pour désigner un comportement sexuel obsessionnel ! Cependant, il juge et condamne éperdument, il sait faire une évaluation morale dans laquelle il est « bien » de posséder certaines qualités et il « mal » d’avoir les défauts contraires. Il reconnaîtra en aparté que la qualité de retenue devant la nourriture et pensera que la gourmandise est un « vilain défaut ». Si nous devions mettre sur papier la dualité vertu/vice sous la forme de tableau, nous pourrions par exemple noter (à compléter):
Vertu |
Vice |
|
malhonnêteté |
Responsabilité |
|
|
témérité |
Tempérance |
|
|
injustice |
|
lâcheté |
Véracité |
|
|
méchanceté |
|
impudeur |
|
opportunisme |
|
bassesse |
Humilité |
|
Dignité |
|
|
dureté |
Fidélité |
|
|
Etc. |
Cependant, cette opposition est loin d’être claire pour au moins deux raisons :
a)
Nous vivons dans une atmosphère intellectuelle qui produit un brouillage des
repères dû à un psychologisme systématique appliqué à ce qu’autrefois on
appelait des vices, qui engendre un déplacement du vocabulaire, du registre du
confessionnal vers celui du divan. Sous l’influence de la
psychanalyse,
l’orgueil a été rebaptisé mégalomanie, la luxure est devenue
l’obsession, la concupiscence abhorrée des chrétiens est devenue la
tendance libidineuse, il s’est même trouvé des auteurs pour voir dans
l’avarice une rétention fécale. Du coup, la compréhension directe de la
vertu est écartée au profit d’un discours qui ne discerne que l’excès dans la
pathologie et reste incapable de se prononcer en termes éducatifs, dans le
registre des valeurs. Il existe une forme de relativisme dans cette tendance à
se défiler dans le psychologisme. C’est une critique souvent adressée à la
psychanalyse que de recouvrir par un langage psychologique des pratiques qui
énoncées autrement heurteraient la conscience morale.
b) L’inconstance dans les jugements moraux, leur absence de fondement, est la caractéristique de notre époque. Nous vivons dans un monde sans règles. Ce monde de l’hédonisme postmoderne est extrêmement habile à faire passer un "vice" pour une « vertu ». La société de consommation légitime par avance la gourmandise, l’orgueil, le luxe et la vanité. Les valeurs de la compétition sociale ont leur effet. L’agressivité et la combativité sont les « vertus » du manager, l’ambition et la ruse des « vertus » politiques, l’avidité une vertu de consommateur. Les héros du petit et du grand écran sont souvent insolents, violents, vulgaires, cyniques et on s’y est habitué, comme les adolescents ont l’habitude de faire « comme dans le film », sans penser le moins du monde que ce genre de conduite puisse blesser et faire du tort. Avec un conditionnement de plusieurs heures par jour, il ne faut s’étonner que les conduites soient sous influence et le moins qu’on puisse dire, c’est que la télévision n’est certainement pas un parangon de vertu. Du coup, tout est plus ou moins moral, parce que dans les mœurs ou habituel. On ne se rend même plus compte d’être en présence de ce qui pourrait être ressenti comme malsain. Nous sommes aussi assez malins pour dissimuler ce que l’observation de bon sens donnerait immédiatement comme une corruption morale.
2) Inversement,
on peut aussi tourner une vertu dans le vice. Ce qui est
le plus sous-jacent à ce nivellement, c’est la tendance de notre société à
légitimer un accroissement de l’avoir : plus de temps, de pouvoir, plus
d’argent, plus de prestige, plus de conquêtes, plus de sexe, plus de possessions
etc. Nous vivons sous l’emprise de la croissance
quantitative. Du coup, n'importe que accroissement est jugé bon,
toute incitation dans le sens de la tempérance mauvaise et donc implicitement
laminée dans la dérision. Il faut être excessif
en tout pour que cela se voit et que les
choses en vaille la peine !
Nous savons depuis Aristote que la vertu se trouve
dans le sens de la médiété, de la juste mesure, ce que notre époque
délivre, c’est au contraire une constante incitation à la démesure sous la forme
du toujours plus. L’idéologie de la consommation
doit nécessairement inculquer le sens de l’excès et l’habiller de « vertu ». Le
consommateur profite et il est bon qu’il cherche en permanence à
profiter, car c’est de cette manière qu’il contribue aux profits de ceux qui
produisent et aux profits de ceux qui font la promotion des produits. Nous avons
vu avec quelle habileté la rhétorique
publicitaire réalise ce tour de passe-passe avec les valeurs morales. Nous sommes dominé par l’empire du
quantitatif : compte de l’électorat de
droite et de gauche, des heures passées à travailler, des coups gagnants, des
femmes conquises, des milliards dans les coffres, des disques vendus, des
résidences
et des
jours de vacances, des stock option, des voyages, du bonus de
l’assurance, des fins de mois impossibles, des dettes écrasantes, des échéances
déprimantes, des visites qui s’espacent de plus en plus etc. il faut tout
compter. Dans ce registre, le toujours plus est le bien, le toujours
moins est le mal et la
simplicité a perdu toute signification. Pour invoquer l’importance de quoi
que ce soit ou de qui que ce soit, on invoque... des chiffres! La quantité mesure
l’importance du sujet et de l’objet et la dette de reconnaissance qu’on lui
doit. Que ce soit la frappe d’une balle au tennis, le tirage d’un livre en
librairie, le nombre de manifestants, la valeur du compte en banque, ce sont les
chiffres qui parlent. Nous sommes comme les collégiens qui font entre eux de la
surenchère pour se faire valoir. Or le qualitatif lui, n’est pas mesurable.
L’unique et le simple n’existent pas socialement parce qu’ils sont négligeables.
Et pourtant, c’est bien dans la pure qualité que la vie se donne à elle-même et
s’éprouve. C’est dans la qualité de cœur que se rencontre les vertus et la
qualité du cœur n’est pas mesurable. Elle n’est pas mesurable et elle n’est pas
faite non plus pour se montrer. Or notre temps ne vénère que ce qui se montre,
il vit dans le spectacle, la représentation et le souci de l’exhibition de soi.
Comme le dit superbement Michel Serres dans son Discours sur la vertu :
« La représentation vicie la vertu. L’exhibition en images publiques – la
croissance immense de la gloire, pour l’essentiel – devient le canal obligé qui
transforme toute vertu vraie, l’essence de la vie ou l’amour au-delà d’elle, en
image de stuc, et l’authentique héros en faux dieu de carton et de plâtre. »
Nous ne pouvons poser la question de la vertu que dans la rupture intérieure avec ce monde. C’est seulement quand nous sommes dans le monde, sans être du monde, que nous trouvons une distance sensible dans laquelle le sens de la discrimination nous revient. L’homme qui est englué dans la postmodernité ne la comprend pas. Il est pris dans toutes les compromissions morales. Ce n’est que dans le dégoût de soi, le sentiment que traité comme un veau, qu'il il finit par penser qu'il ne vaut pas mieux, c'est alors seulement qu’il peut tirer de son mécontentement une Passion. Un peu de lucidité et le sens de l’observation. Quand on en a assez d’avaler des couleuvres, on ne craint plus d’appeler un chat un chat et de désigner une vertu et un vice de leur nom qui leur est propre. Dans notre monde actuel, sans la révolte de l’intelligence, la vertu reste en sommeil, nous n’avons ni la force, ni l’idée de l’appeler. C’est seulement quand la réflexion s’est mise en chemin que la dualité vertu/vice reprend un sens, car c’est l’importance de leur juste discrimination qui nous apparaît.
La faculté
de la réflexion est la raison. La raison appliquée à la conduite implique une
éducation à la vertu. Ce projet, nous savons qu’il a été développé de manière
précise dans l’Antiquité. Essayons de cerner au plus près le sens de l’éducation
morale, telle qu’on la rencontre chez Aristote.
Aristote voit dans la vertu une disposition. « La vertu est,
en ce qui concerne les plaisirs et les peines, la faculté d’exécuter de belles
actions, le vice étant la disposition contraire ». Convenons que ce type de
réponse reste assez obscur. Il faudrait en effet préciser la relation exacte
entre la vertu et le plaisir, montrer ensuite en quoi le Bien pourrait être
proche parent du Beau et ce qu’il faut entendre par « belle action ». Nous nous
trouvons ici devant un faisceau de relations qui allaient de soi pour un esprit
grec, mais qui demande une explicitation complète dans notre contexte.
1) Il est important de revenir à l’intuition première
contenue dans le terme de vertu. Le mot vertu contient un sens que nous avons
oublié et une dynamique qui lui est propre. Il désigne le principe
où la cause finale des choses. L’ancienne médecine parlait des vertus
digestives du gingembre, des vertus calmantes du tilleul ou rafraîchissantes de
la menthe. Il n’y a pas de hasard dans l’emploi de ce terme. La vertu est dans
ce sens inséparable d’un principe vital actif. Nous pourrions dire qu’il y a
dans la plante un principe actif enveloppé dans la perfection de sa
forme, et c’est ce principe actif que nous pouvons employer dans une
finalité (R)
qui est le soin. La vertu de la plante contribue en vertu de ses qualités
naturelles à notre santé. Aristote, montre dans L’Ethique de Nicomaque, dans le
même sens, que la vertu de l’œil est la perfection de la vision, car c’est
en vertu de l’état satisfaisant de l’organe œil que notre vision
habituelle devient possible. La vertu de l’œil rend sa fonction parfaite,
c’est-à-dire réalise la fin qui lui est propre, fin qui lui est assignée par la
Nature. Nous pouvons dire aussi que la vertu rend l’œil parfait en lui-même. De
la même manière, la vertu du cheval rend tout à la fois le cheval parfait en ce
qu’il est, comme forme présente dans la Nature et aussi en ce qu’il est bon pour
la course, pour porter un cavalier. (texte)
Mais peut-on appliquer cette analyse à la vertu morale de
l’homme? « S’il en va ainsi de même pour tout, la vertu de l’homme serait une
disposition susceptible d’en faire un honnête homme capable de réaliser la
fonction qui lui est propre », capable de réaliser ce que nous appellerons son
excellence. L’idée qui apparaît ici, c’est que la vertu est l’expression de la
nature de l’homme. Nous avons vu que pour Aristote l’amitié vertueuse, à la
différence de l’amitié plaisante et de l’amitié utile, était essentielle et non
accidentelle. Bien sûr il est plus essentiel de s’attacher à la personne de
l’ami que de chercher en lui un agrément ou un service. Cependant, l’essentiel
de l’amitié n’est pas là, mais dans le principe par lequel l’homme veut le bien
et persévère dans le bien. Désirer l’excellence de la vertu, ce n’est pas poser
une contrainte surhumaine, comme celle d’un devoir formel que nous nous
imposerions, mais actualiser un principe qui est présent en nous. Pourtant, les
vertus diffèrent des passions en ce qu’elles se cultivent par une éducation de
la volonté. Dans l’émotion, telle que la peur ou la colère, je suis brutalement
emporté et je perds contrôle. Dans les passions, le désir devient comme une
force de la nature qui nous conduit là où il veut. Si on entend par nature cette
force qui propulse une passion, on dira en ce sens « qu’aucune des vertus
morales ne naît naturellement en nous ». De même, la pierre qui suit
l’apesanteur ne va pas changer de comportement, même si on la jette en l’air un
nombre incalculable de fois. De là on conclut que « ce n’est donc ni par un
effet de la nature, ni contrairement à la nature que les vertus naissent en
nous, nous sommes naturellement prédisposés à les acquérir, à condition de les
perfectionner par l’habitude ». Il est important de ne pas perdre de vue cette
subtilité du ni… ni de la vertu au point de jonction de l’habitude. Un
caractère moral se forme dans l’application consciente de la volonté à la
conduite. (texte) La vertu n’est pas l’effet d’un pur artifice, d’un
conditionnement ou
d’une pure idée. Elle n’est pas d’avantage une sorte de pulsion, une impulsion,
un emportement, ou un désir. A cela s’ajoute que dans le domaine de l’action,
nous avons affaire à une complexité liée à la particularité unique de chaque
situation d’expérience. « Notre raisonnement pour ce qu concerne l’action doit
n’être que général et sommaire… ce qui concerne l’activité n’a rien de fixe, non
plus que ce qui concerne la santé ». La vertu ne regarde pas du coté des faits
et de leur complexité, mais du côté de l’agent et de ses dispositions. Aristote
précise que le jugement moral bien fondé ne porte pas sur les passions. Ce n’est
pas en références aux passions que l’on décerne l’éloge ou le blâme, mais bien
aux vertus et aux vices, parce que « les vertus comportent un certain
choix
réfléchi, ou tout au moins n’en sont pas dépourvues ». C’est ce qui justifie que
la vertu soit une disposition acquise.
Une fois cette mise au point effectuée, nous pouvons avec
Aristote différencier deux types de vertus :
a) La vertu intellectuelle « qui provient en majeure
partie de l’instruction dont elle a besoin pour se manifester et se développer,
aussi exige-t-elle de la pratique et du temps ». Dans cette catégorie, Aristote
place l’intelligence, la sagesse et la prudence.
b) La vertu morale « qui est fille des bonnes
habitudes ». Aristote place ici par exemple le courage, la tempérance ou la
magnanimité. Pourquoi donc les désigner spécifiquement comme éthiques ? Aristote
ne considère pas l’éthique comme Kant peut le faire. Il analyse des caractères
et les vertus morales sont des vertus du caractère. C’est dans le caractère
qu’elles se stabilisent. Elle ne sont pas purement rationnelles, elles
s’appliquent à l’infra-rationnel en nous, à savoir l’étage du plaisir et de la
peine, du désir lié au corps, l’orexis. Cependant, la raison n’est pas
étrangère à cet ordre, ni impuissante et elle peut créer une incitation en
direction du bien et travailler à convertir l’infra-rationnel par l’exercice et
l’habitude. (texte)
Si nous voulons maintenant apporter une précision à cette
idée de disposition acquise de la vertu, nous dirons qu’elle suppose une
juste
mesure entre un excès et un défaut. Le vice au contraire se rencontre dans
l’excès et le défaut. « Tout homme averti fuit l’excès et le défaut, recherche
la bonne moyenne et lui donne la préférence, moyenne établie non relativement à
l’objet, mais par rapport à nous ». C’est dans la juste mesure que se situe la
perfection et c’est ce sens de la perfection que délivre l’excellence. On dit à
juste raison : « ce qui fait qu’on dit généralement de tout ouvrage
convenablement exécuté qu’on ne peut rien lui enlever, ni rien lui ajouter, tout
addition et toute suppression ne pouvons que lui enlever sa perfection et
l’équilibre parfait la conservant ». Il en est de même de cet équilibre de l’âme
qui est vertu. L’homme vertueux n’est pas celui qui a tué en lui tout sentiment
et toute émotion, mais qui ne les éprouve que dans une mesure juste. «
Par exemple, les sentiments d’effroi, d’assurance, de désir, de colère, de
pitié, enfin de plaisir ou de peine peuvent nous affecter ou trop ou trop peu…
Mais si nous éprouvons ces sentiment au moment opportun, pour des motifs
satisfaisants, à l’endroit des gens qui le méritent, pour des fins et dans des
conditions convenables, nous demeurons dans une excellente moyenne et c’est là
le propre de la vertu ». Par là, nous devons comprendre que la juste mesure
n'est pas la médiocrité, mais l'excellence
morale. (cf.
Plutarque texte)
2) Conséquemment : « La vertu est donc une disposition
acquise volontaire, consistant par rapport à nous, dans la mesure, définie par
la raison conformément à la conduite d’un homme réfléchi. Elle tient la juste
moyenne entre deux extrémités fâcheuses, l’une par excès, l’autre par défaut ».
Cette thèse nous conduit donc à une représentation très différente de la vertu
dans laquelle nous ne partons pas d’une dualité de termes, mais d’une
triade.
De cette manière,
« les extrêmes les plus éloignés l’un de l’autre reçoivent l’appellation de
contraires". Dans le tableau, les premières lignes sont tirées de L’Éthique de Nicomaque,
(à compléter): (ex
13)
Par défaut (trop peu) |
Vertu |
Par excès (trop) |
|
|
|
débauche |
|
|
|
Générosité |
prodigalité |
mesquinerie |
Magnificence |
|
petitesse d’âme |
|
|
|
Douceur |
irascibilité |
dissimulation |
Véracité |
|
rustrerie |
Enjouement |
|
désagrément |
|
flatterie |
|
scrupule |
|
|
culpabilité |
|
injustice subie | ||
|
rigidité |
|
|
orgueil |
|
Confiance | ||
Sensibilité | ||
mollesse |
|
|
exhibitionnisme |
|
|
|
Excellence |
|
|
|
autoritarisme |
Patience |
Pour respecter le mouvement de la pensée d’Aristote, il est important d’associer
à chaque figure un caractère moral sous la forme d’un portrait : le
couard, le courageux, le téméraire, l’ascète, le
tempérant, le débauché, l’avare, le généreux, le
prodigue etc. L’analyse des vertus se laisse percevoir avec bien plus de
clarté quand nous en dessinons le portrait psychologique. Il nous apparaît alors
que les types moraux sont comme des personnages que les hommes endossent
et peuvent quitter, des personnages qu’ils peuvent parfois porter toute
leur vie, à la mesure de leurs tendances. Plus exactement, comme
Bergson l’a
très bien vu dans Le Rire, nous pouvons remarquer que ce sont les
extrêmes qui forment les caricatures les plus typiques, celles-là même
qui alimente la comédie au théâtre et au cinéma. Le juste milieu est moins
saisissable, car il est plus proche du vrai. La Bruyère, dans Les
Caractères compose en fait un essai de typologie morale. Il est d’autant
plus brillant qu’il peint l’outrance et la démesure, dans l’excès ou dans le
défaut. Voici quelques indications données dans L’Éthique de
Nicomaque :
a) Le courageux se tient entre le couard et le
téméraire. Il n’est pas vaincu par la peur, mais ne montre pas non plus de
velléité à s’exposer au danger de manière inconsidérée. Il fait preuve
d’endurance à l’égard des maux qui peuvent nous effrayer. « Or, ce qui est le
plus terrible, c’est la mort, qui est le terme final au-delà duquel il n’y a
plus, semble-t-il, ni bien, ni mal ». Le courageux saura affronter la mort sans
lâcheté ni bravade et son endurance montrera en même temps sa force d’âme.
b) Le
tempérant sait trouver un juste milieu dans les
plaisirs sensuels entre l’excès et le défaut. Il n’est ni le débauché incapable
de tout sens de la mesure, ni celui qui mortifie ses désirs. Ce qui caractérise
l’intempérance, est la faiblesse de caractère d’une inaptitude à supporter la
privation. «
L’affliction
disproportionnée qu’on ressent lorsqu’on est privé de ce qui fait plaisir
–effectivement on dira que c’est le plaisir qui cause la peine- ; le tempérant
au contraire ne manifeste aucune peine à la privation de ce qui est agréable ».
Il saura ne chercher que ce qui convient à sa nature. « Les satisfactions
agréables et susceptibles d’entretenir la santé et le bon état physique, le
tempérant les recherchera avec mesure et décence ».
c) Le généreux ne retient pas pour lui-même, mais il
sait aussi ne pas dilapider de manière irréfléchie et donner à bon escient. « Ce
n’est pas dans la multitude des dons que consiste l’attitude généreuse, mais
dans la disposition de l’esprit du donateur, disposition qui consiste à donner
selon ses moyens ». Le généreux prendra soin de ne pas faire du don une forme de
pouvoir. « S’oublier caractérise bien la générosité », mais cela ne veut pas
dire manquer de discernement. « Le généreux donnera et dépensera pour ce qui
convient et autant qu’il convient, aussi bien dans les grandes que dans les
petites occasions, mais toujours avec plaisir ».
d) Le magnanime est celui qui porte la grandeur sans
être pourtant autant le prétentieux ou le pusillanime. Le prétentieux s’estime à
la hauteur de grandes choses, mais reste en dessous. Inversement, « celui qui se
sous-estime est pusillanime, que sa capacité porte sur de grandes, moyennes ou
petites choses, il estime toujours ne pas être à la hauteur ». Le magnanime se
comporte comme il le doit par rapport à l’honneur et au déshonneur.
e) L’homme de caractère doux n’est pas pour autant
mou, passif et insensible. Il n’est pas non plus irritable violent ou agressif.
Le flegmatique « parait manquer de sensibilité et n’être affligé par rien ;
inaccessible à la colère, on le croirait manquer de moyen de défense ». Il est
d’ordinaire jugé stupide, car précisément la stupeur est cet état dans lequel
l’esprit engourdi ne semble pouvoir être touché, affecté, révolté par rien.
L’irascibilité à l’autre extrémité consiste à : « s’emporter à tort, contre ce
qui ne mérite pas notre colère, plus et plus vite qu’il ne faut, et pendant trop
longtemps ». Ainsi, la douceur n’est pas la mollesse, elle n’exclut pas la
pointe de colère quand il le faut, là où il le faut. L’homme doux de caractère
ne se laissera pourtant pas prendre dans l’emportement et il retrouvera aisément
son calme. « Le mal finit par se détruire lui-même, s’il est total, il devient
insupportable ». Le sage sait que la colère est l’ennemi de l’équanimité.
Nous aurions certainement beaucoup à gagner à nous inspirer de l’éducation morale des anciens. Surtout que nous sommes encore sous l’influence du formalisme dont on n’a rien pu tirer de précis dans la pédagogie morale. Le formalisme analyse la morale en invoquant l’application du pur principe du devoir. Entre le principe et l’acte, il y a le sujet concret qui n’est pas une pure raison. La compréhension grecque des vertus redonne son humanité au sujet moral. Même l’enseignement fondé sur l’idée de valeurs a tout à gagner à montrer l’incarnation vivante des vertus. C’est très tôt que nous pourrions familiariser l’enfant avec l’incarnation des valeurs sous la forme de caractères. Le conte est un outil formidable à cet effet. L’ancien usage pédagogique de l’histoire avait aussi ce même intérêt de figurer de manière vivante des types universels et de les donner à reconnaître. Si nous voulons partager notre système de valeurs et en permettre la critique, nous pouvons au moins le présenter sous la forme d’une typologie des vertus. C’est déjà mieux que ne plus en dire un mot, de laisser aux mass media le soin de formater le jugement, pour ensuite asséner des principes civiques qui restent abstraits et loin de la vie tant qu’ils n’ont pas été caractérisés de manière précise.
Comme le dit André Comte-Sponville aux premières lignes de son Petit traité des grandes vertus, « si la vertu peut s’enseigner, comme je le crois, c’est plus par l’exemple que par les livres », ce qui n’empêche pas pour autant que nous ayons besoin de mesurer le chemin qui nous en sépare. Le moralisme qui consiste à condamner les hommes pour ce qu’ils montrent dans leurs vices ne nous suffit pas, c’est « une morale des tristes et une triste morale », comme le disait Spinoza. Il n’a pas plus d’intérêt que le préchi-précha religieux qui tombe dans la même catégorie. Ce dont nous avons besoin, c’est de savoir ce qui peut contribuer à plus d’humanité et en cela l’étude des vertus est très utile. La vertu est une « puissance d’humanité », ce sont les vertus morales qu fond qu’une homme semble plus humain ou plus excellent, comme disait Montaigne, qu’un autre, et sans lesquelles, comme disait Spinoza, nous serions à juste titre qualifiés d’inhumains».
1) C’est un étrange paradoxe : d’un point de vue moral un homme peut être plus ou moins humain, comme s’il réalisait l’essence de l’Homme de manière plus ou moins complète. Nul homme n’est un « homme idéal ». Une telle expression ne veut rien dire et elle est terrible de conséquence, car y croire serait mépriser la quasi totalité de nos semblables. Il y a nos limites et notre expression de l’humanité dans les limites.
La vertu
n’est pas surhumaine et la raison qui s’y applique, comme le dit
Spinoza, ne
demande rien qui soit contre-nature. D’autre part, la vertu n’est pas un effort
imposé par un devoir qui demanderait de se
mortifier soi-même, mais au contraire
de s’aimer soi-même. Celui qui s’aime lui-même cherche ce qui lui est
utile, c’est-à-dire ce qui est bon et non pas ce qui est mauvais : « Puisque la
Raison n'exige rien qui s'oppose à la Nature, elle exige donc elle-même que
chacun s'aime soi-même, qu'il recherche sa propre utilité, en tant qu'elle est
réellement utile, qu'il poursuive tout ce qui conduit réellement l'homme à une
plus grande perfection, et que, d'une manière générale, chacun s'efforce de
conserver son être autant qu'il le peut. Tout cela est aussi nécessairement vrai
que le fait, pour un tout, d'être plus grand que la partie. Ensuite, du fait que
la vertu n'est rien d'autre qu'agir selon les lois de sa propre nature, et que
personne ne s'efforce de conserver son être si ce n'est selon les lois de sa
propre nature ». La vertu est l’expansion de l’amour de soi que toute vie se
porte elle-même en cherchant à se conserver. Et cet expansion de soi n’est rien
d’autre que le bonheur : « le fondement de la
vertu est l'effort même pour conserver son être, et le bonheur consiste en ce
fait que l'homme peut conserver son être ». Nous avons vu que
Spinoza appelle
conatus l’affirmation dans l’Être. De là
suit que la vertu ne saurait être recherchée pour une autre fin qu’elle-même
« la vertu est à poursuivre pour elle-même, et il n'existe rien qui soit plus
valable qu'elle, ou plus utile pour nous, et en vue de quoi elle devrait être
poursuivie ». Le sage ne fera pas le bien pour obtenir une récompense, une
gratification ou à l’inverse par crainte d’une punition. La religion seule peut
invoquer un tel motif, précisément parce qu’elle parle à l’ignorant, parce
qu’elle s’adresse à l’homme qui se montre incapable à poursuivre le bien pour
lui-même et non pour autre chose. C’est pour l’ignorant que l’on a inventé une
vertu qui est un pur « devoir », une vertu qui
exige de lourds sacrifices, rétribués dans un autre monde dans lequel les
justes seront récompensés et les méchants punis. Mais un bien que l’on poursuit
sous la menace d’une sanction ou pour le mérite n’est qu’une motivation
d’hypocrite. Il ne sera jamais l’affirmation du vertueux. Ce n’est que du point
de vue de l’ignorance que la vertu et le bonheur ont été dissociés, la première
devenant l’effort consistant à s’évertuer à faire le bien, tandis que le
second était assimilé à une promesse différée dans le
temps, en direction d’un
arrière monde. C’est encore du point de vue de l’ignorance qu’il a été enseigné
que la vertu exigeait la haine de soi. Ce sont des moralistes religieux qui ont
répété que le cœur de l’homme était « vide et plein d’ordures » et qu’en
conséquence, on ne pouvait trouver en lui la moindre trace de bonté. C’est à la
religion que revient le triste privilège d’avoir affirmé que l’homme est marqué
dès sa naissance de l’horrible tache du péché originel. Ce faisant, les
moralistes ont fait de la vertu un "martyr", du bonheur un « idéal de
l’imagination », de l’amour de soi une chose laide et malsaine qu’ils ont
confondu avec sa caricature sous forme "d’amour-propre".
De là nous vient cette complète cécité devant les textes de l’antiquité et notre extrême difficulté à les comprendre. De là aussi la disparition de l’usage du mot vertu dans notre vocabulaire. Nous avons dissocié et fragmenté ce qui ne peut pas l’être, nous avons séparé dans des dualités infranchissables ce qui est Un. C’est d’un même élan que le Soi s’aime lui-même, tend vers le bien, connaît cette pure expansion du sentiment d’exister qu’est le bonheur et qu’il est vertueux. Si nous appelons béatitude le délice d’exister, comme le dit souvent la poésie de Shri Aurobindo, et que nous comprenons enfin qu’elle est proche parente du bien, nous comprendrons qu’elle n’est pas séparable de la vertu et qu’il n’est pas nécessaire de se mortifier pour l’obtenir. Ce qui nous permettrait de comprendre ce que dit la dernière page de l’Éthique :
« La Béatitude n’est pas le prix de la vertu, mais la vertu elle-même ; et cet épanouissement n’est pas obtenu par la réduction de nos appétit sensuels, mais c’est au contraire cet épanouissement qui rend possible la réduction de nos appétits sensuels ».
2) Trouvez la Béatitude en vous-même et le reste vous sera donné de surcroît ! Et comme elle réside en vous-même vous n’avez pas à chercher bien loin ! Vous n’avez pas à chercher du tout. Vous êtes cela. Vous êtes la Vertu.
Certes,
parvenus en ce point, l’esprit peut marquer un pas en arrière en prétextant
qu’il s’agit là d’un saut presque mystique dont il est incapable. L’esprit ne
peut concevoir de vertu que dans la "recherche" d’une perfection du moi. Nous
voyons effectivement dans la vertu un art de polir par l’exercice les aspérités
tranchantes du moi, bref de le rendre meilleur. Le moi, en souci de devenir
aspire à devenir meilleur. Ce qu’il nomme vertu est un
calcul savant pour
s’efforcer d’être bon, charitable, généreux, honnête, patient, courageux, droit,
responsable juste ou véridique. On peut douter de ce qu’une éducation
rationnelle à la vertu (cf.
Schopenhauer texte) puisse en quoi que ce soit toucher l’essence de la vertu
comme être-vertu. Je peux toujours dire je m’efforcerai d’être chaque
jour plus aimant, plus charitable, juste, bon et honnête etc. Il y a de bonnes
chances dans ce cas que la bonté spontanée (texte) du cœur s’envole par la fenêtre. Il
n’y a pas de vertu véritable sans conversion du cœur. (texte) L’exercice patient
civilise l’humain, mais ne le converti pas. Tant que le cœur n’est pas changé,
la vertu n’est encore qu’un verni de surface. A la limite une pose. La
pose de l’ascète religieux est certainement plus louable que la pose du snob, de
l’écervelé ou de la brute. Mais c’est encore une pose. Il reste encore une trace
de l’ego, de ses manigances, ses calculs, sa dissimulation, ses travers. C’est
ce type d’ambiguïté qui permet de comprendre le caractère abrupt d’un passage
des Commentaires sur la Vie de Krishnamurti : « La vertu ne vient pas de
l’esprit mais du cœur. Quand l’esprit cultive la vertu, c’est du calcul ; c’est
de l’autodéfense et un moyen habile de s’adapter au milieu. La perfection du moi
est exactement le contraire de la vertu ». (texte) En d’autres termes, la Vertu ne se
manifeste qu’en l’absence de l’ego, quand le cœur s’est changé dans une
compassion sans limite. La « perfection du moi », c’est encore le moi sous une
forme polie, raffinée, sublimée, mais c’est encore le moi. Voilà qui nous aide
sérieusement à comprendre le travail que demande le bouddhisme dans
l’investigation patiente qui révèle l’inexistence de l’ego. C’est l’ego qui
prend des poses en se donnant un personnage. C’est précisément en posant dans la
vertu outragée qu’il campe dans la position qui le confirme le plus et lui donne
le moyen d’exiger la reconnaissance la plus grande. Il y a moyen de se servir de
la pose vertueuse pour abriter toutes les ambitions. Y compris des ambitions
dites « spirituelles ». C’est le dernier carré de repli de l’ego. Le plus noble,
le plus intouchable, le plus respectable. L’ego sous une forme très
subtile et
difficile à déceler. Et pourtant, nous l’avons vu, nous savons que celui-là même
qui fait le bien s’oublie en tant que moi, nous savons que la bonté va bien
au-delà de l’ego. De la même manière, la
charité n’exige rien, la justice est
impartiale, sans être dure, la droiture n’est pas la compulsion rigide qui
consiste à se cramponner à des principes étroits. L’honnêteté ne calcule pas
pour l’intérêt exclusif de l’ego. Ce qui est grand dans la vertu, c’est
l’effacement du moi, l’absence d’égoïsme.
Hypocrite et dissimulé serait celui qui voudrait conserver un repli sur soi,
coupé de l’acte vertueux. Toute vertu est un don de Soi qui délaisse les
prérogatives de l'ego.
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Pas plus aujourd’hui qu’autrefois, la vertu ne consiste dans une sorte d’application générale au conformisme. Celui qui se conformerait aux mœurs d’une société passablement dépravée n’aurait que la possibilité de se donner bonne conscience. Le qualificatif d’idéal moral ne lui convient pas non plus, il est trop théorique et ne pourrait être prononcée que par une conscience extrahumaine qui n’aurait pas elle-même souci de s’élever dans le bien. La formule « effort persévérant vers le bien » est pertinente, à condition d’ajouter qu’elle est aussi « l’acquisition d’une habitude de conduite droite ». Ce qui correspondrait à la description donnée par Aristote.
Il faut remarquer le caractère très modeste occupé par la théorie de la vertu dans la vertu elle-même. La vertu s’exerce. Le seul concept de la vertu ne rend pas vertueux, comme le fait même de savoir où est le bien ne suffit pas encore pour qu’on s’y applique. Il en est de la vertu un peu comme de la beauté. C’est une chose que d’aimer une belle description d’un paysage et une autre de rencontrer directement la beauté du paysage. Dans le Ménon, Platon montrait que la vertu ne saurait être une science. Ceux qui, comme les sophistes, prétendent être des professeurs de vertu, ne font que tromper leur monde. Nous l’avons vu, le maître, tel Socrate, ne peut pas enseigner la vertu, il ne peut qu’inciter à la vertu. Si l’examen sérieux de ce qui est, si la lucidité éclaire sans compromission, c’est pour ouvrir la voie d’une conduite juste dans la vie.
D’autre part, dans le contexte qui est le nôtre, nous aimerions créer une amalgame et identifier la recherche du plaisir avec la conduite morale. Aristote nous prévient par avance que le plaisir n’est pas un guide très sûr. Il existe des plaisirs pervers et malsains. De sorte que s’enticher du plaisir, c’est souvent perdre la droiture. Sénèque dans La Vie heureuse est très net sur cette question : « Les anciens ont prescrit de vivre la vie la meilleure et non la plus agréable, de telle sorte que le plaisir soit non pas le guide de la volonté droite, mais son compagnon de route».
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© Philosophie et spiritualité, 2005, Serge Carfantan,
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